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Faire place au changement dans la fonction publique fédérale - Groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale



Contexte

La réalité canadienne et la fonction publique fédérale

Peu de périodes de l'histoire canadienne ont connu des changements aussi marqués du profil démographique de la population que ceux survenus au cours des récentes décennies. Le Canada est passé d'une société de souche à forte prédominance européenne à un pays qui intègre une multitude de cultures et de traditions. Un citoyen canadien sur neuf fait partie d'une minorité visible. Selon les données du recensement de 1996, le nombre de membres de minorités visibles s'élève à plus de trois millions, dont deux millions sont des immigrants et un million sont nés au Canada.

Au Canada, la diversité fait partie de la réalité quotidienne. Les Canadiens en sont témoins lorsqu'ils se rendent dans les salles de classe de leurs enfants, qu'ils regardent des émissions aux chaînes de la télévision multiculturelle, qu'ils consultent une brochure de la ville de Toronto rédigée en 13 langues ou qu'ils demandent l'aide de Revenu Canada pour remplir leur déclaration de revenus, service qui est offert dans une vingtaine de langues.

La fonction publique fédérale est censée servir l'ensemble de la population canadienne. Or, son effectif ne reflète pas la diversité de la population canadienne, car les membres de minorités visibles y sont sous-représentés. En 1999 (à la fin de l'exercice), 1 fonctionnaire fédéral sur 17 faisait partie d'une minorité visible. Les membres de minorités visibles sont pratiquement absents des catégories de la gestion et de la direction : ils n'y sont représentés que dans une proportion de 1 sur 33. En 1999, des 298 employés nommés pour la première fois à des postes de direction, 10 faisaient partie des minorités visibles, dont 5 étaient des femmes.

Pour sa part, le secteur privé a tôt fait de reconnaître les capacités et le potentiel des minorités visibles. Les entreprises sous réglementation fédérale (notamment les banques, les sociétés aériennes, les sociétés de transport ferroviaire et les sociétés de télécommunications) ont haussé la représentation des minorités visibles dans leur effectif, qui est passée de 6,0 p. 100 à 9,9 p. 100 entre 1997 et 1998. En 1999, les minorités visibles représentaient 16,7 p. 100 de l'effectif de la Banque Scotia, dont 10 p. 100 occupaient des postes de gestion et 5 p. 100 occupaient des postes de direction.

Toutefois, les chiffres ne disent pas tout. La fonction publique fédérale, qui peut se révéler inhospitalière aux étrangers, peut l'être davantage lorsqu'il s'agit des minorités visibles. Un tribunal convoqué sous l'égide de la Commission canadienne des droits de la personne a été saisi en 1997 d'une affaire mettant en cause Santé Canada et a relevé des preuves de discrimination systémique à plusieurs niveaux du ministère. La fonction publique fédérale doit suivre l'exemple du Canada qui, selon les Nations Unies, constitue l'un des pays offrant la meilleure qualité de vie et devenir l'une des meilleures au monde.

Proportion de membres de minorités visibles :

1 citoyen canadien sur 9
1 fonctionnaire fédéral sur 17
1 homme sur 16 fonctionnaires fédéraux
1 femme sur 17 fonctionnaires fédéraux
1 cadre de direction sur 33 dans la fonction publique fédérale

La procédure suivie par le Groupe de travail

Les documents traitant du problème de la sous-représentation des minorités visibles et des conditions de travail défavorables dans lesquelles elles travaillent ne manquent pas. Une foule d'études ont été commandées, certaines remontant à 1984 (Rapport de la Commission sur l'égalité en matière d'emploi, de la juge Rosalie Silberman Abella), et elles font toutes ressortir une série étonnamment semblable de questions liées à la discrimination systémique en milieu de travail. Ces études ont traité en profondeur des obstacles réels et perçus et bon nombre d'entre elles proposent des recommandations. Au fil des ans, divers groupes consultatifs et groupes d'intervention ont été formés, le plus important étant l'Alliance de la capitale nationale sur les relations inter-raciales. Dernièrement, le Conseil national des minorités visibles a vu le jour à la suite d'une conférence nationale tenue à Ottawa en octobre 1999 pour donner aux minorités visibles de la fonction publique une voix plus forte.

Dans la fonction publique fédérale, la Commission canadienne des droits de la personne effectue des vérifications pour déterminer dans quelle mesure les ministères fédéraux s'acquittent de leurs obligations en matière d'équité en emploi qui sont prévues par la loi.

En novembre 1999, le gouvernement a diffusé les résultats du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, le premier sondage complet sur les conditions de travail et les attitudes en milieu de travail à avoir été effectué dans tous les ministères.

Ces diverses sources ont fourni au Groupe de travail un aperçu très utile sur la portée du problème de la sous-représentation, ce qui lui a permis par la suite de s'attacher à trouver des solutions pour y mettre un terme.

