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Le Conseil du Trésor est heureux de procéder au lancement de son Projet du millénaire qui s'intitule Les jalons vers le nouveau millénaire : Servir les intérêts du public. On retrouve dans cette publication un relevé chronologique des faits marquants et des personnes clés qui ont façonné la fonction publique de 1867 à nos jours.
M. Kenneth Kernaghan, professeur de science politique et de gestion à l'Université Brock, a assuré les volets recherche et rédaction de cette publication. Mentionnons qu'en 1996, M. Kernaghan s'est vu décerner la médaille Vanier en reconnaissance de sa précieuse contribution dans le secteur de l'administration publique de même que le Brock University Award for Distinguished Research and Creative Activity. En 1998, M. Kernaghan a été nommé membre de la Société royale du Canada.
« La fonction publique est une vocation spéciale. [...] Ceux qui s'y dévouent y trouvent un sens et une satisfaction qu'il n'est pas possible de retrouver ailleurs. Mais les récompenses ne sont pas matérielles. [...] Ce sont les récompenses intangibles que procure le sentiment de consacrer sa vie au service du pays, à la conduite des affaires de l'État, à la poursuite d'objectifs publics petits et grands et à l'accomplissement du bien commun »1
Groupe de travail de sous-ministres sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, 1997
Vous trouverez dans le présent site Web les faits saillants de l'historique de la fonction publique fédérale dans le cadre des efforts qu'elle a déployés pour servir les intérêts publics, depuis la Confédération jusqu'à ce nouveau millénaire. Ces faits saillants paraissent ci-après en caractères gras et en italiques.
Ce site Web est un projet du millénaire du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
« Quelque excellent que pourrait être le gouvernement du jour, ou quelque sages que seraient ses actes administratifs, ils seraient gâtés par les fautes du service civil »2 Ces propos de George Elliot Casey, président du comité parlementaire de 1877 sur le service public, montrent bien que l'on reconnaissait déjà l'importance capitale du rôle que les fonctionnaires canadiens sont appelés à jouer pour la conduite des affaires de l'État. En demandant la création d'une fonction publique efficace, M. Casey reprenait les recommandations de la Commission royale sur le service civil de 1868 et devançait celles que formuleraient les membres des cinq prochaines commissions entre 1881 et 1913. En effet, depuis la Confédération en 1867 jusqu'à l'adoption de la Loi sur le service civil en 1918, la question de l'heure a été de savoir dans quelle mesure les nominations gouvernementales devaient être fondées sur le mérite (adaptation au poste) et non sur le favoritisme (partisanerie politique). Le rapport d'une commission d'enquête de 1891-1892 a recommandé la création d'une fonction publique fondée sur le mérite qui « saurait attirer le plus possible de personnes à la recherche d'autres sortes d'emplois. Le poste de fonctionnaire deviendrait alors un honneur très convoité »3 Au cours de ses cinquante premières années d'existence, la fonction publique canadienne a plus ou moins réussi à éliminer le favoritisme, à contrôler les dépenses publiques et à promouvoir le mérite, les concours, un régime de retraite ainsi que les carrières de fonctionnaires.
2. 1918 - LE PASSAGE AU MÉRITE
En 1918, un fonctionnaire fédéral travaillant à Montréal s'est rendu à un rassemblement politique d'un candidat du Parti libéral et a crié « Vive les conservateurs », puis a traversé la rue pour se rendre à l'assemblée d'un candidat du Parti conservateur, où il a crié « Vive les libéraux ». Ces gestes lui ont valu d'être congédié de la fonction publique pour cause de participation à des activités politiques partisanes, et ce, même si on avait pu, à juste titre, invoquer qu'il avait scrupuleusement partagé son soutien entre les deux partis. La Loi sur le service civil de 1918 - dont l'adoption a marqué l'évolution de la fonction publique fédérale - imposait des limites draconiennes aux activités politiques des fonctionnaires. Cette loi visait à promouvoir l'efficience de la fonction publique en réduisant le nombre de nominations partisanes et portait la création de la Commission du service civil (qui est devenue par la suite la Commission de la fonction publique), à qui elle confiait la responsabilité de fonctions essentielles comme la dotation et l'organisation de la fonction publique ainsi que la classification des postes dans cette dernière. Il convient principalement de signaler qu'il incombait à la Commission d'offrir des promotions fondées sur le mérite et de réduire le favoritisme, et ce, en exigeant que les nominations soient déterminées par voie de concours.
3. 1921 - LE MÉRITE ET LE MARIAGE
Autres temps, autres moeurs. En 1921, les femmes mariées étaient officiellement exclues des postes à la fonction publique, sauf si elles devaient subvenir à leurs propres besoins et si aucun candidat de sexe masculin n'était intéressé au poste. Les femmes qui détenaient des postes permanents à la fonction publique étaient également contraintes de démissionner dès qu'elles se mariaient. Ces mesures gouvernementales traduisaient le parti pris de l'époque contre la présence des femmes dans la population active. Kathleen Archibald, dans le rapport Les deux sexes dans la fonction publique qu'elle a publié en 1970, affirme que la Commission du service civil « jugeait que le problème qu'elle avait à résoudre n'était pas de garder les femmes à un niveau inférieur - cela allait de soi - mais bien d'empêcher que leur nombre augmente dans la fonction publique »4. Dans la pratique, toutefois, il a fallu engager quelques femmes mariées, mais on leur confiait principalement des postes de dactylographes, de sténographes et de commis. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, un grand nombre de femmes mariées et célibataires ont été recrutées. Toutefois, les restrictions concernant l'embauche des femmes mariées ont été rétablies après la guerre, en partie afin de libérer des postes pour les soldats revenant du front. Certains ministères, en reconnaissance de l'excellence du rendement offert par les employées mariées, ont résisté aux pressions. Heureusement, la pénurie de main-d'oeuvre attribuable au boom économique imprévu de l'après-guerre a contribué à l'abolition de ces restrictions en 1955. Tel qu'il est expliqué plus loin, la question de la participation des femmes à la fonction publique a repris de la vigueur vers la fin des années 60.
4. 1924 - DES EMPLOIS POUR LA VIE?
