Cette page a été archivée.
Information archivée dans le Web à  des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Cette dernière n’a aucunement été modifiée ni mise à  jour depuis sa date de mise en archive. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s’appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à  la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez demander de recevoir cette information dans tout autre format de rechange à  la page « Contactez-nous ».
Chapitre II : Cadre des relations patronales-syndicales
Chapitre III : Rappel historique
Chapitre IV : L'expérience récente
Chapitre V : Principales constatations
Chapitre VI : S'attaquer aux problèmes
Appendice 1 : Aperçu détaillé des principales constatations
Appendice 2 : Ministères et organismes consultés
Appendice 3 : Agents négociateurs consultés
Appendice 4 : Représentants patronaux entendus lors des audiences
Appendice 5 : Agents négociateurs entendus lors des audiences
Appendice 6 : Personnes interrogées en entrevue
Appendice 7 : Effectifs des agents négociateurs
Appendice 8 : Membres et personnel du Comité
Monsieur Frank Claydon
Secrétaire du Conseil du Trésor et
Contrôleur général du Canada
À titre de président du Comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale, je suis très heureux de vous présenter ce premier rapport au nom des membres du Comité.
Le Comité a tenu six rencontres depuis sa création en octobre dernier. Durant cette période, nous avons beaucoup appris au sujet des relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale. Nous avons tracé leur évolution depuis l'adoption, en 1967, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) jusqu'à aujourd'hui.
En cours de route, nous avons bénéficié de l'excellente collaboration des agents négociateurs du secteur public, des représentants des ministères et organismes, d'anciens et d'actuels dirigeants syndicaux et gouvernementaux, ainsi que d'autres intervenants éminents du secteur privé et du milieu universitaire.
Nous sommes reconnaissants envers le personnel du Conseil du Trésor, qui nous a fourni un soutien logistique constant, et tenons à signaler les initiatives en cours visant à améliorer les relations entre le gouvernement, ses employés et leurs agents négociateurs.
Ce premier rapport décrit les événements qui ont mené à l'état actuel des relations patronales-syndicales dans la fonction publique. Dans le rapport, nous nous intéressons d'abord aux problèmes éprouvés par le gouvernement fédéral et ses syndicats, tant à la table de négociation qu'en milieu de travail.
Dans le second rapport, dont la publication est prévue pour le début de l'an prochain, nous tenterons d'élaborer une série de recommandations visant à solutionner les problèmes décrits dans le premier rapport. Par ces recommandations, nous chercherons à moderniser les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale et, ainsi, à en assurer la pérennité pour l'avenir.
Veuillez agréer l'expression de mes sentiments distingués.
Le président,
John L. Fryer
Les employés du gouvernement fédéral ont obtenu des droits de négociation collective en 1967. En présentant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), le premier ministre Lester B. Pearson a cité la protection de l'intérêt public comme étant l'un des principaux objectifs de la législation. Il a affirmé que le Canada avait « un service public dont l'excellence n'est dépassée dans aucun pays au monde et n'est égalée que par quelques-uns ». La nouvelle loi visait à « maintenir cette situation enviable » en veillant à ce que la fonction publique puisse évoluer au diapason des besoins des Canadiens et des Canadiennes.
Un autre objectif clé du texte de loi était l'intégration des principes canadiens du droit et de la pratique en matière de relations industrielles. Ainsi, les employés du gouvernement fédéral obtenaient le droit de décider de leurs conditions d'emploi conjointement avec la direction, une démarche « fondée sur l'équité et l'égalité entre le gouvernement en tant qu'employeur et les organismes représentant ses employés ». (Débats de la Chambre des communes (Hansard), 25 avril 1966).
La LRTFP représentait un virage marqué, où l'on délaissait le modèle traditionnel de la gestion des ressources humaines pour adopter le modèle des relations de travail. Dans le modèle de la gestion des ressources humaines, l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'emploi, après consultation. Dans le modèle de relations de travail, les conditions d'emploi sont établies conjointement par l'employeur et les syndicats légalement accrédités pour représenter les employés.
La LRTFP n'accordait pas aux employés du gouvernement fédéral tous les droits dont jouissaient leurs homologues du secteur privé. Cependant, la Loi conférait aux employés de l'État bon nombre de ces droits. Cette convergence partielle des régimes de travail du secteur public et du secteur privé s'est produite partout au Canada et ailleurs dans le monde. Au milieu des années 70, toutes les fonctions publiques provinciales avaient adopté une forme quelconque de régime de négociation collective.
En introduisant la négociation collective dans la fonction publique fédérale, le gouvernement fédéral cherchait à améliorer le climat de travail et, partant, à rehausser le moral des employés et le service offert au public. La négociation collective dans la fonction publique a contribué à améliorer les conditions d'emploi des fonctionnaires fédéraux, notamment durant la première décennie qui a suivi l'adoption de la LRTFP.
En 1975, les préoccupations au sujet de la forte montée de l'inflation et des taux d'intérêt ont incité le gouvernement fédéral à imposer des contrôles sur les prix et les salaires dans l'ensemble de l'économie. Des craintes semblables furent à l'origine de l'adoption d'un programme de contrôle des salaires de deux ans dans le secteur public au début des années 80.
Vers le milieu des années 80, le cadre normal de négociation a été rétabli et les parties ont négocié des ententes collectives sans intervention du législateur. Les deux syndicats les plus importants ont adopté des modèles de négociation centralisée et de nouveaux avantages sociaux furent négociés pour l'ensemble des employés de la fonction publique. Mais dans les années 90, préoccupé par le déficit et la dette, le gouvernement, est à nouveau intervenu dans le régime de négociation collective. En plus de geler la rémunération de ses employés pour une période de six ans, il a bloqué les augmentations d'échelon et a légiféré pour déroger aux conventions collectives en vigueur. Pendant cette période, le gouvernement a aussi commencé à redéfinir son rôle au sein de la société canadienne. D'importantes coupures ont été opérées dans les niveaux d'emploi de la fonction publique et de nombreux services ont été délégués à d'autres paliers de gouvernement ou au secteur privé.
Alors que les salaires demeuraient plafonnés et que le nombre d'employés fédéraux diminuait, la charge de travail augmentait et les revenus réels fléchissaient. Parallèlement, le conflit patronal-syndical s'aggravait. En 1991, l'Alliance de la fonction publique du Canada a lancé son premier appel à la grève générale dans l'ensemble du pays. Pour sa part, le gouvernement fédéral a adopté des lois de retour au travail à plusieurs occasions et a suspendu l'arbitrage des différends lors du rétablissement de la négociation collective en 1997.
À la fin des années 90, alors que le déficit fédéral est sous contrôle et que de nouveaux défis apparaissent tant sur la scène nationale que sur la scène internationale, le gouvernement a entrepris de nombreuses initiatives en vue d'améliorer la qualité de vie au travail et le service offert au public.
À l'automne de 1999, dans le cadre de l'effort gouvernemental sur le plan des ressources humaines, le Secrétaire du Conseil du Trésor a invité monsieur John Fryer à présider le Comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale, un comité de neuf membres regroupant des gestionnaires, des dirigeants syndicaux et des universitaires chevronnés.
Le mandat confié au Comité est de faire le point sur l'état des relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale, y compris les lois fédérales sur la négociation collective et celles en vigueur sous d'autres juridictions au Canada. Le Comité évaluera aussi la mesure dans laquelle le régime de relations patronales-syndicales créé par la LRTFP a bien servi les Canadiens et les Canadiennes.
Le travail du Comité se déroulera en deux étapes. Durant la première étape, il examinera l'état des relations patronales-syndicales dans la fonction publique afin de préciser les problèmes actuels. Durant la deuxième étape, il formulera des recommandations sur les changements à apporter pour assurer la pérennité du régime au cours du XXIesiècle.
Ces deux étapes comportent des consultations auprès des principaux intéressés ainsi qu'un examen de la documentation et des données statistiques pertinentes. Durant la deuxième étape, le Comité évaluera la législation fédérale et provinciale sur la fonction publique au Canada et dans d'autres pays industrialisés.
Le Comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale a été créé en octobre 1999 et placé sous la présidence de monsieur John L. Fryer. Le Comité s'est vu confier un mandat d'une durée de 18 mois pour examiner les relations entre le gouvernement fédéral et les 16 syndicats représentant ses employés. Ce premier examen détaillé entrepris depuis l'adoption de la négociation collective, en 1967, donnera au Secrétaire du Conseil du Trésor et Contrôleur général du Canada l'occasion d'obtenir des avis et des recommandations indépendants en vue d'assurer le maintien d'un bon régime de relations patronales-syndicales au cours du 21e siècle.
Ce premier de deux rapports décrit les principaux problèmes et difficultés qui ont marqué ces relations, en situant les paramètres du second rapport, où le défi consistera à identifier des solutions réelles et à présenter des recommandations viables.
Afin de retracer l'évolution des rapports entre le Conseil du Trésor du Canada, en tant qu'employeur, et les syndicats, le présent rapport renferme un bref rappel historique des modifications législatives touchant le processus de négociation collective et les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale, ainsi qu'un examen de certaines des initiatives les plus importantes des parties. Dans le but d'évaluer l'état des relations entre les parties, le Comité consultatif a mené de vastes consultations à partir de divers mécanismes :
Certaines des réponses recueillies lors des consultations menées par le Comité donnaient une image favorable de l'état des relations patronales-syndicales. De façon générale le travail du Conseil national mixte et la façon dont on a abordé des questions, telles que le réaménagement des effectifs et la sécurité d'emploi, a aussi été positif. Les parties souhaiteraient que le Conseil national mixte joue un plus grand rôle et elles sont en faveur du rétablissement du Bureau de recherche sur les traitements, une source de données économiques indépendantes servant à la négociation collective et qui a été démantelé par le gouvernement en 1992.
Les conclusions qui ressortent de toutes ces consultations sont remarquablement cohérentes. Les représentants des syndicats et de l'employeur reconnaissent que le niveau de confiance entre les parties est faible et qu'il s'est détérioré ces dernières années. Ils pointent du doigt le pouvoir que détient l'État dans son double rôle d'employeur et de législateur comme étant à l'origine du sentiment d'impuissance et de frustration qui s'est installé. Ce pouvoir a été utilisé à une fréquence accrue durant la dernière décennie, sous la forme de gels des salaires, de suspension du droit à la négociation collective et à l'arbitrage, et de lois de retour au travail. Les parties ont affirmé que le recours fréquent à la législation avait compromis leur capacité de résoudre conjointement les problèmes qui se posent. Comme l'a noté un sous-ministre, l'« intervention unilatérale du gouvernement a miné la confiance à l'égard du régime ».
Le fait que la détérioration des relations patronales-syndicales soit un phénomène récent ressort des réponses au questionnaire données par les personnes ayant participé au régime avant 1980. Ces répondants ont généralement exprimé une opinion plus favorable au sujet de la négociation collective dans la fonction publique que les personnes dont l'expérience se situe principalement dans les années 90. Voici certains événements qui ont contribué à la détérioration des rapports entre les parties :
D'autres plaintes fréquemment entendues au sujet des relations patronales-syndicales portent sur les restrictions imposées par des lois telles que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). La LRTFP restreint la portée de la négociation et la nature des questions pouvant être soumises à l'arbitrage; en conséquence, elle limite le nombre de questions pouvant être amenées à la table de négociation pour y être débattues et réglées. Souvent, ces restrictions deviennent elles-mêmes une source de friction, les parties échangeant des arguments sur ce qui est et n'est pas négociable. Les deux côtés ont indiqué que l'on devrait recourir davantage à la médiation, à des comités informels de résolution de problèmes et à d'autres formes de règlement des différends.
La séance de remue-méninges organisée par le Comité consultatif a fait ressortir un certain nombre de problèmes importants, dont les charges de travail excessives et les budgets inadéquats consacrés à la formation des employés. Ces observations recoupent les sentiments exprimés par les employés de la fonction publique dans le Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux (SFF). L'initiative de l'Examen des programmes, lancée par le gouvernement au début des années 90, a entraîné une réduction de près de 25 p. 100 de l'emploi dans la fonction publique, principalement parmi le personnel de bureau et le personnel affecté aux opérations. Une proportion sensiblement plus élevée des employés de la fonction publique est aujourd'hui affectée à des tâches scientifiques, professionnelles et administratives, ainsi qu'au service extérieur. Les employés travaillent de plus longues heures et doivent assumer une charge de travail plus grande que jamais. Environ la moitié des employés jugent que leur charge de travail est excessive et qu'elle se traduit parfois par une baisse de la qualité du travail exécuté. Le temps supplémentaire et les longues heures de travail posent un problème particulier aux employés qui ont des personnes à charge et qui s'efforcent de concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales. Dans une proportion de 35 p. 100, les employés estiment qu'ils ne peuvent demander d'être rémunérés en temps supplémentaire pour les heures de travail additionnelles qu'ils fournissent.
Les compressions de personnel et le grand nombre de départs à la retraite anticipée ont provoqué un déséquilibre dans la structure d'âge de la fonction publique. Les 37 000 employés maintenant âgés de 50 ans et plus forme un contingent plus de cinq fois supérieur à celui des employés ayant moins de 30 ans. Devant le vieillissement de la fonction publique, il est impératif que le gouvernement s'efforce de devenir un employeur convoité s'il veut être en mesure de rivaliser avec les autres employeurs pour attirer de nouvelles recrues au cours des années à venir.
Parmi les autres problèmes mis au jour lors des consultations, il y a la procédure de dotation, le piètre moral et l'absence d'obligation de rendre compte. Cette juxtaposition de problèmes explique les résultats du sondage qui indiquent que le tiers seulement des employés de la fonction publique sont disposés à demeurer à l'emploi du gouvernement fédéral et que les trois quarts ont songé à quitter le secteur gouvernemental.
Les représentants des deux côtés ont formulé un certain nombre de plaintes réciproques. Mais du même coup, les parties ont indiqué que les travailleurs et les gestionnaires au niveau de la base s'entendaient souvent sur la façon de régler les questions en litige, contrairement à la position officielle prise par l'employeur sur ces questions. Les syndicats ont affirmé que le Conseil du Trésor maintenait un contrôle excessif sur les relations de travail et ils ont déploré la tradition de confrontation dans les relations patronales-syndicales. Les syndicats se sont plaints du manque de formation en relations patronales-syndicales offerte aux gestionnaires de la fonction publique. Certains représentants de la partie patronale ont aussi évoqué des problèmes mettant en cause le Conseil du Trésor. Certains gestionnaires d'organismes autonomes ont indiqué qu'ils devaient négocier à la fois avec les syndicats et le Conseil du Trésor parce que ce dernier ne leur accordait qu'un mandat de négociation étroit et ne tenait pas compte de leurs besoins propres. L'équité salariale est aussi un problème particulier pour ces organismes, qui ne sont pas visés par les ententes conclues jusqu'à maintenant.
Les gestionnaires gouvernementaux se sont plaints de la structure de l'Alliance de la fonction publique du Canada et ils ont indiqué qu'il arrivait parfois que les syndicats communiquaient mal l'information aux employés au cours du processus de négociation.
La complexité de la législation sur les relations de travail dans la fonction publique fédérale, le piètre moral des fonctionnaires et les répercussions négatives du recours à des lois coercitives plutôt qu'à la négociation se conjuguent pour souligner la nécessité de repenser et d'améliorer les rapports patronaux-syndicaux dans la fonction publique du Canada. Notre deuxième rapport renfermera des recommandations en ce sens.
Le gouvernement fédéral est le plus gros employeur au Canada. Plus de 186 000 fonctionnaires fédéraux fournissent aux Canadiens et aux Canadiennes une myriade de services, au pays comme à l'étranger. Pour la plus grande partie du vingtième siècle, notre fonction publique a été reconnue comme l'une des meilleures au monde. Mais l'effectif du secteur public canadien est aujourd'hui vieillissant et en déclin. L'évolution démographique, la détermination du gouvernement fédéral à éradiquer le déficit et la redéfinition du rôle de l'État en marge de l'initiative de l'« Examen des programmes » (examinée en détail plus loin dans ce chapitre) ont entraîné la disparition de nombreux emplois dans la fonction publique et la restructuration d'autres postes durant les années 90. En conséquence, les personnes qui ont conservé leur emploi ont dû fournir un effort supplémentaire et travailler de plus longues heures.
En dépit de la redéfinition du rôle de l'État, le Canada devra encore compter sur une fonction publique efficace et efficiente s'il veut demeurer concurrentiel à l'échelon international. Le Comité Strong a insisté sur l'importance de ce principe dans son rapport de 1998 :
Dans un monde caractérisé par l'augmentation de l'insécurité économique et la rareté des ressources, les citoyens demandent des programmes sociaux plu efficaces. […] Le secteur privé a besoin d'un cadre juridique lui permettant d'être concurrentiel et d'une excellente représentation à l'étranger pour se tailler une place sur les marchés internationaux. Et tout cela doit bien sûr être réalisé avec efficacité. Pour relever ces défis, la fonction publique aura besoin d'un leadership exceptionnel, d'esprits inventifs, ainsi que de nouvelles compétences et habiletés — que ce soit pour la négociation des accords internationaux de commerce, la gestion des nouveaux modes de prestation des services ou encore pour répondre aux besoins directs des citoyens.1
En raison du vieillissement de la fonction publique, le gouvernement devra recruter de jeunes Canadiens et Canadiennes. Attirer des personnes qualifiées et compétentes dans la fonction publique pourrait s'avérer une tâche difficile si les fonctionnaires éprouvent de la frustration et si la tension est élevée entre le gouvernement fédéral et ses syndicats.