Malgré un délai très serré, les membres du Groupe de travail ont consulté de nombreux intervenants à l'intérieur et à l'extérieur de l'administration fédérale. Ils ont rencontré des groupes et des personnes à Halifax, à Montréal, à Toronto, à Vancouver et à Ottawa-Hull, ainsi que des représentants de ministères fédéraux et de syndicats de fonctionnaires. Ils ont par ailleurs communiqué avec le Groupe de travail sur une fonction publique inclusive, qui a été constitué par le président du Conseil du Trésor.

Le Groupe de travail était secondé par un petit service de secrétariat du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et a pu compter sur l'appui statistique et technique offert par le Secrétariat et la Commission de la fonction publique. De plus, le Secrétariat a mis à sa disposition des fonctionnaires de divers ministères, auprès desquels il a pu mettre à l'essai les diverses versions de son plan d'action. Le Groupe de travail a présenté ses conclusions à deux comités formés d'administrateurs généraux, au Comité consultatif du Secrétariat du Conseil du Trésor, présidé par V. Peter Harder, secrétaire du Conseil du Trésor à l'époque, et au Comité des hauts fonctionnaires, présidé par Mel Cappe, greffier du Conseil privé.


Les minorités visibles au Canada

Selon les données tirées du recensement de 1986, 1,6 million de personnes faisaient partie des minorités visibles au Canada, nombre qui a doublé d'après les renseignements obtenus lors du recensement de 1996, pour s'établir à 3,2 millions, ou 11,2 p. 100 de la population canadienne. Deux membres de minorités visibles sur trois étaient des immigrants. En général, 85 p. 100 des immigrants ont obtenu la citoyenneté canadienne, plus de 75 p. 100 d'entre eux dans les cinq années ayant suivi leur arrivée au pays.

Les immigrants se dirigent vers les grandes villes. Plus de 40 p. 100 des membres de minorités visibles du Canada habitent Toronto. Cette ville ainsi que celles de Vancouver et de Montréal accueillent 72 p. 100 des membres de minorités visibles. Parmi les villes canadiennes, c'est principalement à Halifax que les conditions de vie des membres de minorités visibles sont les plus pénibles. Les minorités visibles comptent pour près de 7 p. 100 de la population de Halifax; il s'agit principalement de personnes de descendance africaine établies depuis de nombreuses générations dans cette province. Ces personnes continuent toutefois d'être la cible de discrimination raciale, en particulier au chapitre de l'emploi.

Minorités visibles dans les villes canadiennes

Région métropolitaine de recensement Population totale Population des minorités visibles
Toronto 4,232,905 31.6%
Vancouver 1,813,935 31.1%
Calgary 815,985 15.6%
Edmonton 854,225 13.5%
Montréal 3,287,645 12.2%
Ottawa-Hull 1,000,935 11.5%
Winnipeg 660,055 11.1%
Halifax 329,750 6.8%
Regina 191,485 5.4%
Saint John 124,215 2.1%
Municipalités    
Scarborough, ONT 554,525 52%
Richmond, C.-B. 148,150 49%
Markham, ONT 172,735 46%
City of Vancouver, C.-B. 507,930 45%
North York, ONT 584,675 40%
Burnaby, C.-B. 176,825 39%
Saint-Laurent, Qc 73,760 36%
York, ONT 145,785 34%
Mississauga, ONT 542,450 34%
Richmond Hill, ONT 101,480 33%
Subdivisions de rencensement
choisies dans la région métropolitaine
de recensement de Montréal
   
Brossard 65,660 26.2%
Dollard-des-Ormeaux 47,660 25.8%
Pierrefonds 52,660 21.6%
Montréal 998,780 20.4%
Montréal-Nord 80,220 18.6%
Lasalle 71,420 17.8%
Mont-Royal 18,010 15.9%
Kirkland 18,670 15.8%
Saint-Léonard 71,085 15.3%
Roxboro 5,935 15.2%

Source: Statistique Canada, Recensement de la population de 1996

La proportion des minorités visibles dans la population canadienne est en hausse. En effet, l'objectif annuel en matière d'immigration pour 2000 se situe entre 200 000 et 225 000, dont 130 000 ouvriers qualifiés ou gens d'affaires. Même si cet objectif n'est pas atteint (en 1998 et 1999, les données réelles d'immigration ont été de 10 p. 100 inférieures à l'objectif), près d'un demi-million d'immigrants intégreront la population active du Canada d'ici 2006.


Les minorités visibles dans la fonction publique

Cas de représentation et de répartition

Le gouvernement fédéral est composé de quelque 60 ministères et organismes et de 178 000 employés. Conformément aux lois fédérales sur l'équité en matière d'emploi, le nombre de membres de minorités visibles dans la fonction publique doit à tout le moins correspondre à la mesure de leur disponibilité sur le marché du travail (DMT); cette mesure est établie par les ministères selon les données fournies par le recensement. Pour chaque groupe désigné aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, à savoir les minorités visibles, les femmes, les Autochtones et les personnes handicapées, les ministères doivent accroître le taux de représentation des membres de ces groupes pour qu'il corresponde à la DMT. À quelques exceptions près, en ce qui concerne le taux de représentation des minorités visibles, il existe toujours des écarts par rapport à la DMT relative à ces ministères (l'appendice B dresse la liste des taux de représentation des minorités visibles et des taux de DMT par ministère).