Les sept commissions d'enquête sur la fonction publique qui ont été formées entre 1868 et 1913 ont préconisé l'adoption d'un régime de pension de retraite à l'intention des fonctionnaires. Sir George Murray, président de la commission d'enquête de 1913, a fait valoir « le caractère absolument essentiel de l'instauration d'un régime de retraite pour assurer le maintien d'un service civil satisfaisant »5 La Commission du service civil faisait remarquer que « les avantages d'un régime de retraite pour la poursuite de l'intérêt public étaient évidents : il enlevait au gouvernement le fardeau et l'odieux de retenir dans ses rangs des employés qui n'étaient plus utiles ». Le régime permettrait en outre « d'empêcher les employés efficaces de quitter le service public pour accepter un emploi dans le secteur privé, [...] d'attirer de meilleurs candidats [...] et, en général, de promouvoir l'efficience à tous les égards »6 La Loi sur la pension du service civil de 1924, qui prévoyait des allocations de retraite, incitait les fonctionnaires à considérer leurs emplois comme une carrière. Dès le début des années 60, une commission royale d'enquête arrivait à la conclusion que la fourniture de prestations de pension constituait « le principal attrait des programmes de la fonction publique » et, qui plus est, décrivait en ces termes la sécurité d'emploi : « d'une façon générale, les régimes de prévoyance en vigueur dans la fonction publique sont plus favorables aux employés que ceux de la plupart des industries privées »7. Toutefois, au cours des années 90, la notion de carrière à la fonction publique offrant une sécurité d'emploi a été rudement mise à l'épreuve.
5. 1931 - LES TRIOMPHES DU TRÉSOR
Le Bureau du contrôleur du Trésor a été créé en 1931 par suite de l'adoption de la Loi sur le revenu consolidé et la vérification. Cette année-là, les dépenses publiques se chiffraient à 450 millions de dollars contre des recettes de 335 millions, soit un déficit de 115 millions de dollars. Le rôle du contrôleur consistait en grande part à sauvegarder deux principes fondamentaux de notre démocratie parlementaire, à savoir que le gouvernement ne doit pas dépenser des fonds sans l'autorisation du Parlement et qu'il doit utiliser les fonds uniquement aux fins autorisées par le Parlement. De plus, au début des années 30, le Conseil du Trésor (un comité du Cabinet créé en 1869) a commencé à assumer un rôle plus actif en matière de contrôle des dépenses. Les efforts impitoyables de W.C. Ronson, le fonctionnaire qui occupait alors le poste de secrétaire du Conseil pour réduire les dépenses, lui ont valu d'être considéré comme l'abominable homme du non! Dans un effort pour laisser la gestion aux gestionnaires, le Bureau du contrôleur a été aboli en 1969, puis la fonction de certification et d'autorisation des dépenses publiques qu'il exerçait a été déléguée aux ministères. On reconnaissait ainsi l'importance de confier la gestion aux gestionnaires. Dans les années 70, pour donner suite aux préoccupations concernant les dépenses débridées du gouvernement, on a créé, en 1978, un bureau portant un nom semblable, mais chargé d'une fonction bien différente. Il s'agissait du Bureau du contrôleur général, qui relevait du Conseil du Trésor pour assurer l'évaluation des programmes ainsi que la gestion financière et la vérification interne des ministères.
6. 1940 - DIRIGER LA FONCTION PUBLIQUE
« Le Bureau du Premier ministre est partisan, orienté sur la politique tout en étant sensible aux opérations. Le Bureau du Conseil privé est apolitique, orienté sur les opérations tout en demeurant sensible à la politique »8. Voilà quelle distinction Gordon Robertson, à l'époque greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, établissait en 1971 entre le bureau qu'il dirigeait et le bureau servant les intérêts politiques du Premier ministre. Le premier greffier du Conseil privé du Canada a été nommé le 1er juillet 1867, le jour même de l'assermentation des ministres ayant formé le premier Cabinet du pays. Au début de la Deuxième Grande guerre, les lourdes responsabilités du Cabinet ont exigé l'amélioration de l'aide consultative. C'est ainsi que, en 1940, A.D.P. Heeney, premier secrétaire du cabinet du Premier ministre depuis 1938, a été nommé à la fois greffier du Conseil privé et premier secrétaire du Cabinet - double charge qu'ont assumée depuis quelques-uns des fonctionnaires canadiens les plus éminents. En 1956, le titulaire de cette charge a été décrit comme ayant « la préséance à titre de premier fonctionnaire de la fonction publique »9. La primauté de cette charge a été officiellement reconnue en 1992 par la Loi sur la réforme de la fonction publique, aux termes de laquelle « le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet est le chef de la fonction publique »10.
7. 1951 - CONTRÔLER LES DÉPENSES
« Principaux jalons de l'effort du Parlement pour exercer [...] un contrôle efficace sur les dépenses publiques »11, c'est en ces termes que Herbert Balls, contrôleur du Trésor pendant de nombreuses années, a décrit deux événements : l'adoption, en 1931, de la Loi du revenu consolidé et de la vérification (abordée ci-dessus) et son remplacement, en 1951, par la Loi sur l'administration financière. Cette dernière conférait au Conseil du Trésor le pouvoir de prendre des décisions exécutoires sur une vaste gamme de questions relatives aux ressources financières et humaines, ainsi que d'approuver des contrats. Dans la pratique, la plupart des travaux de ce comité de ministres ont été délégués à des fonctionnaires, relevant ainsi les ministres du Cabinet, déjà surchargés, de la lourde responsabilité des travaux administratifs routiniers.
La loi de 1951 traitait également du grand nombre d'organismes non ministériels créés de manière quelque peu aléatoire depuis la Confédération pour exécuter la charge de travail croissante du gouvernement. Ces aberrations structurelles prenaient des formes organisationnelles des plus extravagantes12, dont des centaines d'agences, de conseils et de commissions échappant à divers degrés du contrôle direct des ministres. La loi a tenté de préciser la nature de ces agences et d'en renforcer l'obligation de rendre compte en les classant sous divers genres de « sociétés de la Couronne ».
8. 1961 - PROTÉGER LE MÉRITE ET GÉRER LES RESSOURCES HUMAINES
Quelle répartition des fonctions du personnel entre la Commission de la fonction publique, le Conseil du Trésor et les ministères satisfait le mieux aux intérêts du public? Les réponses à cette question abondent. La Commission royale chargée d'enquêter en 1946 sur la classification administrative13 (la Commission Gordon) a recommandé le maintien de la Commission du service civil à titre d'« organisme indépendant et distinctement constitué » s'occupant essentiellement du recrutement et des promotions de même que le transfert au Conseil du Trésor des autres fonctions de la gestion centralisée du personnel. Puis, en 1958, le rapport de la Commission du service civil sur l'administration du personnel dans le service public (le rapport Heeney)14 recommandait que la Commission continue d'exercer les fonctions de recrutement et de promotion, mais que, par souci d'assurer une « administration ministérielle sans entrave », elle renonce aux fonctions qui n'étaient pas liées directement au principe du mérite. Toutefois, la Loi sur le service civil de 1961 a confirmé le caractère indépendant de la Commission, ses pouvoirs en matière de recrutement et de promotions ainsi que sa responsabilité relative à certaines questions ne relevant pas directement du mérite. La disposition de la loi prévoyant la consultation des associations d'employés en matière de rémunération et d'autres conditions d'emploi laissait entrevoir l'avenir.