Afin d'attirer de jeunes diplômés doués et de conserver les employés déjà en poste face à la concurrence que lui livre le secteur privé, le gouvernement fédéral devra devenir un lieu de travail plus attrayant. Entre autres choses, le gouvernement devra assainir ses relations avec les syndicats.
Ce rapport et celui qui suivra au printemps prochain visent à répondre aux questions suivantes : Que peut-on faire pour améliorer ces relations? La loi qui régit les relations patronales-syndicales dans la fonction publique répond-elle toujours aux besoins changeants des milieux de travail du gouvernement fédéral et de la main-d'œuvre plus diversifiée de notre époque? Dans ce premier rapport, nous mettons l'accent sur le contexte historique en cherchant à définir les problèmes auxquels font face le gouvernement fédéral et ses syndicats à la table de négociation et en milieu de travail.
Si le travail effectué par les employés de la fonction publique fédérale a connu de nombreuses transformations, le changement le plus important a été la réduction de l'effectif de la fonction publique. Depuis que l'actuel gouvernement a pris le pouvoir en 1993, 54 000 postes sont disparus dans la fonction publique ( bien au-delà de 20 p. 100 du niveau de 1993 (voir le tableau 1.1).
Tableau 1.1 |
|||
Année |
Emploi total |
TPI1 |
TPI en % du total |
1989 |
238 415 |
188 865 |
79,2 |
1990 |
239 708 |
189 653 |
79,1 |
1991 |
240 903 |
192 905 |
80,1 |
1992 |
242 958 |
192 352 |
79,2 |
1993 |
240 462 |
195 014 |
81,1 |
1994 |
231 400 |
192 152 |
83,0 |
1995 |
225 619 |
187 851 |
83,3 |
1996 |
207 977 |
172 968 |
83,2 |
1997 |
194 396 |
158 107 |
81,3 |
1998 |
187 187 |
150 086 |
80,2 |
1999 |
186 314 |
146 774 |
78,8 |
Source : Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Statistiques de l'emploi dans la fonction publique.
1 "TPI" signifie, pour l'essentiel, l'enploi permanent
La « réduction des effectifs », le « rajustement des effectifs », la « réingénierie » et la « restructuration » sont autant d'expressions devenues monnaie courante dans les ministères gouvernementaux comme dans les entreprises du secteur privé. Entre 1993-1994 et 1997-1998, les dépenses au titre des programmes ont fléchi de 120 milliards de dollars à 106,7 milliards de dollars, une baisse de 11 p. 100 qui, en tenant compte de l'inflation, atteindrait près de 20 p. 1002. Simultanément, l'enveloppe salariale des employés du gouvernement fédéral a diminué d'environ 13 p. 100, soit de 19 milliards de dollars en 1993-1994 à 16,6 milliards de dollars en 1997-1998.
Mais les changements vont bien au-delà de la réduction des effectifs de la fonction publique fédérale. Dans le cadre de l'initiative de l'Examen des programmes, le gouvernement fédéral a redéfini et réduit son rôle au niveau de la prestation des programmes. De nombreuses responsabilités ont été cédées au secteur privé et au secteur communautaire ou à d'autres paliers de gouvernement.
L'Examen des programmes s'est traduit par une réduction de près de 25 p. 100 de l'emploi dans la fonction publique, qui a frappé surtout le personnel de bureau et le personnel des opérations. En conséquence, depuis le début des années 90, la proportion des employés de la fonction publique fédérale affectée au travail de bureau, aux opérations et aux tâches techniques a diminué sensiblement, tandis que la proportion des employés affectés à des tâches scientifiques, professionnelles et administratives ainsi qu'au service extérieur a augmenté.
Autre changement, les personnes qui ont conservé leur emploi ont dû redoubler d'effort et travailler de plus longues heures. Le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux a révélé qu'environ la moitié des employés du gouvernement fédéral jugeaient leur charge de travail excessive. La même proportion affirmait que la qualité de leur travail se ressentait du fait que l'on doit maintenant faire plus avec moins. Comme dans le secteur privé, le temps supplémentaire et les longues heures de travail représentent un problème particulier pour les employés qui ont des personnes à charge et qui cherchent à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales. En outre, dans une proportion de 35 p. 100, les répondants étaient d'avis qu'ils ne pouvaient demander d'être rémunérés pour les heures supplémentaires travaillées.
On peut raisonnablement affirmer que les éléments que nous venons de décrire s'inscrivent dans une évolution beaucoup plus fondamentale de la nature même de l'emploi dans une économie post-industrielle. On peut faire valoir que cette évolution est attribuable à la mondialisation croissante, à la concurrence étrangère de plus en plus vive et à la préoccupation à l'égard des déficits et de la réduction de l'endettement3. L'une de ses caractéristiques semble être l'abandon graduel du modèle d'emploi standard axé sur des postes permanents à temps plein au profit d'un modèle de « contingence », qui se distingue par une sécurité d'emploi considérablement amoindrie et une proportion beaucoup plus grande de travail à temps partiel, temporaire et contractuel4.
Le recul de la sécurité d'emploi et l'augmentation du temps supplémentaire, s'ajoutant à la progression récente de la privatisation et du recours à la sous-traitance des services autrefois assurés par les ministères, laissent penser que le modèle de « contingence » a commencé à pénétrer la fonction publique. Une autre indication de ce phénomène est la proportion élevée (41,3 p. 100) des employés fédéraux de moins de 35 ans occupant un poste de durée déterminée ou temporaire, comparativement à 18,2 p. 100 pour l'ensemble de la fonction publique (voir tableau 1.2).
Tableau 1.2 |
||||||||
Mars 1998 |
Mars 1999 |
|||||||
Situation d'emploi |
Emplois indét. et saisonn.1 |
Emplois dét. et occas. |
Total |
% des em- |
Emplois indét. et saisonn. |
Em- |
Total |
% des em- |
Groupes d'âge |
||||||||
16-19 |
3 |
179 |
182 |
1,6 |
14 |
239 |
2532 |
5,5 |
20-23 |
734 |
2 779 |
3 513 |
20,9 |
827 |
3 183 |
4 0102 |
20,6 |
25-29 |
5 921 |
5 997 |
11 918 |
49,7 |
5 900 |
5 897 |
11 7972 |
50,0 |
30-34 |
15 950 |
5 602 |
21 552 |
74,0 |
14 524 |
5 653 |
20 1772 |
72,0 |
35-39 |
27 060 |
5 464 |
32 524 |
83,2 |
25 115 |
5 962 |
31 077 |
80,8 |
40-44 |
34 629 |
4 746 |
39 375 |
87,9 |
33 262 |
5 114 |
38 376 |
86,7 |
45-49 |
36 205 |
3 272 |
39 477 |
91,7 |
35 677 |
3 694 |
39 371 |
90,6 |
50-54 |
22 105 |
2 009 |
24 114 |
91,7 |
23 902 |
2 431 |
26 333 |
90,8 |
55-59 |
9 735 |
1 008 |
10 743 |
90,6 |
9 942 |
1 175 |
11 117 |
89,4 |
60-64 |
2 732 |
354 |
3 086 |
88,5 |
2 663 |
412 |
3 075 |
86,6 |
65-69 |
487 |
99 |
586 |
83,1 |
500 |
102 |
602 |
83,1 |
70+ |
84 |
33 |
117 |
71,8 |
89 |
37 |
126 |
70,6 |
Total FP |
155 645 |
31 542 |
187 187 |
83,1 |
152 415 |
33 899 |
186 314 |
81,8 |
% ayant moins de 35 ans |
14,5% |
46,2% |
19,9% |
14,0% |
44,2% |
19,4% |
Source : Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Statistiques de l'emploi dans la fonction publique.
1 « Indet. » signifie emploi de durée indéterminée.
2 En mars 1999, 14 972 employés de la fonction publique sur un total de 36 237 ayant moins de 35 ans occupant un poste de durée déterminée ou un poste occasionnel, selon le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
Depuis les années 90, un certain nombre de questions ont provoqué des frictions entre le gouvernement et ses syndicats.
L'érosion de la sécurité d'emploi et l'accroissement de la charge de travail ne sont pas les seuls problèmes patronaux-syndicaux qui se posent dans la fonction publique fédérale. Durant les années 90, les salaires versés ont été gelés et la négociation collective a été, de fait, suspendue pendant six ans. Comme dans le cas du programme de contrôles « 6 et 5 » imposé sur les ententes salariales dans les années 80, les augmentations d'échelon ont été touchées au même titre que la rémunération de base.
Lorsque la négociation collective a été rétablie, le gouvernement a adopté une loi pour prévenir le « rattrapage », qui aurait compensé pour les années durant lesquelles les salaires ont été gelés; la loi limitait les hausses salariales à environ 2 p. 100. Même lorsque les facteurs de comparaison externes indiquaient clairement que des hausses de traitement étaient justifiées, l'employeur a versé des montants forfaitaires ou augmenté le nombre d'échelons plutôt que de relever la grille salariale. Pour prévenir qu'un arbitre n'accorde aux employés de la fonction publique des hausses salariales « de rattrapage », l'État a suspendu l'arbitrage des salaires et des avantages sociaux de 1996 à 2001.
Avec pour seule alternative le recours à la grève, de nombreuses unités de négociation dont la majorité des membres occupent des postes désignés essentiels à la sécurité du public et, partant, frappés d'une interdiction de débrayage, n'ont eu d'autre choix que d'accepter l'offre de l'employeur.
Une autre question qui a accrû les tensions entre la partie patronale et la partie syndicale et miné le moral des employés est le retard survenu dans le règlement de la question de l'équité salariale. La réclamation la plus importante présentée au Conseil du Trésor a été réglée en 1999 pour un montant atteignant près de 3,5 milliards de dollars, après le jugement favorable à la position syndicale rendu par la Cour d'appel fédérale. Les délais ont pesé lourdement sur le moral des employés. Par ailleurs, ce dossier conserve toute sa « pertinence » pour les organismes autonomes parce qu'aucune décision ou entente n'est intervenue dans leur cas.
L'effectif du gouvernement fédéral vieillit à un rythme beaucoup plus rapide que la population active canadienne dans son ensemble5. En 1997, environ 70 p. 100 de la main-d'œuvre fédérale était âgée de 35 à 54 ans, comparativement à environ 50 p. 100 il y a seulement une décennie. Le vieillissement de la main-d'œuvre6 découle en partie de la réduction des effectifs et du gel imposé à l'embauche.
Une autre façon d'examiner la distribution selon l'âge des employés de la fonction publique fédérale est de comparer le nombre d'employés âgés de 45 ans et plus au nombre d'employés de moins de 35 ans. En mars 1999, il y avait au-delà de 72 000 employés dans la fonction publique fédérale âgés de 45 ou plus — plus de trois fois le nombre d'employés de moins de 35 ans. La différence était encore plus marquée aux extrémités de l'intervalle d'âge : les 37 096 employés âgés de 50 et plus occupant des postes de durée indéterminée et des postes saisonniers représentaient un contingent plus de cinq fois supérieur à celui des employés de moins de 30 ans occupant des postes de durée indéterminée et des postes saisonniers7.
Une telle distribution selon l'âge laisse penser que la fonction publique fédérale pourrait connaître une crise de recrutement à brève échéance. De fait, divers organismes gouvernementaux ont pris conscience de la nécessité de renouveler la fonction publique depuis plusieurs années.
Dès 1997, le Rapport du Vérificateur général signalait que les programmes conçus pour attirer de jeunes diplômés talentueux dans la fonction publique ne donnaient pas de bons résultats. L'année suivante, le rapport exprimait des préoccupations au sujet du départ de professionnels expérimentés et de la perte de mémoire institutionnelle. Il décrivait les pénuries de personnel compétent et expérimenté observées dans quatre des sept ministères étudiés et dans huit groupes professionnels différents8. Dans le rapport qu'il vient de publier pour 2000, le Vérificateur général exprime sa préoccupation sérieuse devant le vieillissement de la fonction publique et la sous-représentation des travailleurs de moins de 35 ans. Dans le discours du Trône de 1999, le gouvernement a annoncé qu'il mettrait l'accent sur le recrutement, la rétention et l'apprentissage continu d'un effectif fédéral compétent. Dans au moins un groupe professionnel, celui des spécialistes en informatique, le gouvernement a lancé un effort de recrutement intensif à Montréal, Ottawa, Toronto, Calgary et Vancouver9.
Le recrutement n'a pas été la seule préoccupation du gouvernement. Dans le but de résoudre le problème du moral des effectifs, le gouvernement a lancé toute une série d'initiatives centrées sur les ressources humaines (RH) ces cinq dernières années. Parmi celles-ci, il y a La Relève — le renouvellement de la fonction publique fédérale —, le Groupe de travail sur une fonction publique inclusive, le Groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale et le Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux. Parmi les autres initiatives pertinentes du gouvernement fédéral dans le domaine des ressources humaines, mentionnons la création du Réseau du leadership et les sous-comités du Comité des hauts fonctionnaires (CHF) sur l'apprentissage et le perfectionnement et sur le bien-être en milieu de travail.
Ces initiatives axées sur les ressources humaines, de même que l'accent mis récemment par le gouvernement sur le recrutement et le renouvellement des effectifs, soulignent l'intérêt qu'il manifeste à maintenir une fonction publique forte et dynamique. Mais des années de réduction de personnel précédées par des années d'intervention dans le régime de négociation collective et de lois de retour au travail, dont certaines ont imposé les conditions des conventions collectives aux employés, ont certes laissé des séquelles. Une des conséquences a été la frustration montante, l'effritement du moral et les tensions et conflits apparus entre la partie patronale et la partie syndicale que nous décrivons plus en détail dans les deux prochains chapitres.
Dans le prochain chapitre, nous examinons le cadre des relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale. Cet examen renferme un aperçu détaillé de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), la loi qui régit la négociation collective dans la fonction publique depuis 1967.
Le chapitre III présente un rappel historique de la négociation collective dans la fonction publique et de l'expérience de la négociation collective jusqu'à la fin des années 80.
Le chapitre IV nous amène jusqu'à aujourd'hui. Il porte principalement sur l'expérience de la négociation collective durant les années 90. Le chapitre se termine par un bref aperçu de certains des problèmes révélés par le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux et d'autres études récentes.
Au chapitre V, nous examinons les principaux résultats qui ressortent de nos questionnaires et des entrevues personnelles menées auprès d'intervenants clés du côté syndical et du côté patronal. Le chapitre renferme aussi les résultats des présentations faites par les agents négociateurs et les gestionnaires gouvernementaux, ainsi que certains des résultats préliminaires d'une enquête menée auprès des gestionnaires et des responsables syndicaux au niveau local.
Au chapitre VI, nous décrivons les problèmes communs mis en relief par notre examen de la documentation et des données disponibles et des questionnaires, des sondages et des entrevues. Dans ce chapitre, nous commençons aussi à tisser certains liens avec notre second rapport qui proposera des solutions aux problèmes étudiés dans le premier rapport.
Le cadre des relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale10 est établi dans cinq grandes lois du Parlement.
La Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) confère à la Commission de la fonction publique (CFP) le pouvoir relatif aux questions de dotation, telles que l'embauche, les promotions et les congédiements, et à la protection du système du mérite. La Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) confie au Conseil du Trésor la responsabilité de déterminer la plupart des autres conditions d'emploi. La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) accorde le droit à la négociation collective. Il donne à la Commission des relations de travail dans la fonction publique le pouvoir de superviser le régime de négociation collective et d'entendre certains griefs. La Loi sur la pension dans la fonction publique (LPFP) régit tous les aspects des pensions de retraite. La Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) s'applique aux relations entre le gouvernement et ses travailleurs, syndiqués ou non.
La LRTFP accorde à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) le pouvoir de définir les unités de négociation et d'accréditer les agents négociateurs comme représentants exclusifs des employés appartenant à ces unités. Dix-sept syndicats11 sont actuellement les représentants accrédités des employés en vertu de la LRTFP. Leur taille varie entre 122 000 employés, représentés par l'Alliance de la fonction publique du Canada, et les 11 employés restants au sein de l'unité de négociation du contrôle du trafic aérien (AI) depuis le transfert des services de contrôle du trafic aérien à Nav Canada, qui sont représentés par l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien.
Bien que la CRTFP ait le pouvoir de définir les unités de négociation, les dispositions pertinentes de la LRTFP et de la Loi sur la réforme de la fonction publique (LRFP) de 1992 ont abouti à la création d'unités de négociation alignées sur le système de classification de l'employeur. La LRFP obligeait le Conseil du Trésor à définir, avant le 1er avril 1999, les groupes d'employés dans la fonction publique selon leurs tâches. Le Conseil du Trésor a avisé les agents négociateurs de son intention de réduire le nombre d'unités de négociation qu'ils représentaient et a cherché à obtenir leur accord sur les groupes d'employés qui formeraient la base des nouvelles unités de négociation. Une entente est intervenue et, en mars 1999, Le Conseil du Trésor a officiellement réduit le nombre d'unités de négociation de 72 à 25.
|
La LRTFP accorde à l'agent négociateur le droit de choisir le mécanisme de règlement des différends que constitue l'arbitrage ou celui de la conciliation-grève pour résoudre une impasse dans les négociations collectives. En 1996, le gouvernement a suspendu le droit des agents négociateurs de choisir l'arbitrage pour une période de trois ans. En 1999, ce droit a été suspendu pour une période supplémentaire de deux ans, c'est-à-dire jusqu'en juin 2001.