Les minorités visibles sont sous-représentées dans la fonction publique. En 1999, dans l'ensemble de la fonction publique, la population de minorités visibles s'établissait à 5,9 p. 100, bien en deçà du taux de 8,7 p. 100 de la DMT, selon les données fournies par le recensement de 1996. La Commission de la fonction publique a prévu les taux d'embauche requis pour les différents groupes désignés conformément à la Loi sur l'équité en matière d'emploi pour arriver à la DMT d'ici une année donnée. Pour atteindre la DMT d'ici 2005, le taux d'embauche des membres de minorités visibles devrait augmenter, à compter de l'exercice 1999-2000, et passer de sa moyenne historique (entre 1990 et 1999) de 7,1 p. 100 à 20,1 p. 100 (soit de 1 employé sur 15 à 1 employé sur 5). Si le taux de recrutement historique des membres de minorités visibles se maintient, il faudra plus de deux décennies et demi avant d'atteindre la DMT établie par le recensement de 1996.

Si l'on en croit les statistiques, des progrès ont été réalisés ces 10 dernières années. En effet, à la fin des années 80, on comptait environ 6 000 membres de minorités visibles à la fonction publique fédérale, soit près de 3 p. 100 de l'effectif total. En 1990, ce nombre avait atteint 7 583, ou 3,5 p. 100 de l'effectif. Enfin, à la fin de l'exercice 1999, leur population s'établissait à 10 557 fonctionnaires, ou 5,9 p 100.

Outre le recrutement, deux facteurs permettent d'expliquer l'augmentation de cette population exprimée en pourcentage : premièrement, l'effectif total de la fonction publique a été réduit considérablement au cours des dix dernières années, passant de 218 000 à 178 000 employés et, deuxièmement, davantage de membres de minorités visibles de la fonction publique remplissent des formulaires d'auto-identification.

D'autres données témoignent d'une situation bien différente :

  • En 1998-1999, des membres de minorités visibles ont reçu 19 des 646 promotions offertes à des employés de la catégorie de la direction et 4 des employés recrutés de l'extérieur sur 38 pour faire partie de cette catégorie étaient membres de minorités visibles.
  • Des 42 ministères (comptant au moins 200 employés), seulement 4 ont dépassé l'objectif de 8,7 p. 100 en matière de représentation des membres de minorités visibles.
  • Les membres de minorités visibles se retrouvent majoritairement dans quatre ministères : Revenu Canada, Développement des ressources humaines Canada, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et Santé Canada. Ces ministères comptent pour 56,5 p. 100 de l'ensemble des employés faisant partie des minorités visibles. À titre de comparaison, l'effectif de ces ministères représente 43,9 p. 100 de l'effectif total de la fonction publique.
  • De ces ministères, Revenu Canada comptait parmi ses employés 35 p. 100 des membres de minorités visibles de la fonction publique en 1999. En novembre 1999, Revenu Canada est devenu une agence distincte (l'Agence des douanes et du revenu du Canada); si l'on retire ce ministère des statistiques courantes sur la fonction publique, on constate une baisse de la représentation totale des minorités visibles, qui passe de 5,9 p. 100 à 5,0 p. 100.

Les chiffres portant sur la population dans son ensemble camouflent un grave problème de répartition. La présence des minorités visibles se fait de moins en moins sentir aux échelons les plus élevés de la hiérarchie. C'est ce qu'ont fait ressortir des rapports fédéraux publiés antérieurement [Pour une visibilité sans frontière (1992) et Fausses images (1993)], dans lesquels on qualifie d'éphémère la présence des minorités visibles. Depuis 1991, la proportion des membres de minorités visibles faisant partie des groupes de relève de la catégorie de la direction a stagné entre 6,0 p. 100 et 6,5 p. 100. Les membres de minorités visibles ne comptent que pour 3,4 p. 100 des dix premiers groupes de relève pour cette catégorie. Les taux de promotion varient considérablement et surviennent principalement dans certains groupes professionnels tels que ceux des économistes, des sociologues et des statisticiens.

En 1999, 103 fonctionnaires de la catégorie de la direction sur 3 421 faisaient partie des minorités visibles, soit une proportion de 3 p. 100, qui se compare aux 6,5 p. 100 actuels que ces employés représentent dans les groupes de relève. Pour que le gouvernement fédéral atteigne son objectif de représentation équitable des groupes désignés aux niveaux de la direction, la proportion qu'ils représentent à ce niveau et celle qu'ils représentent dans les groupes de relève doivent essentiellement être la même. D'autres groupes désignés ont réussi à combler l'écart à ce chapitre (bien que la proportion réelle de cadres de direction qui sont handicapés ou autochtones soit lamentablement petite).