9. 1962 - LAISSER LA GESTION AUX GESTIONNAIRES
Dès 1962, près d'un demi-million de fonctionnaires fédéraux exerçaient une gamme formidable d'emplois. « À cette activité variée correspond toute une gamme d'occupations allant des actuaires et anthropologues aux vétérinaires et radiologues, en passant par les apiculteurs [...] et les pharmaciens. Le dénombrement de métiers tels que poulieur, boîtier à pied, galvanoplaste, conducteur de chariot élévateur à fourches, gabarier, aide-piscifacteur et receveur d'épaves confère à cette liste un certain cachet de mystère »15.
Pour gérer toutes ces activités, on proposait de plus en plus de diriger le gouvernement comme s'il s'agissait d'une entreprise, proposition qui a influencé le rapport de 1962 de la Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement, dirigée par l'homme d'affaires, J. Grant Glassco. Si le rapport reconnaissait les principaux éléments distinguant l'appareil gouvernemental d'une entreprise et l'exécution de première classe de certaines opérations gouvernementales, il a conclu que « de nombreux secteurs de l'administration fédérale pourraient bénéficier de l'application de méthodes qui ont déjà fait leurs preuves dans l'industrie »16, thème qui a été repris à de nombreuses occasions au cours des années qui ont suivi, surtout dans les années 90.
Le rapport en cinq volumes déposé par la Commission a marqué considérablement l'organisation et la gestion du gouvernement. Pour laisser la gestion aux gestionnaires, les auteurs du rapport préconisaient l'abolition de certaines contraintes imposées aux ministères par la Commission du service civil et le Conseil du Trésor. Ils poursuivaient en proposant le transfert des fonctions de gestion de la Commission au Conseil.
10. 1967 - ÉVOLUTION FULGURANTE
En 1967, deux nouvelles lois et une loi modifiée ont grandement influé sur les liens entre la Commission et le Conseil. La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui conférait aux fonctionnaires le droit de négocier des conventions collectives, dont le droit de grève, entraînait des effets à long terme appréciables. Les syndicats de la fonction publique, comme l'Alliance du service civil du Canada et l'Institut professionnel du service public du Canada, ont défendu âprement les intérêts de leurs membres. Vers la fin des années 90, les employés du secteur public (de tous les ordres de gouvernement) représentaient près du quart de la population active, mais presque la moitié des syndiqués. En 1967, une Commission des relations de travail dans la fonction publique a été chargée d'administrer le régime fédéral de négociations collectives, tandis que le Conseil du Trésor s'est vu confier la responsabilité de représenter le gouvernement dans le cadre des négociations avec les fonctionnaires.
L'adoption d'une deuxième loi, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, a conféré à la Commission de la fonction publique (anciennement la Commission du service civil) le pouvoir exclusif de nommer et de promouvoir les employés en fonction du mérite et de gérer des questions telles que les congédiements et les activités politiques partisanes. Cette loi allégeait également les restrictions imposées aux activités politiques des fonctionnaires dans la Loi sur le service civil de 1918. Enfin, une modification apportée à la Loi sur l'administration financière (dont il a déjà été question) accordait au Conseil du Trésor les pouvoirs de gestion du personnel dans la fonction publique, ce qui comprenait l'établissement des conditions d'emploi. L'unité administrative servant le Conseil est devenue le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
11. 1968 - DES DÉCISIONS... TOUJOURS DES DÉCISIONS
La Commission Glassco avait reconnu que « le fonctionnaire, lui aussi, est muni de certains pouvoirs; il est bien plus que l'instrument passif de la volonté du ministre »17. Les hauts fonctionnaires exercent en partie ce pouvoir en conseillant les ministres sur les décisions que doivent prendre le Cabinet et ses comités. En 1968, le Premier ministre Lester Pearson a officialisé le système de comités du Cabinet en remplaçant les comités spéciaux par des comités permanents qui favoriseraient l'examen approfondi des politiques, la coordination des activités gouvernementales et la prise de décisions opportunes18. Il a par ailleurs mis sur pied le Comité du Cabinet chargé des priorités et de la planification, à qui il a demandé de dresser la liste des priorités du gouvernement, qui servirait de cadre décisionnel en matière de dépenses. La même année, le nouveau Premier ministre, Pierre-Elliott Trudeau, modifiait le régime pour que les comités du Cabinet puissent prendre des décisions de leur propre chef. Ces réformes ont renforcé le rôle du Bureau du Conseil privé (composé de fonctionnaires), qui fournit au Cabinet et à ses comités des conseils sur les politiques et du soutien administratif.
Les Premiers ministres qui ont suivi ont apporté diverses modifications au régime des comités dans le dessein d'arriver à des décisions optimales en matière de politiques et de dépenses ainsi que d'exercer un contrôle politique sur la fonction publique. Évidemment, il est impossible qu'un groupe relativement minuscule de ministres arrive à exercer un contrôle politique efficace sur plusieurs centaines de milliers d'employés. C'est pourquoi les ministres s'en remettent à d'autres mécanismes, notamment les organismes centraux comme le Bureau du Conseil privé et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
12. 1969 - RAPPROCHER LES PROGRAMMES ET LES BUDGETS
Les organismes centraux, en particulier le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, ont été de très importants acteurs du prochain jalon, à savoir l'adoption, en 1969, de la budgétisation de programmes, connue dans l'administration fédérale sous le vocable de Rationalisation des choix budgétaires (RCB). Essentiellement, la budgétisation de programmes consiste à répartir des fonds en fonction des programmes (tels que les services de brise-glace ou la sécurité de la vieillesse) et à mesurer l'incidence des dépenses sur l'atteinte des objectifs des programmes. La RCB exige par ailleurs la prévision des coûts futurs des programmes étant donné qu'un nouveau programme peut ne pas être onéreux les premières années de sa mise en oeuvre mais devenir de plus en plus coûteux au fil des ans. S'il est vrai que la RCB a marqué les styles budgétaires en faisant ressortir les résultats de la dépense des deniers publics, « il n'était probablement pas réaliste de croire qu'elle pourrait vraiment respecter la promesse de transformer l'établissement des budgets en un processus complètement rationnel »19.