Tous les employés des unités de négociation qui ont choisi la voie de la conciliation-grève ne sont pas autorisés à faire la grève lorsque leur unité de négociation est en position de déclencher légalement une grève. Les employés désignés en vertu de la LRTFP comme « exerçant, même partiellement, des fonctions qui sont, à un moment particulier, ou seront, après un délai déterminé, nécessaires pour la sécurité du public »12 doivent demeurer en poste. Les jugements rendus par les tribunaux en 1982 à l'endroit de l'unité de négociation AI ont fortement influé sur le nombre d'employés pouvant être désignés (voir le chapitre III). Bien que des modifications aient été apportées au processus de désignation dans la LRFP de 1992, les critères de désignation et le rôle de la Commission dans ce processus n'ont pas changé13.
La LRTFP limite la portée des questions négociables entre les parties. Dans l'éventualité d'un différend, elle limite encore davantage les questions pouvant être soumises à l'arbitrage.
En vertu du paragraphe 57(2) de la LRTFP, il ne peut y avoir de négociation sur des questions qui nécessiteraient l'adoption d'une loi au Parlement, sauf une loi de crédits. Plus précisément, il n'y a pas de négociation sur les critères de nomination, de promotion, de congédiement, de classification de postes et de changement technologique ou organisationnel. En outre, les employés du gouvernement fédéral ne peuvent négocier les questions relatives aux pensions de retraite14.
Aucune des questions mentionnées dans le paragraphe précédent ne peut faire l'objet d'une décision arbitrale. En outre, la dotation, qui relève de la compétence de la Commission de la fonction publique, et les évaluations du rendement sont expressément exclues de la compétence des arbitres. Le paragraphe 69(3) de la LRTFP interdit aussi aux arbitres de traiter de questions touchant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des tâches aux employés et à la classification des postes.
La Loi renferme par ailleurs une disposition relative aux droits des gestionnaires : « La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers »15. Bien que l'employeur ait le droit de céder volontairement une partie de ses pouvoirs à cet égard, il ne l'a fait que rarement.
De plus, la Loi interdit qu'une convention collective ou une décision arbitrale modifie, supprime ou ajoute une condition d'emploi nécessitant la modification d'une loi. Une interdiction semblable vise tout changement à une condition d'emploi qui a été ou pourrait être établie conformément à la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État16 , la LEFP ou la LPFP.
La LRTFP prévoit des modalités de recours pour ce que l'on appellerait, dans le secteur privé, l'« arbitrage des droits ». Il y a toutefois des différences importantes entre les modalités prévues dans la LRTFP et les autres mécanismes d'arbitrage des droits.
La LRTFP établit une procédure de grief statutaire assortie d'un droit limité de décision par une tierce partie pour tous les employés, syndiqués ou non, concernant tout aspect de leur relation d'emploi. Contrairement à la pratique établie dans le secteur privé, les employés ont le droit de présenter un grief sans l'appui de leur syndicat, à moins que le grief ne porte sur l'interprétation ou l'application d'une convention collective ou d'une décision arbitrale.
Seulement deux restrictions s'appliquent aux griefs. La première est que l'objet de la plainte doit toucher l'employé concerné. Selon l'interprétation donnée à cette restriction, les syndicats n'ont pas le droit de présenter de griefs sur des questions de politique. La seconde restriction est que le grief doit porter sur une question à l'égard de laquelle aucune procédure administrative de recours n'est prévue dans ou en vertu d'une loi du Parlement. Récemment, cette disposition a été interprétée de manière à rejeter les griefs fondés sur les clauses de « non-discrimination » des conventions collectives, pour le motif que la Loi canadienne sur les droits de la personne offre une procédure administrative de recours17.
Bien que le droit de grief soit très étendu, un grief ne peut être soumis à un tiers indépendant pour décision que s'il vise l'interprétation ou l'application d'une convention collective ou d'une sentence arbitrale, une mesure disciplinaire « entraînant la suspension ou une peine financière », ou un congédiement ou une rétrogradation pour un motif autre que disciplinaire. Les employés des employeurs distincts ont des droits plus limités relativement au renvoi pour décision d'un grief visant un congédiement ou une rétrogradation pour un motif autre que disciplinaire.
La LEFP accorde à la Commission de la fonction publique (CFP) les pouvoirs en ce qui a trait à la dotation, à la protection du principe du mérite et aux restrictions visant l'activité politique des fonctionnaires. En pratique, la Commission a délégué son pouvoir de dotation aux ministères.
Cependant, la Commission supervise les mécanismes de recours liés à la dotation. La Direction générale des appels et des enquêtes entend les appels portant sur des nominations et fait enquête sur toute question, notamment de dotation, relevant de la compétence de la CFP. Les enquêtes sur des questions de dotation portent souvent sur des allégations de harcèlement, qui peuvent aussi donner lieu à un grief en vertu ou hors du cadre d'une convention collective. La Commission est responsable du déroulement des enquêtes concernant la participation présumée d'employés à des activités politiques.
La LCDP, qui interdit à l'employeur toute discrimination fondée sur un motif de distinction illicite, s'applique à tous les employés relevant de la compétence fédérale18. Cette loi a eu des répercussions importantes sur un certain nombre d'aspects des relations de travail19.
La première, examinée plus en détail au chapitre III, a trait aux plaintes en matière d'équité salariale. L'article 11 de la LCDP interdit les écarts de rémunération fondés sur le sexe pour un travail de valeur égale. Les agents négociateurs et les employeurs tentent de déterminer si la rémunération versée aux employés constitue une pratique discriminatoire aux termes de la Loi et de l'Ordonnance sur la parité salariale émise par la Commission. Les préoccupations au sujet du manque de neutralité entre les hommes et les femmes dans les multiples régimes de classification de l'employeur ont motivé ce dernier à élaborer la Norme générale de classification qui, à l 'origine, devrait entrer en vigueur le 1er avril 2000.
La seconde répercussion de la LCDP sur les relations de travail dans l'appareil fédéral a trait aux pratiques d'emploi dénoncées par des personnes ou leur agent négociateur comme étant discriminatoires. L'une des plaintes axée sur le libellé d'une convention collective dénonçait le fait que les directives sur le service extérieur n'étendaient pas la portée des avantages sociaux aux partenaires de même sexe. Dans un autre cas, on s'est attaqué aux pratiques de dotation de l'employeur en faisant valoir que les modalités d'avancement dans un ministère comportaient une discrimination raciale systémique.
Un autre élément important du cadre des relations de travail dans la fonction publique fédérale est le Conseil national mixte (CNM). L'évolution de cet organisme est décrite au chapitre II. Constitué d'un nombre égal de représentants de l'« administration » et du « personnel », le CNM mène des consultations sur une gamme étendue de questions qui concernent la fonction publique. Outre les Directives sur le service extérieur, le CNM a conclu des ententes sur des questions telles que la prime au bilinguisme, et a émis notamment la Directive sur le réaménagement des effectifs, la Directive sur les voyages, la Directive sur la réinstallation et la Directive sur les postes isolés. Le CNM traite aussi des régimes de santé et d'avantages sociaux. Les ententes intervenues au sein du CNM peuvent être intégrées aux conventions collectives en y faisant spécifiquement référence.
L'adoption de la LRTFP a mis fin à une longue période durant laquelle les employés de l'État, par l'intermédiaire d'associations d'employés, ont tenté de persuader l'employeur de la nécessité d'améliorer leurs conditions d'emploi par la consultation. Ressemblant beaucoup plus aux associations professionnelles modernes20 qu'à des syndicats, ces associations d'employés regroupaient les gestionnaires jusqu'aux plus hauts niveaux; elles n'étaient pas affiliées à des fédérations syndicales et évitaient de recourir à la grève ou à toute autre forme d'action militante. En choisissant l'approche de l'association-consultation, les employés du gouvernement faisaient l'hypothèse que s'ils présentaient leurs préoccupations de manière raisonnable et collégiale, le gouvernement serait disposé à les entendre.
Ces consultations ont représenté la limite permissible de l'action des employés gouvernementaux jusque bien après la Deuxième Guerre mondiale, sauf en Saskatchewan où, en 1944, le gouvernement provincial a accordé à ses employés les mêmes droits de négociation collective que ceux dont jouissaient les employés du secteur privé. Ailleurs au Canada, les gouvernements ont invoqué la doctrine de la souveraineté et joué sur la crainte de grèves paralysantes des services essentiels pour justifier leur opposition à la syndicalisation dans le secteur public.
Le gouvernement fédéral a choisi plutôt d'établir un système de consultation officiel avec ses syndicats. En 1944, il créa le Conseil national mixte (CNM) pour entendre les préoccupations des fonctionnaires fédéraux. Inspiré du modèle du « Whitley Council » de Grande-Bretagne21, mais sans en avoir tous les pouvoirs22, le CNM réunissait des représentants d'une douzaine d'associations d'employés et des responsables gouvernementaux.
Le CNM se réunissait périodiquement pour étudier des questions liées à l'emploi telles que le recrutement, la formation, les heures de travail, l'avancement, les mesures disciplinaires, la santé, le bien-être et l'ancienneté. Le principe directeur était que lorsque les deux parties arriveraient à s'entendre sur une question, des recommandations seraient présentées au Cabinet. Du fait que les responsables gouvernementaux jusqu'au niveau le plus élevé, y compris celui de sous-ministre, étaient représentés au CNM, on s'attendait à ce que le gouvernement accepte ses recommandations. Malheureusement, cela n'a pas toujours été le cas. Même si le gouvernement en venait habituellement à accepter les recommandations du CNM, c'était souvent au terme de délais et de modifications.
L'un des problèmes qui a surgi est que certaines questions, notamment celle de la rémunération, étaient considérées hors de la compétence du Conseil. En 1952, la tentative faite par les associations de recourir au mécanisme du Conseil pour établir la rémunération a été rejetée23. Comme l'a noté Barnes, cela contrastait nettement avec le Whitley Council, qui avait toujours eu le pouvoir de mener des consultations sur la rémunération. Un autre problème était l'absence de mécanisme exécutoire de règlement des différends. Si la partie patronale refusait toute entente sur une question, la partie syndicale n'avait aucun recours. Encore une fois, cela contrastait de façon marquée avec le modèle du Whitley Council, qui pouvait porter les différends en arbitrage, bien qu'il semble que les parties n'aient que rarement choisi ce recours et aient généralement été réticentes à l'envisager24.
À la fin des années 50 et au début des années 60, toute une série de facteurs allant de l'absence de hausses salariales à la transformation des ministères en grandes bureaucraties impersonnelles ont incité la plupart des employés gouvernementaux à délaisser le modèle de l'association-consultation pour adopter une forme plus traditionnelle de syndicalisme. Devant la frustration de leurs membres et reconnaissant que la consultation ne donnait tout simplement pas de résultats, les associations d'employés ont commencé à agir comme des syndicats. Certaines ont notamment rayé de leur constitution les dispositions interdisant le recours à la grève, ont exclu le personnel de direction et ont joint les rangs de fédérations ouvrières comme le Congrès du travail du Canada — des initiatives qui auraient été inconcevables quelques années plus tôt.
En 1962, le premier ministre John Diefenbaker a rejeté la hausse salariale recommandée par le CNM en affirmant qu'elle aurait été inflationniste25. Cette décision a convaincu les dirigeants des trois associations de la fonction publique fédérale de la futilité de mener d'autres consultations et les a incités à publier un communiqué conjoint réclamant la création d'un régime de négociation et d'arbitrage. Après la chute du gouvernement conservateur minoritaire et le déclenchement d'une élection, Claude Edwards, qui était alors à la tête de la Fédération du service civil du Canada, a écrit aux dirigeants des quatre partis politiques engagés dans l'élection pour leur demander d'exprimer la position officielle de leur parti sur la question de la négociation collective dans la fonction publique. Les quatre chefs de partis ont appuyé le principe général de la négociation collective, mais seul le chef du NDP, Tommy Douglas, s'est dit favorable à l'idée d'accorder le droit de grève aux employés du gouvernement fédéral26.
Le gouvernement libéral nouvellement élu promit d'accorder à ses employés le droit à la négociation collective et à l'arbitrage obligatoire comme mécanisme de règlement des différends. Pour donner suite rapidement à son engagement, le premier ministre Lester B. Pearson a créé le Comité préparatoire des négociations collectives dans la fonction publique, placé sous la présidence de monsieur A. D. P. Heeney, ancien président de la Commission du service civil. Le Comité Heeney a publié son rapport en 1965, recommandant l'adoption d'un régime de négociation collective et d'arbitrage.
Peu après la publication du rapport, une grève illégale des travailleurs postaux dans l'ensemble du pays, envers laquelle le public s'est généralement montré sympathique, a entraîné l'examen des recommandations du Comité. L'évolution de la situation au Québec à l'époque a aussi joué. Dans un revirement inattendu par rapport à la position qu'il avait maintes fois énoncée, à savoir que « la Couronne ne négocie pas avec ses sujets », le premier ministre du Québec, Jean Lesage, a accordé aux employés de la province et aux autres travailleurs du secteur public le droit de grève dans le contexte d'une libéralisation en profondeur du Code du travail du Québec en 196527.
Prenant la parole en avril 1966, lors du dépôt à la Chambre des communes du projet de Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui visait à accorder aux employés fédéraux le droit à la négociation collective, le premier ministre Pearson a affirmé ce qui suit :
« Le principe voulant que les fonctionnaires aient l'occasion de participer à un tel régime a été appuyé largement dans la collectivité canadienne. […] Pour ceux qui ont toujours été désignés comme ‘serviteurs de la Couronne', c'est-à-dire serviteurs du peuple, et dont les termes et conditions d'emploi ont été déterminés par le Parlement ou par les divers gouvernements, cette mesure donnera le droit de participer à la détermination conjointe de ces termes et conditions. Cette procédure est fondée sur l'équité et l'égalité entre le gouvernement en tant qu'employeur et les organismes représentant ses employés. […] Le changement nécessitera des adaptations importantes dans les méthodes et modalités établies et dans les attitudes traditionnelles de tous ceux qui sont directement en cause. »28
Monsieur Pearson a ajouté qu'en élaborant cette nouvelle mesure législative, le gouvernement visait quatre grands objectifs : « … protéger l'intérêt public; répondre de façon compréhensive et responsable aux buts et aspirations de ses employés organisés; permettre au service public de continuer à fonctionner avec efficacité en servant la population du Canada; et respecter les principes fondamentaux des lois et de la pratique des relations industrielles au Canada. »29
La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a été adoptée par le Parlement en 1967. Pour paraphraser Robert Armstrong (1968, p. 455), ce projet de loi représentait le point culminant de quelque dix années d'effort, d'adaptation et de changement dans les relations employeur-employés dans la fonction publique fédérale30.
Inspirée du Wagner Act31 des États-Unis, à l'instar d'autres lois canadiennes visant le secteur privé, la LRTFP s'en écartait néanmoins sur plusieurs points importants. Outre le fait que le projet de loi renfermait une disposition offrant le choix du mécanisme de règlement d'un différend, qui visait à tenir compte de l'intérêt public, les syndiqués occupant des postes désignés comme étant nécessaires à la sécurité du public n'étaient pas autorisés à faire la grève. En contrepartie de cette restriction au droit de grève du syndicat, l'employeur fédéral ne pouvait recourir au lock-out de ses employés.
Le gouvernement fédéral étant divisé sur l'opportunité d'accorder le droit de grève aux employés, une disposition offrant le « choix de la procédure » a été élaborée en guise de compromis politique, selon la notion que les travailleurs de l'État avaient tendance à être moins militants que ne l'étaient habituellement les cols bleus syndiqués et qu'ils choisiraient plus probablement la voie de l'arbitrage que celle de la conciliation et de la grève. La déclaration de monsieur Pearson lors du dépôt de la LRTFP laisse penser que le gouvernement s'attendait à ce que l'arbitrage soit la norme dans le règlement des différends ouvriers dans la fonction publique fédérale32. Et, durant la première décennie suivant l'adoption du projet de loi, c'est effectivement ce qui s'est produit.
Entre 1967 et 1976, la négociation dans la fonction publique a fonctionné raisonnablement bien. De façon générale, les règlements ont été librement négociés avec très peu d'intervention législative. Les syndicats de la fonction publique ont pu négocier non seulement de bonnes ententes salariales, mais aussi des améliorations au niveau des avantages sociaux et des conditions de travail. En outre, comme le gouvernement l'avait prévu, la plupart des syndicats se sont contentés de recourir à l'arbitrage lorsque les négociations ont abouti à une impasse. En 1970, 88 p. 100 des unités de négociation de la fonction publique, représentant 81 p. 100 des employés du gouvernement fédéral, optèrent pour l'arbitrage33.
Mais, en 1975, la situation économique avait changé. Cette année-là, le gouvernement fédéral a imposé, dans l'ensemble de l'économie, un programme triennal de contrôles des prix et des salaires. Partout au Canada, les syndicats ont réagi en devenant plus militants. Un nombre croissant d'unités de négociation de la fonction publique ont choisi la voie de la conciliation et de la grève, plutôt que celle de l'arbitrage. En 1975 seulement, 14 unités de négociation représentant quelque 80 000 travailleurs ont délaissé l'arbitrage pour choisir la grève. En 1984, seulement 25 p. 100 des employés fédéraux appartenaient à des unités de négociation ayant opté pour l'arbitrage34.