Par ailleurs, on constate que les minorités visibles sont groupées par catégorie professionnelle. Ainsi, il est ressorti d'une étude interministérielle menée auprès des quelque 22 000 employés de la collectivité scientifique et technique de la fonction publique fédérale [Minorités visibles dans les postes de la catégorie scientifique et technique (1998)], que 24 p. 100 de l'ensemble des membres de minorités visibles occupaient de tels postes, ce qui dépasse, et de loin, la proportion de 10 p. 100 pour l'ensemble des fonctionnaires. Selon les constatations de cette étude, les membres de minorités visibles sont concentrés dans certains groupes professionnels, notamment dans le domaine de la chimie, du génie et de l'arpentage, de la pharmaceutique et de la recherche scientifique. C'est à Santé Canada que se trouve la plus forte représentation des minorités visibles dans ces postes (10,1 p. 100), ce qui dépasse les 5,9 p. 100 de la représentation à l'échelle de la fonction publique fédérale, mais qui n'atteint pas les 12,2 p. 100 de la représentation des minorités visibles dans l'effectif scientifique au Canada.

Cette étude interministérielle a également révélé des pratiques inégales d'embauche par les ministères dans diverses catégories. Si les minorités visibles étaient bien représentées dans le secteur des sciences biologiques à Santé Canada (14,2 p. 100 des employés contre une population active externe de 11,5 p. 100), elles ne comptaient que pour 9 employés sur 331 à Pêches et Océans, et n'étaient nullement représentées à Environnement Canada.

Les rapports mentionnés précédemment (1992 et 1993) ont qualifié la catégorie scientifique et professionnelle de "piège de la visibilité", les employés qui la composent occupant des postes les empêchant d'accéder à des postes de gestion. Or, comme ils sont réputés faire partie du groupe de relève, on estime qu'ils ont atteint un plafonnement voilé.

La nécessité d'un équilibre entre les sexes

Les femmes de la fonction publique font l'objet d'attitudes négatives et de stéréotypes et ont toujours été sous-évaluées. Les femmes faisant partie des minorités visibles sont donc "doublement défavorisées". Il convient donc d'accorder tout autant d'importance à la sensibilisation aux différences culturelles et au traitement différent réservé aux femmes si on veut accroître la représentation des femmes qui sont membres de minorités visibles et d'assainir le climat de travail. Parmi les femmes faisant partie de la fonction publique, 5,8 p. 100 sont également membres de minorités visibles. Le retard qu'elles ont à combler au chapitre des postes de direction est encore plus grand que celui des autres femmes. En effet, parmi les 3 421 cadres de direction de la fonction publique, seulement 23 des 919 femmes occupant ces postes font partie des minorités visibles; par ailleurs, elles ne représentent que 355 des 7 016 candidats (5 p. 100) des groupes de relève pour des postes de direction. En revanche, les hommes faisant partie des minorités visibles comptent pour 7 p. 100 de l'ensemble des hommes des groupes de relève (1 145 sur 16 259). Autrement dit, dans les groupes de relève, les hommes faisant partie des minorités visibles sont trois fois plus nombreux que les femmes en faisant partie, et pour ce qui est des personnes ne faisant pas partie des minorités visibles, les hommes sont en règle générale deux fois plus nombreux que les femmes dans les groupes de relève.

Présence des minorités visibles dans les groupes de relève*
de la direction et le groupe de la direction, selon le sexe
Exercices 1997-1998 et 1998-1999

Présence des minorités visibles dans les groupes de relève* de la direction et le groupe de la direction, selon le sexe Exercices 1997-1998 et 1998-1999

*Personnes faisant partie des quelque 170 classifications en deçà des niveaux de la direction (c'est-à-dire poste de niveau EX moins 1 et EX moins 2 ou poste comportant un salaire équivalent à celui de la catégorie EX).

Source : Division de l'équité en emploi, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada


Les conditions et les attitudes en milieu de travail

Les résultats du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux mené en novembre 1999 donne aux employeurs et aux employés un premier aperçu global de la manière dont les minorités visibles perçoivent les milieux de travail fédéraux. Le sondage est surtout révélateur lorsque d'importants écarts existent entre le degré d'insatisfaction ou de satisfaction exprimé par les membres de minorités visibles et celui signalé par les fonctionnaires dans leur ensemble. Ces écarts sont plus significatifs dans certains ministères que dans d'autres.

Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux
Questions du sondage Réponse Tous les répondants Minorités visibles
53. Dans mon unité de travail, chacun(e) est / serait accepté(e) comme membre à part entière de l'équipe, sans égard à sa race, sa couleur, son sexe ou son incapacité. Entièrement/plutôt d'accord 87% 75%
59. J'ai été victime de discrimination dans mon unité de travail. Oui 18% 33%
60. J'ai été victime de harcèlement dans mon unité de travail. Oui 20% 25%
72. J'ai des occasions d'acquérir et d'appliquer les compétences dont j'ai besoin pour progresser dans ma carrière. Entièrement/plutôt d'accord 61% 54%
78. J'estime avoir des chances équitables d'obtenir de l'avancement compte tenu de mes compétences et de mon expérience. Entièrement/plutôt d'accord 43% 36%
96. Je suis satisfait(e) de ma carrière dans la fonction publique. Entièrement/plutôt d'accord 69% 58%

Source : Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux

Les problèmes liés à l'auto-identification

Les ministères attribuent souvent au processus d'auto-identification, qui permet de compter le nombre de membres de minorités visibles, les faibles résultats obtenus au chapitre de la représentation. Ils prétendent que certains employés faisant partie d'un groupe minoritaire visible préfèrent ne pas s'auto-identifier ou ne se donnent pas la peine de le faire. Ces faits ne constituent pas pour autant des raisons valables de bloquer ou de retarder la mise en oeuvre de l'équité en emploi. Le Groupe de travail a constaté que, comme dans le cas des entreprises du secteur privé, certains ministères réussissent mieux que d'autres à inciter leurs employés à s'auto-identifier. Par exemple, en 1998, l'Agence canadienne de développement international a déployé des efforts considérables pour faire valoir l'importance de son questionnaire d'auto-identification et les avantages que les employés qui le remplissaient pouvaient en tirer. C'est pourquoi 81 p. 100 des employés ont répondu au questionnaire, en hausse par rapport au taux de réponse de 23 p. 100 obtenu pour un sondage antérieur.

Le Groupe de travail a remarqué que, dans le Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux, 7,2 p. 100 des répondants avaient indiqué faire partie d'une minorité visible. Compte tenu des problèmes méthodologiques inhérents à un sondage anonyme, il ne faut pas interpréter ce pourcentage comme étant représentatif de la population des minorités visibles dans l'ensemble de la fonction publique, ni faire des extrapolations à cet égard. Ce pourcentage ne peut pas non plus remplacer les statistiques officielles d'auto-identification.


Les consultations menées par le Groupe de travail

Les efforts du Groupe de travail ont essentiellement porté sur deux groupes d'intervenants : ceux qui gèrent le changement et ceux qui sont les plus touchés par le changement. Le message qui est le plus souvent ressorti est que l'équité en emploi des minorités visibles avait fait l'objet de très nombreuses études, mais que ces études avaient produit très peu de résultats. Le Groupe de travail s'est demandé à de nombreuses reprises ce qui pouvait expliquer la lenteur des progrès à ce chapitre.

En règle générale, le Groupe de travail a perçu un sentiment de frustration à l'égard de la fonction publique en tant que lieu de travail et a obtenu confirmation que nombre de travailleurs considéraient le secteur privé comme l'employeur de choix. Il ne fait aucun doute que les taux d'embauche dans la fonction publique fédérale ont chuté ces dernières années, qui ont été marquées par la réduction des effectifs, et que les perspectives de promotion ont été moins que reluisantes, d'où le renforcement d'un milieu propice aux compressions.

Dans l'affaire Action Travail des Femmes c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et al. (1987), la Cour suprême a statué que :

... la discrimination systémique en matière d'emploi, c'est la discrimination qui résulte simplement de l'application de méthodes établies de recrutement, d'embauche et de promotion, dont ni l'une ni l'autre n'a été nécessairement conçue pour promouvoir la discrimination. (Nous avons mis le texte en caractères gras.))

Le Tribunal canadien des droits de la personne, dans la décision qu'il a rendue dans la plainte portée contre Santé Canada par l'Alliance de la capitale nationale sur les relations inter-raciales et la Commission canadienne des droits de la personne, a tenu les propos suivants :

L'élément essentiel de la discrimination systémique, donc, est que celle-ci est issue des conséquences involontaires de systèmes et de pratiques d'emploi établis. Elle a pour effet de gêner l'accès à des possibilités d'emploi et à des avantages pour les membres de certains groupes. Puisque la discrimination n'est pas motivée par un acte conscient, elle est plus difficile à déceler et l'on doit se pencher sur les conséquences ou les résultats du système d'emploi en cause. (Nous avons mis le texte en caractères gras.))

 

Les gestionnaires ont fait savoir :

  •  
  • que, lorsque la langue première des membres de minorités visibles n'est pas l'anglais, leur capacité de s'exprimer de vive voix et par écrit n'est pas à la hauteur;

  • qu'ils ne font pas partie du circuit;

  • qu'ils ne savent pas tirer profit de la plupart des occasions;

  • qu'ils ne connaissent pas la marche à suivre;

  • qu'ils ne veulent pas quitter les villes;

  • qu'ils ne savent pas ce qu'ils peuvent faire;

  • que nous faisons les choses différemment, ce qui leur fait peur.

Le Groupe de travail a entendu à maintes reprises que la culture organisationnelle était empreinte d'attitudes qu'il conviendrait de qualifier de "discrimination systémique", expression que de nombreuses personnes utilisent sans toutefois bien la comprendre. S'il est vrai que la discrimination raciale peut être intentionnelle, la discrimination systémique est la plupart du temps non intentionnelle, comme l'a fait remarquer la Cour suprême dans deux jugements.