L'incidence des conditions économiques sur les styles de budgétisation est incontestable. Par exemple, le Système de gestion des secteurs de dépenses (SGSD), mis en oeuvre en 1979, a fixé les priorités et les limites en matière de dépenses avant que les comités du Cabinet ne prennent des décisions concernant les dépenses de programmes. De plus, le Système de gestion des dépenses de 1995 constitue une forme de budgétisation de programmes qui met l'accent sur la réduction constante de la dette et du déficit, sur l'engagement envers un processus de budgétisation plus ouvert, consultatif et régulier ainsi que sur l'amélioration des rapports et de la reddition de comptes au Parlement et au peuple canadien20.
Psychose de la saturation, voilà l'expression retenue par un haut fonctionnaire pour décrire l'incidence cumulative sur la fonction publique de plusieurs grands jalons à la fin des années 60 : non seulement la Commission Glassco, les négociations collectives et le rôle accru du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, mais aussi la tendance vers la bilinguisation de la fonction publique21. C'est en partie pour donner suite aux préoccupations soulevées par la Commission Glassco concernant la sous-représentation des francophones dans la fonction publique que le Premier ministre Pearson a déclaré, en 1966, que, dorénavant « la fonction publique reflétera, dans le recrutement et la formation de ses membres, les valeurs linguistiques et culturelles des Canadiens aussi bien de langue anglaise que de langue française »22. Par la suite, la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme de 1967 a fortement recommandé d'augmenter la représentation des francophones dans la fonction publique. Conformément à la Loi sur les langues officielles de 1969, le Conseil du Trésor a créé le premier programme de langues officielles afin d'offrir au public des services dans les deux langues officielles, de permettre aux fonctionnaires de travailler dans la langue officielle de leur choix et d'obtenir la pleine participation à la fonction publique des anglophones et des francophones.
14. 1970 - LES FEMMES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
En 1970, les femmes comptaient pour 29 p. 100 des employés de la fonction publique, soit un pourcentage presque identique à celui de leur représentation dans la population active. Toutefois, elles n'occupaient que 14 p. 100 des postes de gestion. La Commission royale d'enquête de 1970 sur la situation de la femme au Canada a conclu que les femmes n'avaient pas les mêmes chances que les hommes d'obtenir une nomination à la fonction publique et de recevoir des promotions par la suite. L'Office de la promotion de la femme, créé en 1971 par la Commission de la fonction publique, est la première d'une série d'initiatives visant à augmenter le nombre de femmes fonctionnaires et à améliorer leur situation. En 1990, les femmes représentaient près de 44 p. 100 des fonctionnaires. La même année, le Groupe de travail sur les obstacles rencontrés par les femmes dans la fonction publique23 signalait que des progrès appréciables avaient été réalisés, mais que d'importants obstacles continuaient de nuire au recrutement et au maintien en poste des femmes. En 1999, les femmes composaient plus de 50 p. 100 de la fonction publique et détenaient 27 p. 100 des postes de haute direction.
15. 1977 - RÉDUIRE LA TAILLE DE LA FONCTION PUBLIQUE
Comment peut-on arriver à augmenter la représentation des femmes alors qu'un exercice de réduction de la taille générale de la fonction publique est en cours? Avec beaucoup de difficulté! Le nombre de fonctionnaires fédéraux a atteint un sommet en 1977, mais il a reculé considérablement depuis. En 1999, près d'un demi-million de personnes travaillaient au gouvernement fédéral, notamment dans les ministères, les entreprises publiques, les forces armées et la GRC. Un peu plus de 40 p. 100 de ces employés, principalement ceux travaillant dans les ministères ordinaires, relevaient de la Commission de la fonction publique. En 1998, le nombre de ces employés s'établissait à 187 187, en baisse par rapport à 282 788 en 1977. Cette réduction dramatique de 30 p. 100 s'inscrivait dans une série de mesures de compression des coûts, de réduction de l'effectif et de restructuration qui ont été lancées dans les années 80 et au début des années 90 et comprenaient l'exercice de l'Examen des programmes mené en 1994 (dont il sera question plus tard).
16. 1977 - DONNER PLUS DE POIGNE AUX VÉRIFICATEURS
« Le vérificateur général demande une plus grande reddition de comptes. ». Ce grand titre de journal24 résumait en peu de mots le rôle principal du Bureau de l'auditeur général du Canada (maintenant le vérificateur général du Canada), un fonctionnaire indépendant du Parlement nommé pour la première fois en 1878. C'est en 1976, alors que le public s'inquiétait de plus en plus du déficit galopant du gouvernement fédéral, que le Bureau du vérificateur général a formulé une déclaration des plus marquantes. Le vérificateur général de l'époque notait que « l'état actuel de l'administration des finances ... n'est pas satisfaisant pour garantir un contrôle total et certain de même que l'obligation de rendre compte des fonds publics afin de répondre à l'augmentation des responsabilités et des programmes actuels. »25. En 1977, une Loi sur le vérificateur général distincte, habilita le titulaire à présenter des rapports sur les trois « E », à savoir non seulement sur l'économie et l'efficience des dépenses du gouvernement, mais aussi sur les mesures en vigueur qui favoriseraient l'efficacité. Cette loi jetait essentiellement les fondements de la « vérification intégrée ». Le vérificateur général a notamment fait montre de responsabilités accrues de son bureau dans les rapports publics qu'il a déposés au cours des années 90 sur les initiatives de réforme du gouvernement.
17. 1979 - LAISSER LA GESTION AUX GESTIONNAIRES
Le rapport de 1979 de la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité (la Commission Lambert) a constitué une importante source d'initiatives de réforme. En créant cette commission en 1976, le gouvernement a fait savoir qu'il partageait les craintes de l'auditeur général concernant l'efficacité du contrôle des deniers publics en raison notamment des « exigences sans précédent [du public] auxquelles le gouvernement doit faire face »26. La Commission a reconnu qu'une « psychose de la saturation » pouvait résulter de la surcharge de réformes lorsqu'elle a fait savoir que réformer la fonction publique peut être « comme effectuer une appendicectomie alors que le patient est à monter l'escalier, un piano sur le dos »27. Après avoir décrit le Parlement comme le point de départ et le point d'aboutissement du processus de reddition de comptes, la Commission recommandait plusieurs mesures permettant de renforcer le contrôle parlementaire exercé sur les dépenses publiques. En outre, elle a poussé plus loin la recommandation formulée en 1962 par la Commission Glassco qui suggérait de « laisser la gestion aux gestionnaires » - pour soutenir que « les administrateurs du gouvernement devraient être tenus de gérer [et ce sont leurs responsabilités] de manière à servir le mieux possible l'intérêt public »28. Elle s'est penchée à nouveau sur le partage des responsabilités entre le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et la Commission de la fonction publique. Elle a recommandé que les responsabilités de cette dernière en matière de gestion du personnel soient transférées au Secrétariat et qu'elle se concentre sur son rôle de gardienne du principe du mérite. Le Comité D'Avignon devait par la suite formuler une recommandation semblable (voir ci-après).