Même lorsque les contrôles ont pris fin, le gouvernement a continué d'appliquer des politiques plus restrictives envers ses syndicats. En 1978, il n'a pas attendu pour laisser les travailleurs postaux négocier leur premier contrat depuis la fin des contrôles; il a adopté une loi prolongeant les dispositions de l'entente en vigueur jusqu'après l'élection fédérale imminente35. La même année, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour restreindre sensiblement les droits de ses employés en apportant une série de modifications à la LRTFP. Ces modifications englobaient des restrictions au droit de grève, l'adoption d'un droit de lock-out, l'extension du principe de l'exclusion des postes de direction et l'imposition d'un lien entre les décisions arbitrales et les règlements salariaux du secteur privé. Ces modifications ont éventuellement été retirées, mais elles donnaient une indication de l'état d'esprit du gouvernement à l'époque.
La crise des prix pétroliers survenue en 1979 et la reprise de l'inflation au début des années 80 ont incité le gouvernement à adopter à nouveau des contrôles en 1982. Cette fois, les contrôles s'appliquaient uniquement aux salaires et seulement dans le secteur public. Le programme est entré en vigueur en juillet 1982 et visait toutes les conventions collectives fédérales pour une période de deux ans, en prévoyant des hausses annuelles de traitement de 6 et 5 p. 10036. La rémunération au mérite, les augmentations d'échelon et les primes de rendement étaient interdites, tandis que les contrats déjà signés qui prévoyaient des hausses supérieures aux limites permises étaient annulés37.
Suite au programme de contrôles, toute négociation collective réelle s'est trouvée suspendue pour deux ans, même sur les questions non monétaires. Le gouvernement a reconnu que ses employés n'étaient pas plus responsables que quiconque du contexte inflationniste; mais il était d'avis qu'il devait faire preuve de leadership en matière de restrictions en donnant l'exemple aux autres employeurs, notamment ceux du secteur public qui ne relevaient pas de sa compétence.
Au moment même où un plus grand nombre d'unités de négociation optaient pour la voie de la conciliation et de la grève, le gouvernement s'efforçait d'accroître le nombre de travailleurs considérés « essentiels » et, ainsi, leur interdire le droit de grève. Avant 1982, le Conseil du Trésor établissait une liste des employés désignés et toute divergence entre le Conseil du Trésor et le syndicat au sujet de cette liste était tranchée par la CRTFP. On prenait pour acquis que la CRTFP avait le pouvoir de déterminer le niveau de service requis pour protéger la sécurité du public.
Mais un jugement rendu par la Cour suprême du Canada en 1982 a changé la situation. Le tribunal a statué que le gouvernement avait le droit unilatéral de déterminer le niveau de service devant être offert. Le tribunal a aussi indiqué que les employés désignés devaient assumer toutes leurs tâches habituelles durant une grève et non uniquement les tâches essentielles. Suite au jugement de la Cour suprême, les niveaux de désignation furent sensiblement relevés38.
Au cours de la seconde moitié des années 80, le régime de négociation collective a de nouveau fonctionné raisonnablement bien. Des ententes cadres englobant l'AFPC et l'IPFPC ont pu être négociées. Durant cette période, le gouvernement et ses syndicats se sont aussi entendus sur une politique de réaménagement des effectifs qui visait à obtenir la collaboration des syndicats dans l'application de la politique de réduction du personnel du gouvernement.
Entre 1985 et 1990, suite à une promesse faite en campagne électorale de réduire la taille de la fonction publique, le gouvernement a réduit l'effectif à temps plein de plus de 15 000 postes (environ 6 p. 100). La plupart des coupures ont pu se faire par attrition et de nombreux employés à temps plein ont été remplacés par des employés occupant des postes à temps partiel, de durée déterminée ou à statut occasionnel. Grâce aux ententes sur le réaménagement des effectifs, les employés permanents ont bénéficié d'une plus grande sécurité qu'auparavant.
En dépit de la réduction du nombre d'employés permanents et des hausses d'impôt, le déficit et la dette publique ont continué de croître. Dans le cadre de la stratégie qu'il a adoptée pour contrer cette tendance, le gouvernement a pris des mesures encore plus énergiques dans les années 90. Ces mesures et la réaction syndicale qu'elles ont suscitée sont décrites plus en détail dans le prochain chapitre.
1944 |
|
1958 |
|
1962 |
|
1963 |
|
1965 |
|
1967 |
|
1975 |
|
1982 |
|
1984 |
|
1984-1986 |
|
1985 |
|
1988 |
|
1990 |
|
1991 |
|
1992 |
|
1993 |
|
1994 |
|
1995 |
|
1996 |
|
1997 |
|
1998 |
|
1999 |
|
2000 |
|
Dans son budget de février 1991, le gouvernement affirmait qu'il n'y aurait aucune augmentation de salaires pour une année à moins que les agents négociateurs ne consentent à une réduction des niveaux d'emploi. Le gouvernement affirmait aussi que les hausses salariales de plus de 3 p. 100 ne seraient pas considérées pour les trois prochaines années. Les syndicats et leurs membres ont réagi négativement aux restrictions proposées.
Après le dépôt du budget, une commission de conciliation a recommandé que les employés du groupe des services administratifs de l'AFPC reçoivent une hausse de traitement de 6 p. 100 la première année et un montant légèrement inférieur la seconde année. Le Conseil du Trésor a rejeté cette recommandation et l'AFPC a déclenché une grève à l'échelle nationale. Dans l'intervalle, la CRTFP a statué que le gouvernement avait négocié de mauvaise foi en insistant pour que l'AFPC accepte, comme condition préalable aux négociations, la politique de restrictions annoncée dans le budget.
Le gouvernement a ensuite adopté une loi prolongeant pour deux ans tous les contrats de travail qui n'avaient pas donné lieu à une entente, y compris ceux visant les employés des services administratifs. La loi prévoyait des hausses salariales de 0 p. 100 et de 3 p. 100 ainsi que l'imposition de lourdes amendes si la grève se poursuivait.
À la fin de 1991, le gouvernement et l'AFPC ont négocié une nouvelle Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) traitant de la sécurité d'emploi des employés occupant des postes de durée indéterminée. Cette entente a été adoptée par le Conseil national mixte et appliquée subséquemment à tous les syndicats de la fonction publique.
Dans cette directive, en échange du droit de recourir à la sous-traitance, l'employeur acceptait de faire une « offre d'emploi raisonnable » à tout employé excédentaire qui pourrait recevoir une formation afin d'exécuter de nouvelles tâches et qui était prêt à accepter une réinstallation. Le salaire de l'employé était protégé si l'offre portait sur un poste moins bien rémunéré. De même, les employés déplacés par la sous-traitance devaient recevoir un préavis de 12 mois et l'employeur s'engageait à leur offrir un autre poste de durée indéterminée.
Ces dispositions représentaient une amélioration par rapport aux ententes antérieures sur le réaménagement des effectifs, qui prévoyaient un préavis de mise à pied de six mois pour les employés excédentaires, une protection salariale d'un an et jusqu'à une année de recyclage39.
Cependant, la position adoptée par le gouvernement sur les questions économiques a tôt fait de reléguer au second plan les événements entourant le réaménagement des effectifs. En février 1992, le gouvernement a démantelé le Bureau de recherche sur les traitements, de même que 38 autres commissions et organismes gouvernementaux. En novembre 1992, les inquiétudes suscitées par la baisse des recettes fiscales ont amené le gouvernement à prolonger les contrats de travail en vigueur pour une autre période de deux ans sans hausse de salaire.
En outre, le gouvernement a limité encore davantage l'accès à la négociation collective dans la Loi sur la réforme de la fonction publique (LRFP) de 1992. Les motifs d'exclusion de la négociation collective ont été étendus en permettant au Conseil du Trésor d'exclure tous les employés ayant « des attributions les amenant à participer, dans une proportion notable, à l'élaboration de politiques ou de programmes du gouvernement fédéral ». Le recours accru aux employés occasionnels ou nommés pour une période déterminée40 et la nouvelle politique d'exclusion faisaient surgir la menace d'une réduction du nombre d'employés syndiqués.
Un autre changement important permettait la « mutation » des employés à des postes de même niveau sans concours. Cette procédure simplifiait la dotation mais réduisait le nombre de concours et, ainsi, limitait à la fois les chances d'avancement et les droits d'appel. Les syndicats se sont plaints du fait que la procédure de mutation mettait en péril le principe du mérite.
Bon nombre de ces changements sont survenus dans le contexte de l'initiative FP 2000. En elle-même, cette initiative a été une source de la méfiance entre l'employeur et les syndicats. Les syndicats l'ont condamné, y voyant une mesure41 « résolument centrée sur la gestion » qui ne les impliquait pas. Éventuellement, les syndicats ont été invités à faire valoir leur point de vue aux groupes de travail concernés et ils ont eu une certaine influence sur quelques recommandations particulières42.
En 1993, la désillusion des syndicats à l'égard du gouvernement était complète. Les présidents de l'AFPC et de l'IPFPC ont dénoncé le gouvernement conservateur comme étant le pire employeur qu'ils n'aient jamais eu. L'AFPC a adopté comme ligne de conduite de lutter contre la réélection du gouvernement43. Ce dernier a éventuellement subi la défaite et a été remplacé par un gouvernement libéral, qui avait fait campagne en promettant de rétablir la libre négociation collective dans la fonction publique.
En 1994, dans son premier budget, le nouveau gouvernement a prolongé le gel des salaires dans la fonction publique pour deux autres années et il a bloqué les hausses d'échelon au mérite. Le budget comportait des réductions de près de 500 millions de dollars dans les budgets de fonctionnement des ministères civils; des compressions encore plus rigoureuses étaient annoncées pour les deux prochains exercices, ainsi que de fortes réductions dans les dépenses militaires44. Ce qui est plus important pour la fonction publique, le budget amorçait un processus d'« examen des programmes » destiné à réduire la taille du gouvernement et à limiter ou à redéfinir son rôle dans de nombreux secteurs d'activité où il demeurerait présent.
Bien que l'Examen des programmes n'ait jamais été conçu uniquement comme une mesure de réduction des coûts, son impact le plus immédiat a été de priver de leur emploi des milliers de travailleurs de la fonction publique fédérale. Des pourparlers post-budgétaires eurent lieu entre le Conseil du Trésor et les syndicats de la fonction publique afin d'identifier des mesures spécifiques de réduction des coûts qui auraient pu servir à hausser les salaires ou à permettre les augmentations d'échelon. Les syndicats se sont retirés de cet « examen de l'efficience » parce qu'ils étaient d'avis que l'employeur n'avait aucunement l'intention d'appliquer les économies réalisées à la rémunération des fonctionnaires45.
En février 1995, le Conseil du Trésor a cherché à obtenir l'aval des syndicats en vue de modifier la disposition relative à l'« offre d'emploi raisonnable » contenue dans la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE). Après l'échec de ces négociations, le Conseil du Trésor a suspendu unilatéralement la DRE dans les ministères les plus durement touchés par la réduction des effectifs et lui a substitué des primes de départ pour inciter les employés à prendre une retraite anticipée ou à quitter volontairement la fonction publique. Peu après, le ministre des Finances a présenté son budget de 1995, où il annonçait une réduction de 45 000 emplois dans la fonction publique au cours des trois années suivantes46.
La plupart des coupures dans la fonction publique ont été opérées dans le cadre de deux grands programmes d'incitation au départ : la Prime de départ anticipé et la Prime d'encouragement à la retraite anticipée (PERA). La première, qui ciblait les employés plus jeunes, offrait entre 39 et 90 semaines de traitement outre une indemnité de formation. La seconde mesure s'adressait aux employés de plus de 50 ans comptant au moins dix années de service. La PERA suspendait la pénalité frappant habituellement la pension lors d'un départ anticipé à la retraite et prévoyait le versement d'une indemnité maximale de 15 semaines de salaire.
En conséquence de ces programmes et d'autres mesures d'incitation, il y eut un minimum de mises à pied. Le gouvernement fédéral s'est mérité des éloges pour la façon humanitaire dont il a administré ses mesures de réduction des effectifs47. Mais, en pourcentage, la compression des effectifs a représenté la plus importante réduction de personnel au sein de l'appareil gouvernemental depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et il est clair que le moral des employés qui ont « survécu » à cette opération en a souffert. En outre, les travailleurs encore en poste ont dû redoubler d'ardeur pour assumer à la fois leur charge de travail et celle de leurs anciens collègues.
Alors que les plus jeunes et les plus âgés profitaient des mesures d'incitation au départ, certains observateurs ont commencé à émettre des mises en garde, en soulignant que la fonction publique serait constituée principalement de « baby boomers » âgés de 40 à 50 ans, c'est-à-dire d'employés qui auraient peut-être souhaité quitter mais qui ne pouvaient se le permettre. Ils attiraient par ailleurs l'attention sur le très grand nombre de postes qui allaient devoir être comblés lors du départ à la retraite de ces employés48.
Dans le budget de 1996, le gouvernement a annoncé une autre série de coupures. Cette année-là, l'employeur a aussi proposé certains changements à la Directive sur le réaménagement des effectifs, dont une définition plus étendue de l'« offre d'emploi raisonnable » afin d'y inclure une offre d'emploi dans une entreprise du secteur privé à un salaire de 85 p. 100 ou plus de la rémunération originale de l'employé. Dans ce cas, le salaire de l'employé serait « bonifié » pour une certaine période. Un préavis de mise à pied de quatre mois serait donné aux employés qui refuseraient une telle offre.
L'employeur a tenté d'obtenir l'aval des syndicats à ces modifications. Il les a avisés que s'ils n'y consentaient pas, les changements seraient appliqués unilatéralement. L'AFPC et l'AESS n'ont pas accepté les changements. Lorsque l'employeur a imposé unilatéralement sa nouvelle formule aux deux syndicats, leurs membres ont touché une bonification salariale pour une période plus brève que celle proposée à l'origine par le Conseil du Trésor, tandis que les membres des syndicats qui avaient accepté les modifications reçurent une bonification salariale pour une période plus longue.
Plus tard en 1996, le gouvernement a annoncé que les hausses d'échelon et la négociation reprendraient, mais pour faire en sorte que les restrictions se poursuivent, l'arbitrage des différends serait suspendu pour trois années supplémentaires.
Lorsque la négociation collective a repris en 1997, le gouvernement a adopté une loi modifiant la Loi sur la rémunération du secteur public, pour s'assurer que les hausses de rémunération seraient plafonnées à environ 2 p. 100. Cela a empêché les employés de rattraper l'écart attribuable aux augmentations de salaire qu'ils n'avaient pas touchées durant les six années précédentes. La plupart des ententes négociées au cours de la première ronde de négociations suivant le gel des salaires comportaient des hausses annuelles de traitement variant entre 2 et 2,5 p. 100. Lorsque les pénuries de personnel nécessitaient des hausses plus importantes, le Conseil du Trésor a généralement préféré recourir à des augmentations supplémentaires ou à des paiements forfaitaires, plutôt que de relever la rémunération de base. Presque tous les groupes qui ont touché des hausses salariales plus élevées (groupe de la direction, militaires et GRC) n'étaient pas syndiqués, un fait qui a été mal reçu par les syndicats49.
Même si l'actuelle ronde de négociations dans la fonction publique n'est pas terminée, elle semble suivre à peu près le même cheminement que la précédente. L'accès à l'arbitrage des différends étant gelé, les hausses salariales ont encore une fois oscillé autour de 2 p. 100, avec des paiements forfaitaires additionnels d'environ 1,5 p. 100 dans bien des cas.
Depuis longtemps une source de friction entre l'employeur et ses agents négociateurs, la question de l'équité salariale s'est retrouvée au centre des relations patronales-syndicales durant les années 90.
Dès 1979, l'IPFPC avait déposé des plaintes contre l'employeur sur la question de l'équité salariale auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. En 1984, l'AFPC a déposé une plainte au nom d'environ 50 000 membres du groupe des commis aux écritures et règlements. Éventuellement, l'IPFPC et l'AFPC ont déposé des plaintes au nom de tous les groupes d'employés à prédominance féminine.
Le Conseil du Trésor et les syndicats ont convenu en 1985 de créer le Comité mixte patronal-syndical pour étudier l'étendue de l'écart salarial existant entre les emplois des groupes à prédominance féminine et ceux des groupes à prédominance masculine consi-dérés comme étant de valeur égale. Dans le cadre de cette initiative conjointe, les parties convenaient de corriger les écarts de traitement observés.
En 1990, après l'évaluation de l'échantillon de postes convenu, l'initiative s'est retrouvée dans une impasse. L'employeur a unilatéralement apporté des rajustements au titre de l'équité qui, selon les plaignants, ne suffisaient pas à refermer l'écart. La Commission canadienne des droits de la personne a reconnu que les paiements étaient insuffisants et de longues audiences ont alors débuté devant le Tribunal canadien des droits de la personne.
Bien que, dans le budget de 1992, le gouvernement conservateur ait évoqué la possibilité d'adopter une loi rétroactive à novembre 1990 pour limiter sa responsabilité à l'égard des plaintes déposées50, il n'est jamais allé de l'avant avec un projet de loi. En mars 1995, le Conseil du Trésor et l'IPFPC ont réglé les plaintes concernant quelque 1 700 membres appartenant à trois unités de négociation. Les montants versés au titre de ces rajustements totalisaient près de 72 millions de dollars.
En 1998, le Tribunal a ordonné au gouvernement de verser des rajustements de salaire rétroactifs, avec intérêts, à près de 200 000 employés actuels et passés des groupes à prédominance féminine représentés par l'AFPC51. Le gouvernement a décidé de porter en appel ce jugement représentant une somme de près de 4 milliards de dollars.