Le Groupe de travail a également rencontré des praticiens des ressources humaines et des gestionnaires intermédiaires dans toutes les régions du Canada. On admet que c'est au niveau de la gestion intermédiaire que se prennent le plus souvent les décisions en matière d'embauche et de premières promotions et qu'est inculquée la culture de l'effectif.

Pour leur part, les employés faisant partie des minorités visibles ont précisé aux membres du Groupe de travail qu'il existait de nombreux cas de discrimination systémique, comme celle pratiquée par le "réseau des anciens". Les membres de minorités visibles de toutes les régions du pays sont consternés par le manque de reconnaissance des diplômes et certificats étrangers et par le très petit nombre de membres de minorités visibles au sein des jurys de sélection. Ils ont dit s'inquiéter du fait que la délégation des pouvoirs aux ministères en matière de mise en oeuvre de l'équité en emploi n'était pas assortie de dispositions pertinentes de reddition de comptes et, par conséquent, que la discrimination systémique pouvait demeurer ancrée. De plus, ils estiment que nombre de gestionnaires, soit ne sont pas au courant de la politique du gouvernement relative à l'équité en emploi et à la diversité en milieu de travail soit n'en tiennent tout simplement pas compte au moment d'engager des employés ou de leur donner des promotions.

Les employés faisant partie des minorités visibles ont indiqué que :
  • les décideurs ne voient pas pourquoi il faudrait accélérer l'application de l'équité en emploi;
  • les gestionnaires qui ne font pas d'efforts ne sont pas punis;
  • les gestionnaires remettent en question leur capacité de gérer;
  • les minorités visibles ne sont pas représentées au sommet de l'échelle;
  • les gens engagent des personnes qui leur ressemblent parce que, naturellement, ils pensent qu'elles présentent moins de risques;
  • pour les gestionnaires, l'équité en emploi n'est pas une question importante;
  • la fonction publique est encore le choix de carrière qu'ils privilégient, mais ils ne peuvent y entrer.

Lors des consultations tenues à Montréal, les participants ont exprimé des préoccupations différentes et formulé des commentaires sévères sur la résistance que pratiquaient les agents de dotation qui décident d'exclure les minorités visibles. Celles-ci se sont plaintes qu'elles n'étaient pas assez informées des occasions et des ouvertures et qu'elles sentaient une certaine résistance à leur participation dans la fonction publique fédérale. Les employés estimaient que les gestionnaires jouissaient de la "plus grande latitude possible", ce qui leur permettait d'interpréter négativement des facteurs subjectifs tels que l'"accent" et, ainsi, exclure des membres de minorités visibles compétents qui parlent couramment le français. Ils ont prétendu que les compétences devraient être directement liées à un emploi précis et que l'"accent" ne devrait pas être un facteur dans l'évaluation des compétences linguistiques.

Les jeunes des minorités visibles ont indiqué que :
  • les fonctionnaires les percevaient comme une menace;
  • le secteur privé leur faisait plus volontiers la cour;
  • la fonction publique était un repère de suffisance, et qu'ils ne voulaient pas commencer leur carrière dans un tel endroit;
  • si des membres de minorités visibles occupaient des postes de gestion, ils percevraient la fonction publique comme un endroit qui accueille les membres de minorités visibles en tant que personnes;
  • avant la campagne de recrutement dans leur établissement d'enseignement, ils n'avaient jamais songé à joindre les rangs du gouvernement.

Partout au Canada, les membres de minorités visibles ont porté à l'attention des membres du Groupe de travail les exigences de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique en vertu desquelles on donne la préférence aux citoyens canadiens sur ceux qui ne le sont pas. Cette préférence peut constituer un obstacle majeur que doivent surmonter ceux qui n'ont pas encore obtenu la citoyenneté canadienne ou ceux dont la demande de citoyenneté est en cours. Un tiers des immigrants de minorités visibles sont arrivés au Canada entre 1991 et 1996.

Le Groupe de travail a également demandé l'avis des jeunes faisant partie des minorités visibles. Les membres du Groupe de travail ont consulté un groupe formé de participants venant de toutes les régions du Canada ainsi que des secteurs public et privé. Les participants, choisis en fonction de la confiance qu'ils avaient en leur avenir, ont dit croire que la fonction publique fédérale percevait les jeunes comme un élément négatif plutôt que positif. Ils estimaient que la fonction publique fédérale réduisait encore ses effectifs et, par conséquent, offrait peu de possibilités de carrière stimulantes ou d'occasions réelles. Ils ont fait connaître leur frustration à l'égard de leur manque de connaissances sur la manière d'entrer dans la fonction publique et, après leur entrée, sur la manière de progresser dans leur carrière. Ils sont d'avis que la fonction publique fédérale doit améliorer son image et sa visibilité. Ils ont ajouté que le gouvernement fédéral devrait recruter des jeunes comme eux parce qu'ils sont très performants, c'est-à-dire pour des raisons autres que le fait qu'ils sont membres de minorités visibles.