18. 1979 - QU'EN EST-IL DES GENS?
La Commission Lambert, bien qu'elle ait centré principalement ses efforts sur les questions financières, a prétendu que « la gestion du personnel [...] est aussi importante, sinon plus, que la gestion financière pour la gestion efficace de l'ensemble des activités gouvernementales »29. Conscient du bien-fondé de cet argument, le gouvernement a créé le Comité spécial sur la gestion du personnel et le principe du mérite (le comité d'Avignon). Dans le rapport qu'il a déposé en 1979, le comité a prétendu qu'il fallait arriver à un équilibre entre le principe du mérite et d'autres principes comme l'efficience, l'efficacité, la représentativité et l'équité. Il a en outre demandé la répudiation « du régime autoritaire, du régime centralisé de la non-participation et de la non-communication » en matière de gestion et l'adoption d'une théorie qui « repose, au contraire, sur la notion de souplesse, et de « professionnalisme » en matière de gestion; qui vise à stimuler l'esprit d'entreprise; qui tend, en un mot, à établir le dialogue entre gestionnaires et subordonnés »30. Cette théorie mettrait l'accent sur les résultats atteints plutôt que sur la manière de les atteindre - dix années plus tard, elle gagnait énormément de popularité dans les cercles de gestion publique. Le Comité a également reconnu l'importance d'un comportement fondé sur les valeurs dans la fonction publique, importance qui a pris racine vers le milieu des années 80 et s'est pleinement épanouie vers le milieu des années 90 (comme nous l'expliquerons ci-après). À l'instar de la Commission Lambert, le comité d'Avignon a recommandé que la Commission de la fonction publique devait concentrer ses efforts sur la protection du principe du mérite et qu'elle « servirait de gardienne contre les ingérences politiques dans l'administration du personnel et déterminerait si un employé doit être autorisé à prendre part à des activités politiques »31.
19. 1982 - APPLIQUER LA CHARTE DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Des fonctionnaires ont réussi à faire lever les restrictions imposées en 1967 à leurs activités politiques en invoquant la Charte canadienne des droits et libertés, promulguée en 1982. La Charte, qui visait à protéger les droits individuels, a eu un impact énorme sur l'ensemble de la fonction publique. Les fonctionnaires doivent veiller à ce que les lois et les règlements ainsi que toutes leurs décisions soient compatibles avec les garanties offertes par la Charte. Certains articles de la Charte revêtent un intérêt particulier pour la fonction publique. À titre d'exemple, l'article 7 garantit que « chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale ». C'est en vertu de cet article que la Cour suprême, dans la célèbre affaire Singh32, a exigé que l'on accorde aux demandeurs du statut de réfugié le droit à une audience orale.
20. 1983 - PLUS D'OUVERTURE... ET MOINS...
Dans un épisode de la série télévisée « Yes Minister », un haut fonctionnaire explique que le concept d'un gouvernement ouvert est, en soi, contradictoire : on peut soit avoir de l'ouverture, soit avoir un gouvernement33. Ce personnage faisait référence au fait que l'accès du public à l'information gouvernementale complique souvent la vie des politiciens et des fonctionnaires. Quoi qu'il en soit, l'objet de la Loi sur l'accès à l'information34, promulguée en 1983, a été de mettre à la disposition du public les renseignements gouvernementaux et de veiller à ce que seules quelques exceptions s'appliquent au principe de communication. La mise en oeuvre de cette loi s'intègre maintenant dans la culture politique de la transparence qui a cours au Canada. Toutefois, en cette ère de l'information, le public s'inquiète de plus en plus de la protection des renseignements personnels. Aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels35 de 1983, seuls les renseignements personnels sur les particuliers dans les dossiers du gouvernement peuvent être communiqués. Cette loi préconise en outre l'adoption de pratiques d'information équitables qui veillent, par exemple, à ce que le gouvernement ne recueille que les renseignements personnels dont il a besoin.
21. 1984 - L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI
L'article 15 de la Charte stipule que « la loi ne fait exception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale et ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques ». Cet article n'est entré en vigueur qu'en 1985, l'année du dépôt du rapport de la Commission d'enquête sur l'égalité en matière d'emploi36 (la Commission Abella) et de celui du rapport du Comité parlementaire sur les minorités visibles37, mais deux ans avant l'adoption par le gouvernement fédéral de la Loi sur l'équité en matière d'emploi38. La Charte constitue un fondement juridique solide pour contrer la sous-représentation dans la fonction publique de certains groupes qui ont été désavantagés au fil des ans, à savoir les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres de minorités visibles. Le tableau 1 montre la représentation de ces groupes désignés dans les postes de haute direction, dans l'ensemble de la fonction publique et en pourcentage de leur disponibilité dans la population active.
Tableau 1 : Répartition des fonctionnaires selon les groupes désignés et leur disponibilité dans la population active au 31 mars 199939
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Poursuivant sur cette lancée, le gouvernement a mis sur pied en 1998 le Groupe de travail sur une fonction publique inclusive à qui il a confié le mandat de « constituer une fonction publique fédérale qui soit représentative de la population qu'elle sert » et qui « mette en valeur les gens et leur diversité »40. En plus, le Groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale a été formé pour traiter du problème de la sous-représentation des minorités visibles canadiennes dans la fonction publique fédérale. Le Groupe de travail a déposé son rapport, Faire place au changement dans la fonction publique fédérale, en mars 2000.41 Le gouvernement a entériné le rapport en juin 2000.
22. 1988 - L'ORGANISME D'APPRENTISSAGE
Une collaboration continue entre le Centre canadien de gestion (CCG), mis sur pied en 1988, et la fonction publique du Canada a permis à cette dernière de devenir une organisation axée sur l'apprentissage. Il offre des occasions aux gestionnaires actuels et futurs de la fonction publique et met l'accent sur l'apprentissage plutôt que sur la formation et le perfectionnement. Ainsi, il respecte l'orientation des organismes publics qui cherchent de plus en plus à améliorer leur rendement et à promouvoir l'innovation grâce à l'apprentissage personnel et organisationnel. Dans un rapport qu'il a fait paraître, il prétend que ces deux formes d'apprentissage sont étroitement liées. « Ainsi, l'apprentissage individuel est nécessaire à l'apprentissage organisationnel car ce sont les personnes qui apprennent et non les organisations. Cependant, les organisations façonnent les personnes qui en font partie : elles les aident à apprendre ou les empêchent de le faire. [...] une bonne partie de l'apprentissage organisationnel consiste à éliminer ces tendances négatives et à convertir le lieu de travail en une organisation qui permet aux gens de s'épanouir et de se réaliser pleinement »42. L'apprentissage organisationnel n'est qu'un moyen parmi tant d'autres de constituer des organismes publics novateurs, mais il ne cesse de prendre de l'importance.