La décision d'aller en appel a provoqué l'indignation chez les employés concernés. Entre autres mesures de protestation, ils ont organisé une grande manifestation sur la Colline parlementaire et ont décrété un « jour de deuil » national, au cours duquel les membres de l'AFPC étaient invités à se présenter au travail vêtus de noir.
Après que la Cour d'appel fédérale eut rejeté la requête en appel du jugement du Tribunal canadien des droits de la personne, le gouvernement décida de ne pas porter la cause en appel à la Cour suprême. Plutôt, il négocia un règlement avec l'AFPC. Mais ce règlement ne s'applique pas à tous les employés du gouvernement fédéral. Comme il est indiqué au chapitre V, l'équité salariale demeure un sujet de préoccupation, notamment parmi le nombre sans cesse croissant d'organismes distincts.
Les pensions de retraite sont devenues une autre source de conflit entre l'employeur et ses syndicats durant les années 90. En 1954, le Comité consultatif sur les pensions a été créé aux termes de la Loi sur la pension dans la fonction publique; il réunit des représentants de l'employeur et des syndicats. Dans un rapport publié en 1996, le Comité a fait des recommandations en vue d'une réforme des caisses de retraite, y compris des propositions traitant du placement des fonds des caisses de retraite sur les marchés de capitaux et de la création d'une commission patronale-syndicale conjointe.
En 1998, on a créé le Comité consultatif sur la réforme des pensions dans la fonction publique en prévoyant en venir à une entente dans ce dossier avant la fin de l'année52. Mais le Comité s'est retrouvé dans une impasse sur la question de la propriété des surplus actuariels des caisses de retraite. En 1999, le gouvernement a adopté une loi pour s'approprier le surplus actuariel et, contrairement à la recommandation du Comité consultatif, il n'a pas créé de conseil patronal-syndical conjoint. Le texte de loi prévoyait cependant la création de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public.
La frustration accumulée après des années de suspension de la négociation, de gel de la rémunération et de l'arbitrage, de charges de travail plus lourdes et de la perception, répandue parmi les employés, de l'absence de toute chance d'avancement a attisé le militantisme des syndicats dans la fonction publique fédérale. Ce militantisme a pris diverses formes, notamment des manifestations publiques et des grèves. Le sentiment de frustration semble aussi avoir amené beaucoup d'employés à songer à quitter la fonction publique. Une enquête menée en 1999 par Duxbury, Dyke et Lam auprès des travailleurs du savoir a révélé que le tiers seulement des répondants avaient un niveau d'engagement élevé à l'égard de la fonction publique. Dans le secteur privé, le niveau d'engagement atteint souvent le double de celui observé dans l'enquête. Le rapport indique par ailleurs qu'environ les trois quarts des fonctionnaires avaient songé à quitter leur emploi53.
Dans l'enquête de Duxbury et al., les aspects les plus pénibles du travail dans la fonction publique résultent des problèmes posés par la bureaucratie, y compris les problèmes de personnel, la culture et le climat de travail, l'intervention politique et la perception d'un manque de respect de la part des gestionnaires et du public en général54.
Des constatations semblables ressortent d'autres études récentes. À titre d'exemple, le Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux a révélé un niveau élevé d'insatisfaction attribuable aux lourdes charges de travail, aux longues heures et aux possibilités limitées d'avancement. Les résultats indiquent en outre que de nombreux fonctionnaires estiment que les procédures de sélection, de classification et de promotion sont injustes, que les employés du gouvernement fédéral ont peu à dire dans les décisions et les mesures qui affectent leur travail et que les cadres supérieurs ne feront probablement pas grand chose pour corriger les problèmes révélés par l'enquête55.
Dans une veine légèrement différente, une étude réalisée par le Forum des politiques publiques (FPP)56 a révélé un « fossé croissant » entre la législation du travail actuelle et la réalité du milieu de travail dans la fonction publique. L'étude du FPP indique que l'approche réglementaire normative qui sous-tend la LRTFP a miné la capacité de promouvoir des relations efficaces et productives entre travailleurs et gestionnaires. Le rapport recommande une révision en profondeur du cadre législatif qui régit les relations patronales-syndicales dans la fonction publique, notamment la LRTFP, et il souligne l'importance de tenter de renforcer la confiance dans les instances patronales-syndicales de la fonction publique en favorisant et en facilitant une consultation constante et significative entre l'employeur et ses employés. En outre, le rapport recommande l'élaboration de programmes de formation ayant pour but d'accroître les compétences des professionnels des relations patronales-syndicales dans la fonction publique.
Plus récemment, le Rapport du Vérificateur général pour l'an 2000, qui vient de paraître, qualifie le cadre de gestion des ressources humaines dans la fonction publique d'« indûment complexe et périmé ». Selon le Vérificateur général, ce cadre convient mal à un contexte où la souplesse et l'adaptabilité sont essentielles, alors que le gouvernement fait face à de redoutables défis pour recruter des candidats sur un marché du travail de plus en plus concurrentiel.
Sur une note plus positive, le Conseil du Trésor, des agents négociateurs membres du CNM et l'Association nationale des retraités fédéraux ont récemment conclu une entente quinquennale sur la gestion du Régime des soins de santé de la fonction publique (RSSFP). Depuis le 1er avril 2000, le RSSFP est géré par une fiducie dont les membres sont nommés par les agents négociateurs, les représentants des pensionnés et l'employeur. Un élément clé de cette entente est que les primes mensuelles de la protection de base pour les soins de santé n'augmenteront pas durant la période de cinq ans.
Dans ce chapitre et dans les deux précédents, nous avons tenté de préciser le contexte de notre examen de l'état actuel des relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale en retraçant l'évolution des relations entre les travailleurs et l'employeur depuis les débuts de la négociation collective dans la fonction publique en 1967. Dans le prochain chapitre, nous examinons les résultats qui ressortent des entrevues réalisées par le Comité, des questionnaires et des audiences, ainsi que les autres renseignements obtenus auprès de professionnels, passés et actuels, des relations de travail dans la fonction publique qui représentent les points de vue des syndicats et de la direction.
Afin de dégager un tableau clair de l'expérience de la négociation collective dans la fonction publique, le Comité a fait parvenir un questionnaire aux sous-ministres de tous les ministères, aux dirigeants de tous les organismes distincts et à tous les agents négociateurs accrédités. Certaines personnes ayant participé à la négociation dans le secteur public au cours des premières années ont aussi été interviewées à partir d'une même grille d'entrevue. Enfin, tous les agents négociateurs et certains dirigeants de ministère ont été invités à faire une présentation devant le Comité. En outre, un exercice de remue-méninges s'est déroulé à la mi-janvier 2000. Dans le présent chapitre, nous résumons les principales constatations qui ressortent de ces diverses sources.
Dans l'ensemble, les expériences de négociation collective des ministères et des organismes ont été plus positives que celles des agents négociateurs.
Néanmoins, comme il est indiqué ci-dessous, les ministères et organismes et les agents négociateurs s'entendent sur de nombreux éléments où le régime de négociation collective semble mal fonctionner. Dans l'ensemble, il y a plus de points sur lesquels les deux parties s'entendent que de points sur lesquels elles divergent d'opinion.
Quatre groupes représentant les gestionnaires et le personnel de direction du gouvernement et dix agents négociateurs ont fait une présentation au Comité durant les mois de février et mars 2000. De nombreux points abordés par les agents négociateurs recoupaient ceux qu'ils avaient abordés auparavant dans des mémoires écrits. La question du recoupement ne s'est pas posée dans le cas du groupe des gestionnaires gouvernementaux parce que les groupes qui ont comparu n'étaient pas les mêmes que ceux qui avaient présenté un mémoire écrit.
Comme dans le cas des mémoires écrits, on a relevé des points de convergence et de divergence entre la partie patronale et les agents négociateurs.
Dans le but d'examiner les relations patronales-syndicales dans les lieux de travail, le Comité consultatif a demandé au Centre d'étude et de recherche sur le syndicalisme et le travail (CEREST), de l'Université du Québec à Hull, d'élaborer et d'administrer un questionnaire à des représentants locaux des syndicats et de l'employeur. Le questionnaire visait à recueillir des renseignements sur la nature des rapports existant entre ces parties, la qualité du climat des relations patronales-syndicales dans leur milieu de travail, les mécanismes de consultation employés, le degré de confiance dans leurs rapports réciproques et leur perception des principaux problèmes qui touchent les relations patronales-syndicales au niveau local.
Mille questionnaires ont été distribués entre le 21 février et le 20 mars 2000 à 500 représentants patronaux et 500 représentants syndicaux. Au total, 440 personnes ont répondu au questionnaire, 257 représentant l'employeur et 183 représentant les syndicats. Étant donné que nous continuons de recevoir des questionnaires — même au moment de la rédaction de ce rapport — les résultats présentés ici doivent être considérés comme préliminaires. Les résultats définitifs seront présentés dans le second rapport du Comité consultatif. Toutefois, vu le grand nombre de questionnaires reçus jusqu'à maintenant, il est peu probable que les tendances et les conclusions présentées ci-après changent beaucoup.
Les répondants représentant l'employeur étaient relativement d'accord avec l'énoncé selon lequel le climat des relations de travail est positif au niveau local, les représentants syndicaux adoptant une position neutre sur ce point. Les répondants représentant la direction étaient aussi plus enclins que les répondants syndicaux à décrire les relations patronales-syndicales comme étant positives.
Les répondants des syndicats et de la direction étaient généralement d'accord sur le fait que la consultation patronale-syndicale signifiait tenir compte de l'opinion de l'autre partie avant de prendre une décision. Ils s'entendaient aussi sur le fait que des consultations devraient se dérouler à chaque étape du processus décisionnel, ce qui veut dire dès le début.
S'il semble que les parties aient généralement manifesté une attitude d'ouverture envers la consultation, les réponses données au questionnaire font ressortir une réalité bien différente pour ce qui est de leurs relations réciproques. Les résultats (voir le tableau 5.1) indiquent que les répondants des syndicats et de la direction ont des perceptions passablement différentes du niveau et de la qualité de la consultation qui se déroule en milieu de travail. On peut en conclure que les représentants de la direction jugent qu'ils consultent les syndicats mais accordent peu de considération à leur point de vue. La perception des syndicats semble être que la direction ne les consulte pas, mais se contente de partager de l'information. Quel que soit le point de vue adopté, il ne semble pas y avoir de consultation très significative dans les lieux de travail fédéraux.
Tableau 5.1 |
||
Sujet de consultation |
Employeur1 |
Syndicats |
Dotation des postes |
2,43 |
1,96 |
Répartition des tâches |
2,47 |
1,93 |
Disposition matérielle et aménagement |
3,13 |
2,38 |
Application de la convention collective |
3,70 |
2,75 |
Changements aux programmes et services |
3,00 |
2,11 |
Formation de la main-d'oeuvre |
2,93 |
2,28 |
Compressions bugétaires |
2,92 |
1,84 |
Restructuration du travail |
3,25 |
2,11 |
Descriptions de tâches |
3,22 |
2,29 |
Source: Enquête menée par le CEREST de l'Université du Québec à Hull
1. Les répondants devaient choisir entre 5 réponses pour chacun des 9 sujets de consultation : 1 : Aucune interaction patronale-syndicale; 2 : Échange d'information; 3 : Consultation mais peu de considération accordée au point de vue du syndicat au moment de prendre une décision; 4 : Consultation avec une certaine considération accordée au point de vue du syndicat au moment de prendre une décision; 5 : Consultation avec une considération minutieuse accordée au point de vue du syndicat au moment de prendre une décision.
Une autre constatation importante a trait aux griefs. Selon les représentants syndicaux, les employés craignent de subir des représailles s'ils déposent un grief. Les représentants de la direction ne semblent pas partager ce point de vue57. Comme pour les autres questions, les représentants des syndicats et de la direction estiment que le manque de communication, la mauvaise foi dans les négociations au palier national, la Norme générale de classification, le stress provoqué par les changements répétés et l'incompétence perçue des représentants de l'autre partie sont autant de problèmes qui pèsent sur leurs relations en milieu de travail. Le manque de transparence, d'ouverture, de respect ou de considération sont des préoccupations évoquées surtout par des représentants syndicaux58.
De façon générale, ces résultats préliminaires semblent confirmer de nombreuses constatations présentées plus tôt dans ce chapitre. Le Comité consultatif se soucie tout spécialement du manque de consultation apparent mentionné des deux côtés et du manque de respect et de considération déploré par les représentants syndicaux.
Dans le cadre du travail de collecte de données, un exercice de remue-méninges à l'aide de la technique « Rice Storm » a été organisé lors de la rencontre du Comité national conjoint de transition de carrière, le 18 janvier 2000, à Ottawa. Près de 40 personnes ont participé à l'exercice, animé par Linda Duxbury, professeure à l'École d'administration des affaires de l'Université Carleton et membre du Comité consultatif.
Les participants, tous dirigeants syndicaux ou gestionnaires gouvernementaux activement engagés dans les relations patronales-syndicales au sein de la fonction publique, furent invités à préciser les principales questions pertinentes aux relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale. Une série de fiches a été remise à chacun des participants, qui devaient ensuite inscrire sur ces fiches : a) un enjeu auquel doit faire face la fonction publique fédérale sur le plan des relations patronales- syndicales, b) une réalité des relations patronales-syndicales et c) un problème patronal-syndical auquel sont exposés les fonctionnaires fédéraux.
L'animatrice a ensuite procédé à la consolidation des thèmes semblables et a présenté les différents enjeux, problèmes et réalités énoncés par les participants.
L'exercice a fait ressortir des constatations assez semblables à celles qui se dégagent des questionnaires et des entrevues. La première observation a trait au manque de confiance qui sévit de part et d'autre. Parmi les principaux problèmes évoqués, il y a la capacité du gouvernement de légiférer pour court-cicuiter le processus de négociation, l'absence d'engagement de la direction à l'égard des mécanismes conjoints, le peu de respect de la direction envers les syndicats, l'insuffisance des ressources qui se traduit par des charges de travail excessives et des budgets de formation inadéquats, le contrôle excessif exercé par le Conseil du Trésor sur les relations de travail et, enfin, la tradition de confrontation dans les relations patronales-syndicales dans la fonction publique.
On a aussi mentionné d'autres problèmes, en rapport avec la dotation, le piètre moral, l'absence d'obligation de rendre compte, la place insuffisante accordée à la négociation et au règlement des différends, de même que l'incapacité perçue des dirigeants syndicaux de donner suite à leurs promesses. Certains participants ont déploré le fait que, trop souvent, les syndicats et la direction avaient tendance à perdre de vue les intérêts qu'ils défendent en laissant leurs objectifs personnels prendre le dessus au détriment des besoins de leurs commettants.
Bien que, dans l'ensemble, il y ait eu beaucoup plus de commentaires négatifs que de commentaires positifs, des participants ont noté que les travailleurs et les gestionnaires de la base s'entendaient souvent sur la façon de résoudre les problèmes, et ce, à l'encontre de la position officielle de l'employeur. D'autres ont cité la longue tradition de collaboration, de rapports de travail fructueux au sein de certains comités et des bonnes relations personnelles qui s'étaient établies entre des représentants syndicaux et patronaux.
Les constatations qui ressortent de nos diverses sources de données laissent penser qu'au cours des 10 à 15 premières années de négociation collective dans la fonction publique, les participants avaient généralement une attitude positive à l'égard du régime. Mais avec le passage du temps et les interventions unilatérales de plus en plus fréquentes du gouvernement, notamment les gels de salaire et la suspension de la négociation et de l'arbitrage, les parties sont devenues plus pessimistes quant à la capacité du régime de négociation de résoudre les problèmes. Le manque de confiance et les longs épisodes d'initiative unilatérale du gouvernement constituent probablement la préoccupation la plus sérieuse des représentants syndicaux et patronaux.
La complexité du régime de négociation collective inquiète tout spécialement les représentants de la direction, alors que les représentants syndicaux sont troublés par ce qu'ils perçoivent comme un manque de respect de l'employeur à leur égard.
Pour les syndicats, des questions telles que le champ restreint de la négociation, le nombre toujours aussi élevé de désignations, le recours à des lois de retour au travail et l'exclusion syndicale de nombreux employés demeurent des sujets de préoccupation majeure. Les représentants de la direction restent préoccupés par la durée et la complexité du processus de négociation et la structure de l'AFPC. Les deux côtés déplorent l'absence d'un organisme indépendant de recherche sur les traitements et l'incapacité du Conseil du Trésor de répondre aux besoins des divers ministères et groupes professionnels en raison de l'approche « uniforme » qu'il a adopté en matière de négociation collective.
Tous ces facteurs ont contribué à aggraver les tensions entre les syndicats et la direction depuis quelques années. La situation a aussi été assombrie par la longue lutte dans le dossier de l'équité salariale, les différends sur la répartition des surplus des caisses de retraite des fonctionnaires et la mise en place imminente de la Norme générale de classification.
Le chapitre VI traite plus en détail d'un certain nombre de problèmes qui sont apparus au fil de ces événements.
Les constatations du Comité, présentées au chapitre V, révèlent de nombreux problèmes dans le régime de négociation collective et les relations patronales-syndicales au sein de la fonction publique. Dans bien des cas, les représentants des syndicats et de la direction s'entendent sur la nature de ces problèmes. Parfois, le problème n'est perçu que par l'une des parties. Dans d'autres cas encore, les deux parties perçoivent le problème, mais pour des raisons différentes.