Points forts du secteur privé :
  • vigoureux efforts de recrutement au niveau postsecondaire;
  • jeunes employés accompagnant les gestionnaires chargés de l'embauche lors des campagnes de recrutement dans les universités;
  • modalités de travail créatives, comme les horaires flexibles et des installations pour la pratique de la religion;
  • partenariats avec des écoles de la localité à forte proportion d'étudiants faisant partie des minorités visibles;
  • annonces ciblées de postes vacants et recours aux agences qui recommandent des candidats;
  • employés faisant partie des minorités visibles priés de recommander des candidats;
  • mentorat des nouveaux employés;
  • participation des unités de travail aux journées de formation. Fin du texte encadré.

Le secteur privé a mis sur pied des programmes et des méthodes qui ont donné des résultats. Il y aurait lieu de les examiner en vue de les adapter au secteur public. Des entreprises visées par le Programme de contrats fédéraux et par le Programme légiféré d'équité en matière d'emploi font part de leurs pratiques en matière d'équité en emploi à Développement des ressources humaines Canada. La Division des normes du travail et de l'équité en milieu de travail de ce ministère surveille près de 300 entreprises sous réglementation fédérale (c'est-à-dire comptant plus de 100 employés) qui sont assujetties à la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Il lui incombe également de suivre les progrès de 800 autres entreprises et établissements qui participent activement au Programme de contrats fédéraux. Les membres du Groupe de travail sont d'avis que la fonction publique fédérale pourrait prendre part à des échanges plus nombreux avec le secteur privé et mener des activités conjointes de prise de contact et de recrutement.


Apprendre de l'expérience fédérale pour provoquer le changement

Les membres du Groupe de travail se sont penchés sur l'expérience acquise récemment par le gouvernement fédéral en matière de mise en oeuvre de l'équité en emploi et sur la réponse donnée par Santé Canada aux directives reçues dans le cadre de la décision rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne en mars 1997.

Aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, l'employeur, le Conseil du Trésor, délègue le pouvoir de mettre en oeuvre l'équité en emploi aux ministères et organismes particuliers. Chaque ministère doit comparer le nombre de personnes faisant partie des quatre groupes désignés qu'il a engagées à la DMT du groupe particulier. S'il y a sous-représentation, il est tenu de revoir ses systèmes, politiques et pratiques d'emploi afin de cerner les éventuels obstacles. Après avoir consulté les agents négociateurs et les représentants des employés, il dresse un plan lui permettant de réaliser des progrès raisonnables en vue de corriger la sous-représentation.

Les lacunes entraînant des résultats insatisfaisants

Les membres du Groupe de travail ont décelé quelques lacunes au chapitre de la mise en oeuvre de l'équité en emploi qui pourraient expliquer pourquoi des résultats insatisfaisants sont souvent signalés :

  • On constate un manque d'engagement envers l'équité en emploi à l'échelle du gouvernement.
  • Les ministères ne partagent pas souvent entre eux les enseignements qu'ils ont tirés ou les pratiques exemplaires qu'ils ont adoptées.
  • Bon nombre de gestionnaires n'estiment pas que l'équité en emploi est un volet important de leur travail. Ils sont plutôt d'avis qu'elle s'ajoute à leurs tâches et ceux qui sont trop occupés la mettent de côté beaucoup trop facilement. Les praticiens des ressources humaines n'évaluent pas les pratiques des gestionnaires afin de déterminer si elles sont conformes à la politique du gouvernement.
  • Les praticiens des ressources humaines occupent souvent des postes de niveau subalterne et disposent de peu de moyens pour influer sur le rendement des gestionnaires au chapitre de l'équité en emploi. De plus, les membres de minorités visibles sont sous-représentés dans la collectivité des ressources humaines.
  • Les coordonnateurs de l'équité en emploi dans les ministères ont peu de pouvoirs. Le taux de roulement chez ces employés est élevé et les mesures d'aménagement les concernant sont de courte durée. Au cours du mandat du Groupe de travail, les Comités consultatifs sur l'équité en emploi pour les minorités visibles, relevant du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, ont été démantelés.

La mesure de la disponibilité sur le marché du travail

Pour l'ensemble de la population active au Canada, la DMT en 1996 des minorités visibles se chiffrait à 10,3 p. 100. Comme ce pourcentage englobe les citoyens canadiens et ceux qui ne le sont pas, la fonction publique fédérale rajuste ce taux à la baisse (8,7 p. 100) afin d'exclure les personnes qui ne possèdent pas la citoyenneté canadienne.

La disponibilité (au sein de la population active) désigne la répartition des employés dans les groupes désignés en proportion de l'ensemble de la population active du Canada. Pour la fonction publique fédérale, cette disponibilité est fondée uniquement sur les citoyens canadiens qui occupent sur le marché du travail canadien des emplois qui correspondent aux groupes professionnels de la fonction publique fédérale.