23. 1989 - FONCTION PUBLIQUE 2000
L'innovation au sein des organisations publiques a également constitué l'un des principaux thèmes de FP 2000, une initiative gouvernementale connue sous le nom officiel de Fonction publique 2000. Contrairement aux défis de relativement courte durée inhérents à la correction du problème informatique du passage à l'an 2000, la fonction publique devra faire face, pendant le nouveau millénaire, à d'énormes défis de longue durée, dont la concurrence économique à l'échelle mondiale, les fortes exigences du public à l'égard de leurs gouvernements, le vieillissement de la population active, les retombées de la technologie de l'information ainsi que le besoin accru de travailleurs du savoir. Le Rapport FP 200043 (publié en 1990) portait principalement sur le service, l'innovation, les ressources humaines et la reddition de comptes. Le service au public s'est considérablement amélioré, en partie grâce aux approches novatrices en matière de gestion et d'organisation. Donnant suite à l'affirmation selon laquelle les membres de la fonction publique seront considérés comme sa ressource la plus importante, le rapport proposait des moyens d'améliorer les occasions d'avancement de carrière des fonctionnaires, les relations de travail dans la fonction publique et l'équité en matière d'emploi. Enfin, les fonctionnaires devaient rendre davantage de comptes sur les résultats qu'ils atteignaient et non pas sur la démarche qu'ils avaient adoptée pour y parvenir. C'est exactement ce que proposait dix années auparavant le comité d'Avignon (dont il a déjà été question). Un des principaux aboutissements de la FP 2000 a été l'adoption de la Loi sur la réforme de la fonction publique en 1992, qui a assuré une plus grande marge de manoeuvre en matière de gestion des ressources humaines.
24. 1994 - DES CHOIX DIFFICILES
Au début des années 90, d'autres réformes ont été apportées, soit la réduction du nombre de ministères, de comités du Cabinet, de programmes et de fonctionnaires. Il convient particulièrement de signaler l'exercice d'Examen des programmes, amorcé au début de 1994, qui a revu en profondeur tous les programmes gouvernementaux afin de trouver les moyens les plus efficaces et efficients de les exécuter. Les ministères devaient évaluer leurs programmes en fonction des six tests suivants :
L'Examen des programmes a contribué dans une très large mesure à réduire le déficit fédéral.
25. 1996 - REPENSER LE RÔLE DE L'ÉTAT
L'Examen des programmes a constitué un élément primordial d'un programme de réforme ambitieux et de grande envergure visant à « repenser le rôle de l'État ». Un rapport portant ce titre et paru en 1996 faisait valoir que le gouvernement fédéral continuait de préciser ses rôles et responsabilités pour éviter les dédoublements et les chevauchements coûteux, pour centrer ses ressources sur les secteurs où l'intervention nationale s'imposait et pour conclure des partenariats avec les provinces ainsi qu'avec les secteurs privé et bénévole. Le rapport signalait également que le gouvernement s'efforçait d'améliorer le fonctionnement de l'appareil gouvernemental en recourant à la technologie de l'information pour « rapprocher le gouvernement des Canadiens », qu'il adoptait des « méthodes de prestation des programmes plus souples et mieux adaptées aux besoins », qu'il modifiait « la prise de décision par le gouvernement » et qu'il alignait davantage les activités gouvernementales sur les résultats et insistait « sur la qualité du service à la clientèle »44. Entre autres mesures précises, mentionnons l'adoption d'autres modes de prestation des services ou l'utilisation accrue de ces derniers, notamment la conclusion de partenariats entre le secteur privé et le secteur public, la privatisation, l'impartition, l'imposition de droits d'utilisation et la création d'organismes de services (par exemple, l'Agence canadienne d'inspection des aliments). On mettait également l'accent sur la mesure du rendement des organismes publics et des fonctionnaires.
L'Initiative de la recherche sur les politiques45 est une autre importante démarche en vue de repenser le rôle de l'État en améliorant sa capacité d'élaboration des politiques. Le gouvernement reconnaissait que l'élaboration de politiques de la toute première qualité était un élément essentiel permettant de composer avec des forces telles que la mondialisation, l'évolution démographique, les restrictions budgétaires et le changement technologique.
26. 1996 - FAIRE VALOIR LES VALEURS
Entre le milieu des années 80 et le milieu des années 90, une série d'événements, dont les nombreuses réformes de la fonction publique déjà mentionnées, ont remis en question l'état des valeurs dans la fonction publique (soit les croyances ancrées qui influent sur les décisions prises par les fonctionnaires). En 1996, John Tait, alors président du Groupe de travail de sous-ministres sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique46, a conclu que le renouvellement de la fonction publique devait commencer de l'intérieur, autrement dit, à partir des valeurs conscientes que les gens appliquent quotidiennement, des valeurs fermement ancrées dans le régime de gouvernement du Canada, des valeurs contribuant à donner à la fonction publique confiance en ses objectifs et en son caractère ainsi que des valeurs qui aident les fonctionnaires à continuer de croire que la fonction publique est une grande vocation47.
Le Groupe de travail a expliqué que les fonctionnaires éprouvaient de la difficulté à équilibrer diverses valeurs, notamment les valeurs démocratiques (les règles de droit), l'éthique (l'intégrité), les valeurs professionnelles (l'efficacité) et les valeurs personnelles (la compassion). Il a également demandé la fusion des valeurs traditionnelles telles que la reddition de comptes et l'efficience avec les valeurs nouvelles et émergentes, telles que le service et l'innovation.
De plus, le Groupe de travail a réitéré l'importance de la doctrine de la responsabilité ministérielle pour la démocratie parlementaire du Canada et demandé que l'objectivité politique et le mérite redeviennent des valeurs fondamentales de la fonction publique. Il a conclu que, si le gouvernement ne pouvait plus garantir une carrière à vie dans la fonction publique, il devait constituer une fonction publique fondée sur les emplois à long terme plutôt qu'à court terme. Enfin, il a recommandé au gouvernement de souscrire à un énoncé de principes ou de valeurs qui servirait de fondement solide au code de conduite des fonctionnaires.