Les questions abordées ci-après sont celles que nous considérons fondamentales. Il importe de reconnaître que ces questions ne sont pas mutuellement exclusives; il pourrait y avoir chevauchement entre certaines questions particulières. Néanmoins, l'exposé qui suit devrait à tout le moins constituer un point de départ utile pour approfondir l'analyse.
La préoccupation la plus fréquemment citée, par les deux parties, est l'étendue du pouvoir que possède le gouvernement dans son double rôle d'employeur et de législateur. Ce pouvoir, qui dépasse celui que peut avoir tout employeur du secteur privé, a été utilisé à maintes occasions et a pris des formes aussi diverses que la suspension de la négociation et de l'arbitrage, le gel des salaires et l'adoption de lois de retour au travail.
C'est ce déséquilibre des pouvoirs qui semble être la cause première du sentiment d'impuissance et de frustration décrit au chapitre V. Une observation connexe est que le recours fréquent aux lois d'exception a miné la confiance à l'égard du régime et la confiance entre les parties. Une autre conséquence tout aussi sérieuse est que les acteurs dans le régime patronal-syndical de la fonction publique peuvent devenir si habitués à l'intervention gouvernementale qu'ils perdent la capacité de régler eux-mêmes les problèmes qui se posent59. Le déséquilibre des pouvoirs a aussi contribué à politiser le régime et incité des agents négociateurs à prendre diverses initiatives politiques.
L'intervention législative fréquente a toutefois eu comme conséquence positive que les dirigeants politiques portent directement la responsabilité de l'intervention, au lieu de la déléguer à une commission des relations de travail ou à une autre forme de tribunal administratif. Mais, à notre avis, cet avantage théorique doit être évalué en contrechamp des nombreuses conséquences négatives de l'intervention gouvernementale.
Ce déséquilibre des pouvoirs semble aussi transpirer du cadre législatif dans lequel se déroule la négociation collective dans la fonction publique fédérale. Ce cadre, et en particulier la LRTFP, est passablement plus restrictif que celui où se déroule la négociation collective dans le secteur privé, et même plus restrictif que celui de la plupart des autres régimes du secteur public60. La nature restrictive du cadre législatif a été critiquée par les représentants tant de la direction que des syndicats, quoique plus souvent par ces derniers.
Une des limites sérieuses du cadre législatif actuel est la portée restreinte des questions négociables et arbitrables. Tel qu'indiqué au chapitre II, la LRTFP interdit de négocier toute question qui nécessiterait une loi du Parlement, sauf pour l'obtention de crédits budgétaires. Parmi les questions qui ne sont pas négociables, il y a les critères de nomination, les promotions, les mises à pied, les classifications de poste, les pensions de retraite et le changement technologique et organisationnel.
Les restrictions imposées par la LRTFP à la portée de la négociation colorent les relations patronales-syndicales dans la fonction publique de diverses façons. Premièrement, elles gênent le processus de négociation parce que de nombreuses questions qui préoccupent les employés ne peuvent jamais être « amenées à la table » pour y être débattues et réglées. Deuxièmement, les restrictions elles-mêmes peuvent devenir une source de conflit, entraînant les parties à gaspiller temps et énergie à discuter de ce qui peut et ne peut pas être négocié, plutôt que de mener des négociations productives. Elles réduisent aussi la capacité du régime de négociation de solutionner les problèmes qui surgissent entre les parties, en renvoyant les questions « interdites » vers d'autres instances et en contribuant à la politisation du régime de négociation.
Une autre limite importante du régime de négociation dans la fonction publique a trait à la façon dont sont définies les unités de négociation. Dans le secteur privé, les unités de négociation sont habituellement établies par les conseils de relations de travail, habituellement après une consultation détaillée des parties. En tentant de définir l'unité de négociation appropriée, les conseils de relations de travail mettent principalement l'accent sur la création d'une « communauté d'intérêts » susceptible de mener à des relations raisonnablement harmonieuses entre les parties61.
À l'opposé, en vertu de la LRTFP, comme dans la plupart des régimes de négociation dans la fonction publique au Canada, les unités de négociation sont définies par la loi. La définition législative des unités de négociation empêche souvent la création d'une « communauté d'intérêts » appropriée et peut même rendre plus difficiles les négociations. La complexité de la structure des unités de négociation dans la fonction publique fédérale est une préoccupation soulevée par divers représentants de la direction.
La question de savoir quelles questions peuvent être soumises à l'arbitrage ou à une décision judiciaire en vertu de la législation du travail dans la fonction publique est une source de préoccupation tant parmi les représentants de la direction que parmi les représentants syndicaux.
Dans certains cas, un employé qui se considère lésé a le choix entre différents mécanismes de recours. Ceux dont le grief porte sur des questions disciplinaires peuvent s'adresser à leur syndicat ou porter la question plus loin directement sans en référer au syndicat. Par contre, pour certaines questions telles que les évaluations du rendement, il n'y a pas de mécanisme de recours auprès d'une tierce partie. Un employé du gouvernement fédéral ne peut déposer un grief à l'égard d'une mauvaise évaluation du rendement et poursuivre la procédure jusqu'à l'obtention d'une sentence arbitrale parce que la question des évaluations du rendement n'entre pas dans les conventions collectives du gouvernement fédéral. La raison pour laquelle les évaluations du rendement ne figurent pas dans les conventions collectives est que la question du rendement est l'un des sujets exclus de l'arbitrage aux termes de l'article 69 de la LRTFP.
L'absence de mécanismes de recours valable et simple pour certaines questions aggrave la frustration parmi les employés et leurs syndicats. Du même coup, la présence de multiples mécanismes de recours pour d'autres questions ralentit la procédure de règlement des différends, rend le régime indûment complexe et difficile à comprendre et impose des coûts à l'employeur et aux syndicats.
L'interdiction des griefs ayant trait à des questions de politique aux termes de la LRTFP est aussi une source de préoccupation. En vertu de la Loi, seul un travailleur à titre individuel peut présenter un grief et poursuivre la procédure jusqu'à l'obtention d'une sentence arbitrale. L'incapacité de recourir à tout autre mécanisme que le grief individuel signifie que l'on ne peut débattre de questions d'application plus générale de façon appropriée et en temps opportun. Cela pourrait provoquer une « surcharge du système » dans le cas où un grand nombre d'employés décideraient de déposer simultanément un grief sur la même question.
Une dernière restriction a trait aux exclusions. Cette question préoccupe les deux parties, mais pour des raisons différentes. Du côté des syndicats, il s'agit d'une question d'équité. Selon eux, cette procédure entraîne l'exclusion d'un trop grand nombre d'employés des unités de négociation. Cela signifie que les personnes en cause ne sont pas représentées et que les syndicats perdent ainsi des membres et des cotisations syndicales. Pour les représentants de la direction, la question des exclusions se pose surtout au niveau de la procédure. Selon ces derniers, la procédure est inutilement longue et fastidieuse et devrait, par conséquent, être simplifiée.
Peu après son entrée en vigueur, la collectivité des relations industrielles a salué le caractère innovateur du mécanisme de choix de la procédure, qui permet à un agent négociateur de choisir entre l'arbitrage et la voie traditionnelle de la conciliation et de la grève. Mais ce mécanisme, repris dans un certain nombre de sphères de compétence au Canada et aux États-Unis durant les années 7062, s'est mérité des éloges de la part des répondants syndicaux et patronaux dans les mémoires écrits présentés au Comité.
Cependant, tout au long des années 90, ni le mécanisme du choix de la procédure ni quelque autre forme de mécanisme de règlement des différends ne pouvait fonctionner parce que le gouvernement avait suspendu d'abord la négociation collective, puis l'arbitrage des différends. Nos observations révèlent que l'absence de mécanisme effectif de règlement des différends préoccupe à la fois les représentants de la direction et ceux des syndicats, bien que la question semble préoccuper davantage la partie syndicale.
Les deux parties ont cité parmi leurs pré-occupations la question de la prestation des services essentiels lors d'une grève dans la fonction publique par la désignation de certains travailleurs ou de certains postes, mais ils l'ont fait pour des raisons différentes.
Comme nous l'avons signalé au chapitre V, les syndicats sont d'avis qu'un trop grand nombre de travailleurs sont ainsi désignés et qu'ils n'ont que peu d'influence sur la procédure de désignation. La frustration des syndicats à l'égard du mécanisme de désignation a été aggravée par la décision récente du gouvernement de suspendre l'arbitrage des différends. Les unités de négociation où les niveaux de désignation sont élevés et qui, par conséquent, auraient de la difficulté à recourir efficacement à la grève, se retrouvent donc à la merci d'une détermination unilatérale de leurs conditions d'emploi par le gouvernement. Pour leur part, les gestionnaires gouvernementaux sont d'avis que la procédure de désignation est lourde et demande trop de temps.
Les observations présentées au chapitre V indiquent que cette question est une source de friction croissante entre les parties et qu'elle demeurera vraisemblablement un sérieux irritant63.
Tel que noté au chapitre IV, les deux parties ont exprimé une opinion favorable sur le rôle joué par l'ancien Bureau de recherche sur les traitements (BRT), en tant que source neutre et indépendante de données économiques aux fins de la négociation collective. L'absence d'un BRT ou d'un autre mécanisme politiquement neutre a rendu plus difficiles les négociations salariales. Tous semblent d'avis que le rétablissement du BRT pourrait améliorer le processus de négociation dans la fonction publique et faciliter l'adoption de nouveaux mécanismes de règlement des différends, dont la plupart requièrent une base factuelle mutuellement acceptable comme point de départ.
Les agents négociateurs et les organismes eux-mêmes ont exprimé des préoccupations au sujet des conditions particulières qui régissent les relations patronales-syndicales dans les organismes distincts. Les agents négociateurs ont formulé des critiques au Conseil du Trésor parce qu'il n'accorde pas aux organismes un mandat de négociation suffisamment étendu pour permettre que la négociation collective réponde aux besoins particuliers de ces organismes. Une autre préoccupation exprimée est qu'en vertu de la LRTFP64, les employés des organismes distincts disposent d'un nombre plus limité de motifs pour porter un grief en arbitrage que les employés des ministères. Les organismes eux-mêmes se sont dits préoccupés du degré de contrôle exercé par le Conseil du Trésor et de l'absence de souplesse accordée aux employeurs distincts en vue de leur permettre de définir leur propre mandat de négociation.
L'équité salariale a constitué un problème particulier pour les organismes distincts, qui ne sont pas visés par les ententes conclues entre l'employeur et l'AFPC ou l'IPFPC. Un organisme a déploré que, depuis que l'accord sur l'équité salariale a relevé les salaires des commis et des secrétaires au gouvernement fédéral, il lui est difficile de recruter et de conserver des travailleurs de ces groupes dans la région d'Ottawa.
Dans les mémoires présentés au Comité, les deux côtés ont évoqué le manque de confiance entre les parties. Celui-ci semble découler en bonne partie de la nature restrictive du régime législatif actuel et des interventions fréquentes du gouvernement fédéral dans ce régime. Le manque de confiance a fait en sorte que les parties ont eu plus de difficulté à résoudre les problèmes qui ont surgi, tant en milieu de travail qu'à la table de négociation. Cela a aussi contribué à politiser le régime.
Une raison qui pourrait expliquer ce manque de confiance est la formation insuffisante des cadres supérieurs et des gestionnaires dans le domaine de relations de travail et le manque généralisé de compréhension de la différence entre une approche axée sur les relations patronales-syndicales et une approche axée sur la gestion des ressources humaines au règlement des problèmes qui se posent en milieu de travail. Nos observations semblent indiquer que l'incapacité de saisir la distinction qui existe entre ces deux approches a parfois incité le gouvernement à marginaliser les syndicats ou à les contourner, pour traiter directement avec les employés sur une base individuelle, même sur des questions couvertes par les conventions collectives.
Le présent rapport a mis en relief certaines des manifestations les plus évidentes du déséquilibre des pouvoirs entre le gouvernement et les syndicats représentant ses employés. Nous invitons les lecteurs à nous communiquer leurs réactions en vue de la production de notre second rapport, où nous proposerons des solutions aux problèmes décrits ici et aux questions qui sont ressorties de nos délibérations. À défaut de résoudre ces problèmes, nous sommes d'avis que le régime de relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale, tel qu'il est constitué à l'heure actuelle, ne pourra continuer à fonctionner au vingt-et-unième siècle.
AFPC (Alliance de la fonction publique du Canada), communiqué du 18 janvier 2000 décrivant l'entente survenue entre le groupe de l'enseignement et de la bibliothéconomie de l'AFPC et le Conseil du Trésor.
ARMSTRONG, Robert, « Some Aspects of Policy Determination in the Development of the Collective Bargaining Legislation of the Government of Canada », Administration publique du Canada, vol. 2., 1968.
AUBRY, Jack, « Windfall ‘A Long Time Coming' for Underpaid Workers », Ottawa Citizen, 30 juillet 1998, p. A-1.
BARNES, L. W. C. S, entrevue personnelle, Ottawa, 19 janvier 2000.
BARNES, L. W. C. S, Consult and Advise: A History of the National Joint Council of the Public Service of Canada, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1975.
BEAUMONT, P. B., « Canadian Public Sector Industrial Relations in a Wider Setting », dans Public Sector Collective Bargaining in Canada, sous la direction de Gene Swimmer et Mark Thompson, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
BETTER TIMES (bulletin de l'organisme 32 Hours, de Toronto), divers numéros, 1997-1999.
BLANCHARD, Francis, « Les relations professionnelles et les défis des années 80 », Relations Industrielles, vol. 32, no 1, 1982.
CADIEUX, Jean-Claude et Jean Bernier, Régime de relations de travail dans le secteur public de certains pays industrialisés (rapport Cadieux-Bernier), Conseil du Trésor, Québec, 1983.
CRTFP (Commission des relations de travail dans la fonction publique), Budget des dépenses 2000-2001 – Partie III : Rapport sur les plans et les priorités, Commission des relations de travail dans la fonction publique, Ottawa.
DOWNIE, Bryan, « Union-Management Co-operation in the 1980s and Beyond », dans Union-Management Relations in Canada, sous la direction de M. Gunderson et coll., Addison-Wesley, Don Mills (Ont.), 2e édition, 1989.
DUXBURY, Linda, Lorraine Dyke et Natalie Lam, Bâtir un effectif de classe mondiale – Le perfectionnement professionnel dans la fonction publique fédérale, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Ottawa, 1999.
ELLIOTT, David et Joanne Goss, Grievance Mediation: How and Why it Works, Canada Law ook Co., Aurora (Ont.), 1994.
FERLAND, Gilles, « La politique de rémunération dans les secteurs public et parapublic au Québec », Relations Industrielles, vol. 36, 1981.
FPP (Forum des politiques publiques), Relations patronales-syndicales au sein de la fonction publique fédérale, Forum des politiques publiques, Ottawa, 1999.
FRYER, John, « Provincial Public Service Labour Relations », dans Public Service Collective Bargaining in Canada, sous la direction de G. Swimmer et M. Thompson, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
GÉRIN-LAJOIE, Jean, « Quelques contrastes entre les secteurs privé et public au Québec », Le système de relations industrielles : développements et tendances, Actes du XXIXe congrès de l'Association canadienne des relations industrielles, Charlottetown (Î.-P.-É.), 1993.
GILES, Anthony, « Globalization and Industrial Relations », La mondialisation de l'économie et le travailleur : Sélection de textes du XXXIIe Congrès de l'Association canadienne des relations industrielles, Montréal, 1996.
GOLDENBERG, Shirley et Jacob Finkelman, « Collective Bargaining in the Public Service of the Provinces and Territories of Canada », Montréal, 1990 (document non publié).
GOUVERNEMENT DU CANADA, Discours du Trône, 12 octobre 1999, texte provenant du site Web du gouvernement http://publiservice.pco-bcp.gc.ca/ sft-ddt/doc/fulltext-fra.htm.
GUÉRIN, Gilles, T. Wils et L. Lemire, « L'efficacité des pratiques de gestion des ressources humaines : le cas de la gestion des professionnels syndiqués au Québec », Relations Industrielles, vol. 52, no 1, 1997.
GUÉRIN, Gilles, T. Wils et L. Lemire, « Le malaise professionnel : nature et mesure du concept », Relations Industrielles, vol. 51, no 1, 1996.
GUNDERSON, Morley et Frank Reid, « Public Sector Strikes in Canada », dans Public Sector Collective Bargaining in Canada, sous la direction de G. Swimmer et M. Thompson, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
GUNDERSON, Morley et Douglas Hyatt, « Union Impact on Compensation, Productivity and Management of the Organization », dansUnion-Management Relations in Canada, sous la direction de M. Gunderson et A. Ponak, Addison-Wesley, Don Mills (Ont.), 3e édition, 1995.
HÉBERT, Gérard, « Public Sector Bargaining in Quebec: The Rise and Fall of Centralization », dans Public Sector Collective Bargaining in Canada, sous la direction de G. Swimmer et M. Thompson, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
HERON, Craig, The Canadian Labour Movement: A Short History, Lorimer, Toronto, 1989.
HIGGINS, R. D. (président), Making Bargaining Work in British Columbia's Public Service: Report and Recommendations of the Commission of Inquiry into Employer-Employee Relations in the Public Service of British Columbia, Gouvernement de la Colombie-Britannique, Victoria, 1972.
JOURNAL DES DÉBATS, discours du premier ministre Lester B. Pearson présentant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, 25 avril 1966.
LEE, Ian et Clem Hobbs, « Pink Slips and Running Shoes: The Liberal Government's Downsizing of the Public Service », dans How Ottawa Spends, 1996-97: Life Under the Knife, sous la direction de G. Swimmer, Carleton University Press, Ottawa, 1996.
LEMELIN, Maurice, « Quality of Work Life and Collective Bargaining: Can They Co-Exist? », dans Collective Bargaining in Canada, sous la direction de A. Sethi, Nelson, Scarborough (Ont.), 1989.
LEMELIN, Maurice, Les négociations collectives dans les secteurs public et parapublic, Les éditions d'ARC inc., Ottawa, 1984.
LEMIEUX, Madeleine, « La médiation et le règlement des conflits dans les services essentiels au Québec », Relations Industrielles, vol. 51, no 2, 1996.
LOWE, Graham, « L'avenir du travail : implication pour les syndicats », Relations Industrielles, vol. 53, no 2, 1998.
LOWE, Graham, « Repenser le travail atypique », Gazette du travail, vol. 2, no 3, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, automne 1999, p. 129-134.
LOWE, Graham, Grant Schellenberg et Katie Davidman, « Re-thinking Employment Relationships », collection Changing Employment Relationships Series, document de discussion no W/05, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Ottawa, 1999.
MAY, Kathryn, « Two Hundred Thousand Share in Landmark Award », Ottawa Citizen, 30 juilllet 1998, p. A-1.
MILLS, D. Quinn, Labor-Management Relations, McGraw-Hill, New York, 4e édition, 1989.
MOREAU, Marie-Ange et Gilles Trudeau, « Le droit du travail face à la mondialisation de l'économie », Relations Industrielles, vol. 53, no 1, 1998.
OSTERMAN, Paul, Employment Futures: Reorganization, Dislocation, and Public Policy, Oxford University Press, New York, 1988.
PAQUET, Gilles et Robert Shepherd, « The Program Review Process: A Deconstruction », dans How Ottawa Spends, 1996-97: Life Under the Knife, sous la direction de G. Swimmer, Carleton University Press, Ottawa, 1996.
PAYETTE, Suzanne, « Le travail à durée déterminée : les tendances, les enjeux et les défis pour les syndicats », Gazette du travail, vol. 2, no 3, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Ottawa, automne 1999, p. 124-128.
PLUMPTRE, Timothy, Beyond the Bottom Line: Management in Government, Institut de recherche en politiques publiques, Halifax, 1988.
PEIRCE, Jon, Canadian Industrial Relations, Prentice-Hall Canada, Scarborough (Ont.), 2000.
PEIRCE, Jon, « The Case for a Shorter Work Week », Occasional Paper No. 4, Carleton University Centre for the Study of Training, Investment, and Economic Restructuring, Ottawa, 2000(a).
PEIRCE, Jon, « Exclusions from Collective Bargaining Rights », Université Queen's, thèse de maîtrise en relations industrielles, 1989 (non publiée).
PETERS, Joseph, « An Era of Change: Government Employment Trends in the 1980s and 1990s », document de discussion W/03, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Ottawa, 1999.
PETERS, Joseph et Katie Davidman, Aeronautical and Technical Services —Natural Resources Canada, collection Human Resources in Government, document de discussion W/08, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Ottawa, 1999.
PONAK, Allen et Mark Thompson, « Public Sector Collective Bargaining », dans Union-Management Relations in Canada, sous la direction de J. Anderson, M. Gunderson et A. Ponak, Addison-Wesley, Don Mills (Ont.), 2e édition, 1989. Le chapitre sur le secteur public de la première édition (1982) du même ouvrage, sous la direction de J. Anderson et M. Gunderson, a aussi été utilisé.
PSRRMO (Points saillants de la recherche, Réseau de la main-d'œuvre), no 1, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Ottawa, 1999.
REID, Frank, « Wage-and-Price Controls in Canada », dans Union-Management Relations in Canada, sous la direction de J. Anderson et M. Gunderson, Addison-Wesley, Don Mills (Ont.), 1982.
ROGOW, Robert, « The Structure of Collective Bargaining in Canada », dans Collective Bargaining in Canada, sous la direction de A. Sethi, Nelson, Scarborough (Ont.), 1989.
ROSE, Joseph, « The Evolution of Public Sector Unionism », dans Public Sector Collective Bargaining in Canada, sous la direction de G. Swimmer et M. Thompson, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Statistique de l'emploi dans la fonction publique, SCT, Ottawa, 1999.
SEF, « Sondage de 1999 auprès des employés fédéraux : passer des résultats à l'action », Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Ottawa, 1999.
STRONG, Lawrence (président), Premier rapport du Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 1998.
SULZNER, George, « The National Joint Council of the Public Service of Canada: A Vehicle for Bargaining and Dispute Resolution », Journal of Collective Negotiations, vol. 27, no 4, 1998.
SWIMMER, Gene, « Introduction », dans How Ottawa Spends, 1996-97: Under the Knife, sous la direction de G. Swimmer, Carleton University Press, Ottawa, 1996.
SWIMMER, Gene, « Collective Bargaining in the Federal Public Service of Canada: The Past Twenty Years », dans Public Sector Collective Bargaining in Canada, sous la direction de G. Swimmer et M. Thompson, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
SWIMMER, Gene et Sandra Bach, « Restructuring Federal Public Sector Human Resources », dans Public Service Labour Relations in an Era of Restraint and Restructuring, sous la direction de G. Swimmer, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques et Oxford University Press, Ottawa et London, 2000 (à paraître).
SWIMMER, Gene et Mark Thompson (éd.), Public Sector Collective Bargaining in Canada, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
SWIMMER, Gene et K. Kinaschuk, « Staff Relations under the Conservative Government: The Singers Change but the Song Remains the Same », dans How Ottawa Spends, 1992-93, sous la direction de F. Abele, Carleton University Press, Ottawa, 1991.
TEMPLER, Andrew, Tupper Cawsey et Thomas Stone, « Les travailleurs atypiques : un défi pour la gestion des ressources humaines », Gazette du travail, vol. 2, no 3, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Ottawa, automne 1999.
THOMPSON, Mark, « The Industrial Relations Effects of Privatization », dans Public Service Collective Bargaining in Canada, sous la direction de G. Swimmer et M. Thompson, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
THOMPSON, Mark et John Fryer, « Changing Roles for Employers and Unions in the Public Service », Vancouver et Victoria, 1999 (document non publié).
THOMPSON, Mark et Allen Ponak, « Restraint, Privatization, and Industrial Relations in the Public Sector in the 1980s », dans Industrial Relations in Canadian Industry, sous la direction de R. Chaykowski et A. Verma, Dryden, Toronto, 1992.
VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL, Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Ottawa, 1997, 1998 et 2000.
VERMA, Anil, « Employee Involvement in the Workplace », dansUnion-Management Relations in Canada, sous la direction de M. Gunderson et A. Ponak, Addison-Wesley, Don Mills (Ont.), 3e édition, 1995.
WARRIAN, Peter, Hard Bargain: Transforming Public Sector Labour-Management Relations, McGilligan Books, Toronto, 1996.
WEINER, Nan, « Workplace Equity », dans Public Sector Collective Bargaining in Canada, sous la direction de G. Swimmer et M. Thompson, Queen's IRC Press, Kingston (Ont.), 1995.
ZUSSMAN, David et Jak Jabes, The Vertical Solitude: Managing in the Public Sector, Institut de recherche en politiques publiques, Halifax, 1989.
Cet appendice vise à présenter un aperçu plus détaillé des constatations résumées dans le chapitre V. Nous y examinons les résultats des questionnaires administrés aux ministères, aux organismes et aux agents négociateurs. Nous nous penchons aussi sur les résultats des douze entrevues menées auprès de personnes ayant une longue expérience de la négociation collective dans la fonction publique fédérale.
Sur les 30 dirigeants de ministères à qui des questionnaires ont été envoyés, 23 ont répondu, ce qui représente un taux de réponse de 77 p. 100 (voir le diagramme 1). Dans l'ensemble, il semblerait que l'expérience des ministères en matière de négociation collective a été assez positive — certes, beaucoup plus que celle des agents négociateurs. Mais il importe de préciser que leur expérience a été plus négative au cours de la dernière décennie et qu'un certain nombre de problèmes continuent de se poser.
Invités à donner une évaluation générale de la façon dont a fonctionné la négociation collective dans la fonction publique, dix responsables de ministères ont donné une réponse généralement positive et quatre une réponse généralement négative, tandis que sept ont émis une opinion partagée ou ont dit ne pas pouvoir se prononcer avec certitude et que deux ont affirmé qu'il n'y avait eu aucune négociation collective à proprement parler dans leur ministère. Mais onze responsables ministériels, dont six qui avaient donné une opinion généralement positive, ont affirmé que la situation s'était détériorée ces dernières années en raison de la suspension de la négociation, des gels de rémunération imposés par le gouvernement, des importantes grèves sur-venues et de l'adoption de lois de retour au travail. « L'action unilatérale du gouvernement a miné la confiance à l'égard du régime », a affirmé un sous-ministre, dont l'opinion semblait traduire celle de plusieurs de ses collègues sur ce point.
Invités à recourir à un seul mot ou expression pour décrire les relations de travail dans la fonction publique durant la période où ils ont été associés à leur ministère, la plupart des dirigeants ministériels ont à nouveau exprimé une opinion relativement positive. Treize ont choisi une expression positive, contre quatre seulement qui ont employé une expression négative (voir le diagramme 2). La réponse de deux dirigeants ministériels était partagée, tandis que deux autres n'ont pu résumer en un seul mot leur expérience de la négociation collective. Deux dirigeants ministériels n'ont pas répondu à la question. Ceux qui avaient une opinion positive de l'expérience de la négociation l'ont décrite comme ayant été « généralement bonne », « excellente », « professionnelle », « ouverte et franche », ou encore comme une « approche axée sur le partenariat ». Ceux dont l'expérience avait été plus négative ont décrit leur expérience de la négociation comme ayant été « un défi », « frustrante », « tendue ou réactive ».
Invités à dire ce qui avait donné les meilleurs résultats dans le régime de négociation collective, trois répondants ont souligné les dispositions relatives au règlement des différends de la LRTFP, tandis que deux ont fait des commentaires positifs au sujet du processus de réaménagement des effectifs entrepris dans le cadre de l'Examen des programmes. Le travail du Bureau de recherche sur les traitements et la collaboration continue entre les parties au sein du Conseil national mixte (CNM) ont aussi suscité des commentaires élogieux.
Dans l'ensemble, les dirigeants des ministères en avaient plus à dire sur les aspects négatifs que sur les aspects positifs du régime de négociation collective. La suspension de la négociation, l'équité salariale, les gels de salaire et les restrictions financières et le recours répété du gouvernement aux lois de retour au travail sont des problèmes évoqués par trois dirigeants ministériels ou plus. Trois dirigeants de ministères se sont aussi plaints du nombre de questions amenées à la table de négociation, l'un d'eux suggérant qu'il devrait être limité à dix par la loi. Trois ont également déploré le trop grand nombre d'agents négociateurs et l'incapacité du Conseil du Trésor d'accorder aux négociateurs gouvernementaux un mandat suffisamment large pour leur permettre de faire leur travail efficacement.
Les autres problèmes mentionnés portaient notamment sur la durée du processus de négociation et la suspension des droits à l'arbitrage. Un sous-ministre a déploré que l'on n'accorde pas suffisamment d'attention aux besoins particuliers des ministères. Une critique connexe avait trait à la difficulté de convaincre les gestionnaires qu'ils avaient leur mot à dire dans le processus de négociation parce qu'ils estiment que tout est joué d'avance.
Parmi les dirigeants ministériels qui ont répondu directement à la question portant sur les problèmes qui persistent, quatorze ont affirmé que les problèmes qu'ils avaient décrits se posaient toujours, tandis que quatre ont indiqué que certains de ces problèmes n'étaient toujours pas réglés (voir le diagramme 3).
Invités à faire d'autres commentaires, certains répondants ont préconisé l'adoption de formules alternatives de règlement des conflits et de négociation des différends. De nombreux répondants semblaient préoccupés par la rigidité du régime de négociation actuel. Un sous-ministre a déploré que les employés éprouvant des problèmes avaient accès à un trop grand nombre de recours, tandis qu'un autre a insisté sur le fait que les questions touchant à la dotation, à la classification et aux pensions de retraite devraient demeurer non négociables.
Au total, 13 organismes distincts sur 25 ont répondu au questionnaire, soit un taux de réponse de 52 p. 100 (voir le diagramme 4). Deux organismes ont répondu qu'ils ne parti-cipaient pas à la négociation collective et, pour cette raison, ne pouvaient fournir de réponses valables.
De façon générale, les réponses des organismes ressemblaient à celles des ministères, dans la mesure où la majorité ont décrit globalement leur expérience de la négociation comme étant positive plutôt que négative. Cependant, il faut noter que l'absence d'un mandat de négociation adéquat et les conflits avec le Conseil du Trésor sont des problèmes qui semblent se poser avec plus d'acuité dans les organismes distincts que dans les ministères.
Des onze organismes qui pouvaient faire état d'une expérience significative en matière de négociation, six ont exprimé une opinion généralement positive et deux une opinion généralement négative, tandis que le point de vue exprimé par les deux autres était partagé. Il n'a pas été possible de préciser, à partir de la réponse fournie par le onzième organisme, l'opinion qu'il avait de son expérience de la négociation. Trois des répondants qui avaient une opinion généralement positive ont noté une détérioration récente, attribuée spécifiquement par l'un des organismes à la démarche suivie par le Conseil du Trésor dans le cas des employeurs distincts.
Dix organismes participant à la négociation collective ont employé un mot ou une expression pour résumer leur expérience à ce chapitre. Les quatre répondants qui avaient exprimé une opinion positive ont utilisé des mots tels que « réaliste et raisonnable », « marquée par une grande collaboration » et « stimulante mais raisonnablement positive ». Les cinq organismes qui avaient émis une opinion négative ont décrit le processus comme étant « négatif », « restrictif », « difficile » et « frustrant » (voir le diagramme 5 ). La réponse du dixième organisme peut être qualifiée de partagée.
Invités à dire ce qu'ils avaient le plus apprécié au sujet de la négociation collective dans la fonction publique, un responsable d'organisme a affirmé « tout », un autre a fait l'éloge des rapports positifs et constructifs avec le syndicat et un troisième a mentionné « l'échange de vues ouvert et honnête à la table ». La médiation, la consultation et le rôle du CNM et de la CRTFP ont aussi fait l'objet de commentaires favorables, comme « le travail de recherche et les efforts du Conseil du Trésor ».
À l'instar des ministères, les organismes ont exprimé, dans l'ensemble, plus de commentaires négatifs que de commentaires positifs. Le problème le plus sérieux, évoqué par six des onze organismes ayant répondu à la question, a trait aux rapports entre les organismes et le Conseil du Trésor. Sur ce point, un organisme a résumé la situation en disant que la question de la négociation collective dans les organismes « soulevait la question de la juridiction. Les employeurs distincts sont-ils vraiment autonomes dans le processus de négociation collective ou le contrôle exercé par le Conseil du Trésor est-il si grand que ces organismes font en réalité partie de la juridiction du Conseil du Trésor? »
Cinq autres organismes se sont plaints, à des degrés divers et de façons différentes, de la marge de manœuvre insuffisante des organismes distincts dans les négociations. Celui qui a exprimé les commentaires les plus critiques a décrit sa relation avec le Conseil du Trésor comme étant marquée par la confrontation — souvent davantage que dans ses rapports avec le syndicat.
Quatre organismes ont critiqué l'intervention du gouvernement dans le régime de négociation par des mesures telles que la suspension des négociations et de l'arbitrage, les gels des salaires et l'adoption de lois de retour au travail. Sur d'autres points, trois organismes se sont plaints de divers aspects de l'équité salariale et de ce qu'ils voient comme un régime de classification et d'unités de négociation excessivement complexe. Parmi les autres questions qui ont donné lieu à des commentaires négatifs, il y avait la durée du processus de négociation, la mise en place de nouveaux modes de prestation des services, les effets de la réorganisation gouvernementale et de l'examen des programmes, la complexité excessive de la LRTFP, et la communication déficiente de l'information, des syndicats aux employés, durant les négociations.
Invités à dire si les problèmes décrits dans la question précédente se posaient toujours, huit dirigeants d'organismes ont répondu par l'affirmative, un a indiqué que les problèmes avaient été résolus pour l'essentiel, tandis qu'un autre n'était pas sûr de la réponse à donner (voir le diagramme 6). Le onzième organisme n'a pas répondu à cette question. Encore une fois, les commentaires additionnels fournis ont mis en relief la relation difficile entre les organismes et le Conseil du Trésor, un dirigeant d'organisme affirmant que « les employeurs distincts devaient affronter deux fois plus d'obstacles au moment de la négociation collective », puisqu'ils doivent négocier simultanément avec le Conseil du Trésor et l'agent négociateur. Un autre a signalé que le règlement récent en matière d'équité salariale ne s'appliquait pas aux employeurs distincts, avec pour résultat que les employés de l'organisme qui accomplissent le même travail que les employés des ministères font l'objet d'un « traitement incohérent et injuste ». Par ailleurs, un autre a suggéré la création d'un conseil des employeurs afin d'élucider la question de la façon dont les objectifs stratégiques de la négociation collective devraient être définis dans l'avenir pour l'ensemble des organismes de la fonction publique.
Douze agents négociateurs sur dix-sept (71 p. 100) ont répondu au questionnaire (voir le diagramme 7). De façon générale, les réponses des agents négociateurs étaient beaucoup plus négatives que celles des ministères ou des organismes distincts. Peu de répondants ont indiqué que le processus de négociation avait bien fonctionné et aucun n'a employé une expression positive pour décrire son expérience. Une critique formulée par la plupart des agents négociateurs est que l'intervention unilatérale du gouvernement dans le régime de négociation collective a engendré un certain cynisme, de la frustration, ainsi qu'une détérioration du moral et de la confiance.