Réforme, renouvellement et reconnaissance, voilà les thèmes centraux autour desquels a gravité l'initiative La Relève. Lancée en 1997 par des fonctionnaires, cette initiative visait à attirer, à maintenir en poste et à motiver un nombre suffisamment élevé d'employés très compétents qui seraient capables de relever les défis qui attendaient le gouvernement au cours du nouveau millénaire. Pour reprendre les propos tenus par Jocelyne Bourgon, à l'époque chef de la fonction publique, La Relève « c'est le défi de bâtir une institution moderne et dynamique capable de tirer pleinement profit des aptitudes de ses employés, l'engagement des fonctionnaires de tout mettre en oeuvre, sur le plan collectif et individuel, pour faire de la fonction publique une organisation moderne et dynamique aujourd'hui et demain et l'obligation, en tant que gardiens de l'institution, de léguer à nos successeurs une organisation dotée de personnes compétentes et dévouées capables de relever les défis de leur temps »48.
En juin 1998, La Relève a été remplacée par le Réseau du leadership, une organisation à qui a été confiée la responsabilité de promouvoir, d'élaborer et de soutenir des réseaux de chefs à tous les échelons de la fonction publique et de les aider à faire avancer les intérêts de La Relève.
Tant La Relève que le Réseau du leadership ont favorisé la reconnaissance de la contribution des fonctionnaires au gouvernement du Canada et à la société. En mars 1997, un comité de sous-ministres a amorcé ses travaux pour revitaliser les programmes de récompenses et de reconnaissance, pour rendre le peuple canadien fier de sa fonction publique et pour accroître la fierté des fonctionnaires. Parmi les initiatives qui en ont résulté, mentionnons la création du Prix du Chef de la fonction publique ainsi que le renforcement de la Semaine nationale de la fonction publique, afin d'augmenter l'appréciation du public à l'égard des réalisations de la fonction publique.
28. 1998 - LES CITOYENS D'ABORD
Nombre de réformes de la fonction publique visaient à améliorer la prestation du service pour que le public ait une meilleure impression de la fonction publique. Il est cependant ressorti de sondages menés à la fin des années 90, surtout du sondage national de 1998 intitulé Les citoyens d'abord, que la perception que le public se faisait des fonctionnaires et des organisations publiques était déjà plus favorable que ne le croyaient nombre de fonctionnaires. De tout temps, les sondages ont indûment montré la fonction publique sous un mauvais jour, en partie parce qu'ils comparaient des organisations précises du secteur privé (telles que des supermarchés et des banques) au « gouvernement » en général. Le sondage Les citoyens d'abord49 a comparé la qualité de services précis offerts par le secteur privé à celle de services précis offerts par le secteur public comme par exemple, Parcs Canada et la livraison du courrier. Il a démontré que le public estimait que la qualité des services fournis par bon nombre d'organismes publics était supérieure à celle de nombreuses organisations du secteur privé, démentant ainsi l'argument selon lequel la qualité du service offert par le secteur privé est en soi supérieure à celle du service offert par le secteur public.
En outre, les enquêtes mondiales sur les valeurs de 1981 et de 1990 ont constaté que la fonction publique du Canada figurait parmi celles inspirant le plus confiance. De plus, un sondage mené en 1996 a révélé que 77 p. 100 des fonctionnaires fédéraux estimaient que de nombreux membres du grand public les jugeaient paresseux et insouciants, mais que seulement 17 p. 100 de ces derniers partageaient de fait cet avis50. Enfin, un grand sondage mené en 199951 a permis de constater que les fonctionnaires fédéraux étaient complètement en accord et principalement en accord avec l'énoncé selon lequel ils étaient satisfaits de leur carrière à la fonction publique (69 p. 100) et avec celui selon lequel ils étaient fiers du travail exécuté dans leur unité de travail (86 p. 100). Voilà des notes positives sur lesquelles amorcer le nouveau millénaire.
29. 2000 - SERVIR LES INTÉRÊTS DU PUBLIC : QUELLES SONT LES PROCHAINES ÉTAPES?
Bien que la rétrospective soit une science exacte, la prévision est un art imprécis, surtout en période de changements rapides. Les réformes menées au cours des années 90 ont préparé la fonction publique à faire face aux défis du début du nouveau millénaire. Toutefois, les défis mentionnés dans le rapport FP 2000 continuent d'exister, et des problèmes imprévisibles ne manqueront pas de surgir. Voici certaines des questions importantes qu'il convient de se poser sur l'avenir de la fonction publique :
dans quelle mesure la fonction publique deviendra-t-elle une « institution décloisonnée » - « une institution qui cherche à réduire les obstacles aux échanges d'idées et d'information au sein de l'organisation et entre les organisations »52?
dans quelle mesure la fonction publique deviendra-t-elle un organisme d'apprentissage continu, c'est-à-dire une organisation qui s'engage, par exemple, à faire preuve d'innovation et de souplesse?
dans quelle mesure les chefs de la fonction publique arriveront-ils à stimuler la créativité et l'innovation?
quelles seront les incidences du « gouvernement électronique » sur des questions telles que la prestation des services et la protection des renseignements personnels?
dans quelle mesure les fonctionnaires pourront-ils faire participer les citoyens à l'élaboration de politiques d'intérêt public et à leur mise en oeuvre?
dans quelle mesure la fonction publique deviendra-t-elle « inclusive », en ce sens qu'elle « souligne, embrasse et appuie la contribution de tous et crée un environnement où chacun peut contribuer au meilleur de ses compétences »53?
dans quelle mesure le gouvernement réussira-t-il à évaluer le rendement des fonctionnaires et des organisations publiques?
Des preuves solides à l'effet que le gouvernement se penche sur cette question se trouvent dans le document Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes - Un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada54 publié en l'an 2000. Ce programme visant à changer la façon dont les ministères et organismes offrent leurs programmes et services fait ressortir l'importance de se centrer sur le service aux citoyens, de bonnes valeurs relatives au service au public, des résultats et un sens de la responsabilité dans les dépenses.
Une chose est certaine. Pour continuer de donner un bon rendement, la fonction publique doit recruter et maintenir en poste des employés très compétents qui sont motivés par le service des intérêts du grand public.
1 Bureau du Conseil privé, Groupe de travail de sous-ministres sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, De solides assises, Ottawa, Bureau du Conseil privé, 1997, p. 77.
2 Chambre des communes, Débats, le 15 mars 1875, p. 750.
3 Rapport de la Commission royale chargée
d'enquêter sur certaines questions relatives au service civil du Canada,
documents parlementaires, 1892, no 16c, p. 28; c'est nous qui
soulignons.
4 Kathleen Archibald, Les deux sexes dans la fonction publique, Ottawa, Imprimeur de du Roi, 1970, p. 14.
5 Sir George Murray, Report on the
Organization of the Public Service of Canada, Ottawa, Imprimeur de la Reine,
1912, p. 18.
6 Commission du service civil, Rapport annuel, 1922, p. xiv.
7 Rapport de la Commission royale d'enquête
sur l'organisation du gouvernement (la Commission Glassco), Ottawa,
Imprimeur de la Reine 1965, vol. 1, p. 424.
8 Gordon Robertson, « The Changing Role
of the Privy Council Office », Administration publique du Canada,
vol. 14
(hiver 1971), p. 506.
9 W.E.D. Halliday, « The Privy Council
Office and Cabinet Secretariat », réimpression dans J.E. Hodgetts et
D.C. Corbett, rédacteurs, Administration publique du Canada, Toronto,
Macmillan, 1960, p. 117.
10 Loi sur la réforme de la fonction publique, 1992, article 40(1).
11 Herbert R. Balls, « Issue Control
and Pre-Audit for Authority: The Functions of the Comptroller of the
Treasury »,
Administration publique du Canada, vol. 3, p. 118 (juin 1960).
12 J.E. Hodgetts, The Canadian Public Service, Toronto, University of Toronto Press, 1973, p. 153.
13 Canada, Commission royale d'enquête sur
la classification administrative du service public, Rapport, Ottawa,
Imprimeur du Roi, 1946.
14 Commission du service civil,
Administration in the Public Service: A Review of Civil Service Legislation,
Ottawa,
Imprimeur de la Reine, 1959.
15 Commission royale d'enquête sur
l'organisation du gouvernement, Rapport, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1962,
vol. 1, p. 21.
16 Ibid., Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1963, vol. 5, p. 29.
17 Ibid., p. 96.
18 Bureau du Premier ministre, Communiqué, le 20 janvier 1968.
19 Kenneth Kernaghan et David Siegel, Public
Administration in Canada: A Text, Toronto, Nelson, 4e édition,
1999,
p. 628.
20 Gouvernement du Canada, Le système de
gestion des dépenses du gouvernement du Canada, Ottawa, Ministère des
Approvisionnements et Services, 1995, p. 1-13.
21 H.L. Laframboise, « Administrative
Reform in the Federal Public Service: Signs of a Saturation Psychosis »,
Administration publique du Canada (automne 1971), p. 303-325.
22 Chambre des communes, Débats, le 6 avril 1966, p. 3915.
23 Au-delà des apparences : Rapport du
groupe de travail sur les obstacles rencontrés par les femmes dans la fonction
publique, Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services, 1990,
4 volumes.
24 The Globe and Mail, le 10 juin 1983, p. B1.
25 Canada, Bureau de l'auditeur général,
Rapport, 1976, Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services Canada,
1977, p. 3; c'est nous qui soulignons.
26 Commission royale sur la gestion
financière et l'imputabilité, Rapport final, Ottawa, Ministère des
Approvisionnements et Services du Canada, 1979, p. 1.
27 Ibid., p. 8.
28 Ibid., p. 33; c'est nous qui soulignons.
29 Ibid., p. 25; c'est nous qui soulignons.
30 Canada, Comité spécial sur la gestion du
personnel et le principe du mérite dans la fonction publique, Rapport,
Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1979,
p. 53.
31Ibid., p. 251.
32 « Singh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration » (1985), 17 D.L.R. (4e), 422.
33 Jonathon Lynn et Antony Jay, rédacteurs, The Complete Yes Minister, New York, Harper and Row, 1984, p. 21
34 Canada, Lois, 1980-1983, ch. 111, annexe I.
35 Ibid., annexe II.
36 Commission d'enquête sur l'égalité en
matière d'emploi, Rapport, Ottawa, Ministère des Approvisionnements et
Services Canada, 1984.
37 Canada, Chambre des communes, L'égalité,
ça presse : rapport du Comité parlementaire sur le rôle des minorités
dans la société canadienne, le 8 mars 1984, numéro 4.
38 Révisée en 1995; voir Canada, Lois consolidées, (1995, ch. 44), chapitre E-5.4.
39 Extrait de : Conseil du Trésor,
Équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale, 1998-1999,
ch. 2;
disponible à l'adresse
http://www.tbs-sct.gc.ca/report/empequi/ee_99_2-fra.asp.
40 Disponible à l'adresse http://leadership.gc.ca/inclusive/focus_f.html.
41 Disponible à l'adresse http://www.visiblepresence.com/action.
42 Centre canadien de gestion, Apprentissage
continu : un rapport du CCG, Ottawa, Centre canadien de gestion, 1994,
p. 5.
43 Fonction publique 2000, Le Renouvellement
de la fonction publique du Canada, Ottawa, Bureau du Conseil privé,
1990.
44 Bureau du Conseil privé, Repenser le rôle de l'État : rapport d'étape, Ottawa, Bureau du Conseil privé, 1996, p. 19.
45 Initiative de la recherche sur les politiques, disponible à l'adresse http://policyresearch.schoolnet.ca.
46 Bureau du Conseil privé, Groupe de
travail de sous-ministres sur les valeurs et l'éthique dans la fonction
publique,
De solides assises, Ottawa, Bureau du Conseil privé,
décembre 1997.
47 John Tait, « De solides
assises : Rapport du groupe de travail sur les valeurs et l'éthique dans
la fonction publique (un
résumé) », Administration publique du Canada, (printemps 1997)
vol. 40, p. 21.
48 Quatrième rapport annuel au Premier
ministre sur la fonction publique du Canada, Ottawa, Bureau du Conseil
privé, le 3 février 1997, ch. VI, p. 5-6; les italiques se
trouvent dans l'original.
49 Erin Research Inc., Les citoyens d'abord, Ottawa, Centre canadien de gestion, 1998, p. 6.
50 Les Associés de recherche Ekos, Perception of Government Service Delivery, rapport pour le Groupe de travail de sous-ministres sur les modèles de prestation de services, Ottawa, Bureau du Conseil privé, 1996, p. 23, 44.
51 Secrétariat du Conseil du Trésor du
Canada, Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux, disponible à
l'adresse http://www.survey-sondage.gc.ca.
52 Jocelyne Bourgon, Cinquième rapport
annuel au Premier ministre sur la fonction publique du Canada, Ottawa,
Bureau du Conseil privé, le 31 mars 1998, p. 20.
53 Groupe de travail sur une fonction
publique inclusive, disponible à l'adresse
http://leadership.gc.ca/inclusive/whoweare_f.html.
54 Disponible à l'adresse
http://www.tbs-sct.gc.ca/report/res_can/siglist-fra.asp.