Aucun des dix agents négociateurs qui ont répondu à la question n'était disposé à décrire globalement l'expérience de la négociation collective comme ayant été positive65.
Le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral d'Esquimalt a employé l'expression « quémandage collectif », tandis que l'Association du groupe de la navigation aérienne a parlé de « lutte incessante » pour être « reconnus à notre juste valeur ». L'Association des employé(e)s en sciences sociales (AESS) a affirmé que le système avait mal fonctionné, tandis que le Local 2228 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité a indiqué que le régime n'avait pas du tout fonctionné au cours des dix dernières années. Pour sa part, l'IPFPC a évoqué la façon dont les avantages de la négociation collective s'étaient matérialisés — dans les rares cas où l'on a permis l'exercice du droit à la négociation.
Invités à décrire leur expérience des relations patronales-syndicales dans la fonction publique par un seul mot ou une seule expression, neuf agents négociateurs ont donné une réponse carrément négative, tandis que l'autre réponse était partagée (voir le diagramme 8). La réponse la plus positive a été fournie par la Guilde de la marine marchande du Canada, qui estime que les relations patronales-syndicales ont été bonnes pour ce qui est de la consultation et de la procédure de grief, mais tout à fait inadéquates dans le cas de la négociation collective. D'autres agents négociateurs ont été beaucoup plus négatifs, quatre se disant « frustrés » et un autre affirmant « se sentir victimisé et faire l'objet de discrimination » de la part du Conseil du Trésor. L'Association des chefs d'équipes des chantiers maritimes du gouvernement fédéral a avoué que si beaucoup de mots et d'expressions lui venaient à l'esprit, aucun ne saurait être imprimé.
Invités à dire ce qui avait le mieux fonctionné dans le régime de négociation collective de la fonction publique, quatre agents négociateurs ont évité la question ou n'avaient rien de positif à dire. L'AFPC a indiqué qu'elle avait été en mesure de négocier une entente-cadre au bénéfice de tous lorsqu'on lui avait laissé l'opportunité de le faire, mais n'a pas mentionné d'aspect positif particulier en rapport avec le processus. De même, l'IPFPC a affirmé qu'aucun aspect du processus ne ressortait comme ayant donné les meilleurs résultats, tout en précisant que la négociation des questions complexes touchant les bénéfices familiaux et le développement de carrière avaient été des réalisations positives de la négociation collective.
L'arbitrage est l'aspect du régime de négociation collective qui a recueilli le plus d'éloges, ayant été cité par quatre des onze répondants66. Le travail du CNM a été cité par deux répondants, l'APASE soulignant son approche « tournée vers la ‘solution des problèmes' et moins centrée sur la confrontation que la négociation collective ».
De façon générale, les agents négociateurs avaient beaucoup plus de choses à dire au sujet des problèmes qu'ils avaient éprouvés dans le cadre de la négociation collective qu'au sujet de ses avantages. Le gouvernement s'est attiré de sévères critiques pour sa tendance à prendre unilatéralement des initiatives législatives, en suspendant le droit à la négociation et le droit à l'arbitrage, en gelant la rémunération et en adoptant des lois de retour au travail. L'AFPC semblait parler au nom de la plupart des syndicats en affirmant : « La négociation collective se déroule toujours dans un climat où la menace de voir ses droits supprimés entre constamment en considération ». Le processus de désignation, la suppression du Bureau de recherche sur les traitements et l'incapacité de négocier des questions telles que la classification, la dotation et les pensions de retraite ont aussi donné lieu à de vives critiques de la part des agents négociateurs.
D'autres syndicats ont déploré l'« absence de dialogue significatif à la table » et le manque de communication avec les principaux décideurs du Conseil du Trésor. L'Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio a été renversée par le « vol » du surplus des caisses de retraite de la fonction publique commis par le gouvernement, la rémunération inéquitable de certains groupes et le manque manifeste de considération à l'endroit des groupes dont tous les membres sont désignés.
Invités à dire si les problèmes décrits se posaient toujours, les onze agents négociateurs ont répondu par l'affirmative, bien que deux aient ajouté qu'ils avaient récemment observé quelques signes encourageants de la part du Conseil du Trésor. L'IPFPC a fait valoir que les problèmes pourraient aller en s'aggravant alors que le gouvernement crée de plus en plus d'employeurs distincts, qu'il s'apprête à mettre en place la NGC et que l'arbitrage est suspendu jusqu'en 2001. L'IPFPC en conclut que « ces problèmes sont pour l'essentiel systémiques et qu'ils persisteront jusqu'à ce que des modifications aient été apportées aux lois ».
Parmi les commentaires additionnels présentés, la Guilde de la marine marchande du Canada a suggéré que la législation actuelle sur la fonction publique soit abrogée et remplacée par un texte de loi ressemblant au Code canadien du travail. Deux syndicats, dont la Guilde de la marine marchande du Canada, ont suggéré que l'on donne un plus grand rôle au Conseil national mixte en matière de négociation collective dans la fonction publique. L'IPFPC a fait état des problèmes supplémentaires que doivent affronter les employeurs distincts, tandis que l'Association des chefs d'équipes des chantiers navals a affirmé que si le gouvernement fédéral voulait être considéré comme un employeur privilégié, il devrait commencer à agir en conséquence, et cesser de recourir à des lois lorsqu'il se trouve en situation difficile.
Le Comité a également interviewé douze personnes ayant acquis une bonne expérience de la négociation collective dans la fonction publique (voir l'appendice 6). Parmi ces personnes, il y en avait cinq dont le poste actuel ou le poste le plus récent était celui de représentant de la direction, deux dont le poste le plus récent était celui de représentant syndical67 et cinq dont l'expérience actuelle ou la plus récente était à titre de partie neutre.
Les répondants qui avaient « participé à la création » du régime de négociation dans la fonction publique estimaient généralement qu'il avait donné de bons résultats au cours des dix ou douze premières années, pour se détériorer à compter de la fin des années 70 par suite des contrôles salariaux et des autres interventions du gouvernement dans le régime. Les répondants qui étaient toujours impliqués dans le régime ou dont l'expérience a été acquise principalement dans les années 90 étaient d'avis que le système avait mal fonctionné ou n'avait pas fonctionné du tout, l'un des répondants affirmant que, selon son expérience, peut-être 5 p. 100 des questions qui se posaient avaient été réglées grâce à la négociation collective.
Lorsqu'on a demandé aux répondants de résumer leur expérience des négociations dans la fonction publique par un seul mot ou expression, les réponses reçues étaient partagées. Un ancien gestionnaire gouvernemental a qualifié le processus de « professionnel » et un ancien représentant syndical l'a décrit comme ayant été « constructif, jusqu'à ce que la désillusion s'installe ». Les répondants qui ont donné une réponse plus négative ont parlé d'un processus « difficile », « tendu », « conflictuel » ou marqué par le manque de confiance.
Invités à dire ce qui avait le mieux fonctionné dans la négociation au sein de la fonction publique, quatre répondants ont cité l'expérience de la négociation elle-même et le respect mutuel démontré par les deux côtés, du moins la plupart du temps. Un nombre identique de répondants ont mentionné le travail du Conseil national mixte sur les questions concernant l'ensemble de la fonction publique. Selon un autre répondant, le processus avait le mieux fonctionné sur les aspects autres que les salaires et les indemnités, en particulier « tout ce qui s'est déroulé hors des instances de la négociation collective ouverte et visible, c'est-à-dire à l'abri de l'attention publique ».
À l'instar des répondants au questionnaire, les personnes interviewées avaient plus de choses négatives que de choses positives à dire au sujet de la négociation dans la fonction publique. Les interventions unilatérales du gouvernement, par exemple la suspension de la négociation, les gels de salaire et l'adoption de lois de retour au travail, étaient perçus comme un problème sérieux pour sept des douze personnes interviewées. Trois ont mentionné la portée étroite des questions arbitrables, le démantèlement du Bureau de recherche sur les traitements et la structure du côté syndical (en particulier l'AFPC). En outre, on s'est dit assez préoccupé du processus décisionnel de l'AFPC.
Parmi les autres préoccupations abordées, il y avait le processus de désignation, la portée étroite des questions négociables, le déséquilibre général des pouvoirs entre les parties, la structure du Conseil du Trésor en tant qu'employeur et l'absence d'interaction utile entre les syndicats et la direction dans les lieux de travail. Un représentant de la direction a fait valoir que les aspects relevant de l'autorité des gestionnaires sont souvent mal définis. Selon lui, il est parfois difficile de dire si un problème comme celui du harcèlement devrait être réglé par le ministère, par le gouvernement, par la Commission des relations de travail dans la fonction publique ou par un organisme externe tel que la Commission canadienne des droits de la personne.
Invités à dire si les problèmes décrits se posaient toujours, onze des douze personnes interrogées ont répondu par l'affirmative, la douzième indiquant que certains problèmes avaient été réglés. Un représentant de la direction a affirmé que les problèmes semblaient s'aggraver, tandis qu'un autre a dit « que l'on ne vous aurait pas demandé de faire cette étude si les problèmes ne se posaient plus ».
Les commentaires additionnels ont fait ressortir une gamme étendue de préoccupations et certaines suggestions intéressantes sur la façon de les résoudre. Un représentant de la direction a affirmé qu'il n'était pas assuré de l'avenir de la négociation des salaires dans la fonction publique, tandis qu'une personne occupant actuellement une fonction neutre a indiqué qu'en raison de l'abus répété du processus de désignation de la part du gouvernement, le droit de grève semblait n'avoir que peu de valeur.
Deux des personnes occupant des fonctions neutres ont exprimé des critiques à l'endroit du Conseil du Trésor pour les fortes réductions d'effectifs au sein de son service de négociation et pour la formation inadéquate du personnel encore en poste après la rationalisation. L'une de ces personnes s'est dite préoccupée du fait que les négociateurs sur le terrain n'ont aucun pouvoir statutaire, tandis que deux anciens représentants syndicaux ont déploré la disparition de l'ancien régime de négociation basé sur la confiance, des rapports personnels étroits et le respect mutuel entre les négociateurs des syndicats et de la direction. Enfin, un représentant de la direction a fait la mise en garde sui-vante : « Tant que nous ne cesserons pas de nous en prendre à nos gens, nous allons continuer d'éprouver des difficultés ».
Ministères Affaires étrangères et Commerce international Affaires indiennes et du Nord Agence canadienne de développement international Agence de promotion économique du Canada Atlantique Agriculture et Agroalimentaire Canada Anciens combattants Canada Bureau du Conseil privé Centre canadien de gestion Citoyenneté et Immigration Canada Commission de la fonction publique Conseil du trésor du Canada, Secrétariat Défense nationale Développement des ressources humaines Canada Développement économique Canada Diversification de l'économie de l'ouest Canada Environnement Canada Industrie Canada Ministère de la Justice Ministère des finances Canada Patrimoine canadien Pêches et océans Canada Ressources naturelles Canada Santé Canada Solliciteur général Canada Statistique Canada Transports Canada Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Organismes Administration du pipe-line du Nord Agence canadienne d'inspection des aliments Agence des douanes et du revenu du Canada Agence des Parcs Canada Bureau de l'enquêteur correctionnel Canada Bureau du surintendant des institutions financières du Canada Bureau du vérificateur général du Canada Centre de la sécurité des télécommunications Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité Commission canadienne des affaires polaires Commission de contrôle de l'énergie atomique Commission de la Capitale nationale Commission des relations de travail dans la fonction publique Conseil de recherches en sciences humaines du Canada Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada Conseil de recherches médicales du Canada Conseil national de recherches du Canada Office national de l'énergie Office national du film du Canada Pétrole et gaz des indiens Canada Placement Épargne Canada Service canadien du renseignement de sécurité Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie |
Alliance de la fonction publique du Canada Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio Association canadienne du contrôle du trafic aérien Association des Chefs d'équipes des chantiers maritimes du gouvernement fédéral Association des employés du Conseil de recherches Association des gestionnaires financiers de la fonction publique Association du groupe de la navigation aérienne Association professionnelle des agents du service extérieur Collèges militaires canadiens Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est) Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (ouest) Conseil des unions des arts graphiques de la fonction publique Guilde de la marine marchande du Canada Institut professionnel de la fonction publique du Canada L'Association des employé(e)s en sciences sociales Section locale 2228, Fraternité internationale des ouvriers en électricité Syndicat canadien des employés professionnels et techniques |
Sous-ministres adjoints et Directeurs généraux, Ressources humaines Cardinal, Michel, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada Gosselin, Denis, Secrétaire, Conseil des RH Pelletier, Jacques, Service correctionnel du Canada Plante, Monique, Développement des ressources humaines Canada Roberts, Richard, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications anadiennes Siegel, Shirley, Agence canadienne d'inspection des aliments |
Chefs, Relations de travail Désilets, Robert, Service correctionnel du Canada Fennessy, Barry, Développement des ressources humaines Canada Lahay, Audrey, Agriculture et Agroalimentaire Canada Leduc, Janet, Pêches et océans Canada Rumstein, Ilan, Santé Canada Sullivan, Rick, Défense nationale |
Représentants de l'Association professionnelle des cadres de la fonction publique du Canada Bradet, Lucien, Industrie Canada Emond, Bob, Défense nationale Frith, Rosaline, Citoyenneté et Immigration Canada Graham, Andrew, Agriculture et Agroalimentaire Canada (Président de l'APEX) Maidens, Warren, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada |
Représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor Berlin, Frank Duggan, Dennis Gagnon, Marc Gillespie, Gray Graham, Don Harder, V. Peter Langevin, Daniel Laurendeau, Hélène Nannini, Richard Wilder Patterson, Kathryn |
Alliance de la fonction publique du Canada Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio Association canadienne du contrôle du trafic aérien Association des gestionnaires financiers de la fonction publique Association professionnelle des agents du service extérieur Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (ouest) Institut professionnel de la fonction publique du Canada L'Association des employé(e)s en sciences sociales Section locale 2228, Fraternité internationale des ouvriers en électricité Syndicat canadien des employés professionnels et techniques |
Des entrevues ont eu lieu avec les personnes suivantes entre le 2 janvier 2000 et le 31 mars 2000
Barnes, L.W.C.S. |
Président antérieur |
Institut professionnel de la fonction publique du Canada |
Bernstein, Norman (décédé) |
Directeur, Services de médiation |
Commission des relations de travail dans la fonction publique |
Davidge, Des |
Secrétaire général antérieur |
Comité national mixte |
Dodge, David |
Sous-ministre Sous-ministre antérieur |
Santé Canada Ministère des finances Canada |
Edwards, Claude |
Président national antérieur |
Alliance de la fonction publique du Canada |
Fleury, Jean-Guy |
Secrétaire adjoint du Cabinet (PGPS) |
Bureau du Conseil privé |
Sous-secrétaire antérieur, Direction des Ressources humaines |
Conseil du trésor du Canada, Secrétariat |
|
Giroux, Bob |
Secrétaire antérieur |
Conseil du trésor du Canada, Secrétariat |
Jolicoeur, Alain |
Commissaire délégué |
Agence des douanes et du revenu du Canada |
Dirigeant principal antérieur des RH |
Conseil du trésor du Canada, Secrétariat |
|
Lalonde, Fernand |
Secrétaire général |
Conseil national mixte |
Quail, Ranald |
Sous-ministre |
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada |
Tarte, Yvon |
Président |
Commission des relations de travail dans la fonction publique |
Tenace, Lou |
Vice-président antérieur
|
Commission des relations de travail dans la fonction publique |
Sous-secrétaire antérieur Relations de travail |
Conseil du trésor du Canada, Secrétariat |
Nombre approximatif d'employés dans l'unité de négociation |
|
Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) |
122 248 |
Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio (ACPER) |
338 |
Association canadienne du contrôle du trafic aérien (ACCTA) |
11 |
Association des Chefs d'équipes des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (ACECMGF) |
70 |
Association des employés du Conseil de recherches (AECR) |
1 824 |
Association des gestionnaires financiers de la fonction publique (AGFFP) |
2 071 |
Association du groupe de la navigation aérienne (AGNA) |
423 |
Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) |
998 |
Collèges militaires canadiens (CMC) |
124 |
Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (ouest) (CMTCMGF) |
530 |
Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est) (CMTCMGF) |
610 |
Conseil des unions des arts graphiques de la fonction publique (CUAGFP) |
111 |
Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOE) |
1 126 |
Guilde de la marine marchande du Canada (GMMC) |
823 |
Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) |
32 539 |
L'Association des employé(e)s en sciences sociales (AESS) |
5 874 |
Syndicat canadien des employés professionnels et techniques (SCEPT) |
854 |
Total |
170 574 |
Sources : Commission des relations de travail dans la fonction publique, 32e Rapport annuel 1998-1999, et données du Conseil du Trésor en date du 31 mars 1999.
Fryer, John L. (président) |
Membres: |
Secrétariat du Comité |
Baker, Ercel |
Driscoll, Penelope |
|
Bean, Daryl T |
Desrochers, Francine |
|
Bouchard, Jean-Claude |
Fawcett, Deborah (université de Victoria) |
|
Duxbury, Linda |
Peirce, Jon |
|
Hynna, Martha |
||
Lewis, Dave |
||
MacLean, Catherine |
||
Paquet, Renaud |
||
Thompson, Mark |
Notes de bas de page