Source : L'équité en emploi dans la fonction publique fédérale 1998-1999, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Que la représentation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale soit comparée à la proportion de 8,7 p. 100 ou à celle de 10,3 p. 100, préconisée par la Commission canadienne des droits de la personne et les syndicats de la fonction publique, les tendances démographiques feront augmenter la DMT lorsque le temps viendra de la recalculer en fonction des données obtenues lors du prochain recensement. Par conséquent, les objectifs en matière de représentation doivent être supérieurs à la DMT, sans quoi le gouvernement aura un énorme écart à rattraper lorsque la nouvelle DMT sera calculée. En d'autres termes, la mesure de la DMT est l'assise sur laquelle ériger la diversité.

Le Groupe de travail fait remarquer que la mesure de la DMT est, à plusieurs égards, prudente :

  • Elle est fondée sur les données de recensements (le dernier en date étant celui de 1996). Pour le prochain recensement, elle augmentera afin qu'il soit tenu compte de l'immigration, des immigrants reçus ayant obtenu leur citoyenneté ainsi que des diplômés d'écoles secondaires et d'universités qui intègrent la population active.
  • Elle exclut des postes que le gouvernement estime ne pas être pertinents à la fonction publique. Des 526 catégories d'emploi dans la population active canadienne, la fonction publique fédérale en retient seulement 380 pour ses calculs de la DMT.
  • Elle ne comprend que les personnes qui ont acquis de l'expérience de travail au cours des 17 mois qui ont précédé le recensement.
  • Elle présume que la plupart des ministères mèneront leurs activités de recrutement à l'échelle locale plutôt que dans des régions géographiques plus vastes.

La carte qui suit montre les écarts selon les provinces et les territoires en matière de représentation des minorités visibles à la fonction publique par rapport à la DMT et à leur répartition dans la population.


Population et représentation des minorités visibles dans la fonction publique par province et territoire

Légende:
En se servant de la C.-B. comme exemple
17,9% : Part de la population provinciale que représentent les minorités visibles
11,4% : Part de la représentation dans la fonction publique
13,2% : Disponibilité sur le marché du travail provincial

Population et représentation des minorités visibles dans la fonction publique par province et territoire

Source : Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Commission de la fonction publique, 1999


La décision du Tribunal dans l'affaire mettant en cause Santé Canada

Dans la décision qu'il a prononcée en mars 1997, le Tribunal a imposé des mesures rigoureuses et très détaillées. La décision était exécutoire, et la haute direction l'a acceptée sans appel. Le Groupe de travail a signalé que la réponse de Santé Canada avait produit d'impressionnants résultats après seulement deux des cinq années prévues pour la mise en oeuvre des six "mesures correctives temporaires" se rapportant au recrutement et aux promotions et de la douzaine de mesures à l'appui. Au cours des deux premières années, Santé Canada a non seulement atteint les objectifs fixés, il en a dépassé un certain nombre (exception faite d'un écart mineur).

La structure de responsabilisation que Santé Canada a été tenu d'instaurer comprend un surveillant au niveau de sous-ministre délégué chargé de veiller à la mise en oeuvre des mesures. Tous les gestionnaires doivent justifier leur choix de ne pas retenir un membre d'une minorité visible lorsque des candidats compétents étaient en lice et en sont tenus responsables dans le cadre de l'examen de leur rendement. La mise en oeuvre des mesures doit faire l'objet de rapports périodiques à la Commission des droits de la personne. La surveillance impartiale est assurée par le président du Comité d'équité en emploi de l'Alliance de la capitale nationale sur les relations inter-raciales, qui rencontre trimestriellement des fonctionnaires de Santé Canada (y compris le surveillant et le directeur général des ressources humaines) afin de passer en revue les progrès réalisés par le ministère. Au sein même du ministère, un comité d'examen interne se réunit une fois tous les trois mois, et ses coprésidents présentent leurs rapports directement au sous-ministre.


Privilégier un changement de culture organisationnelle ou de meilleures données numériques?

On ne semble pas s'entendre sur la mesure à adopter en premier. Convient-il de réaliser des progrès au chapitre de la représentation et de créer une masse critique ou faut-il d'abord réussir à faire changer la culture et les attitudes d'une organisation? Les gens doivent être préparés en vue du changement et être convaincus que le résultat final profitera à tous. Certains diront que les organisations devraient tout d'abord s'attaquer à changer leur culture. En revanche, peut-on convaincre les gens de changer leurs attitudes s'ils ne sont pas témoins de changements considérables et si la compétence des gens qui viennent d'être engagés ou promus n'a pas été prouvée?

Le Groupe de travail a conclu que l'évolution de la représentation et le changement de culture peuvent, voire doivent, être menés de front. Il s'est tourné vers le Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux pour voir comment les membres de minorités visibles de ministères choisis avaient évalué les conditions en milieu de travail et a comparé les résultats obtenus aux chiffres absolus sur la population de ces ministères et aux progrès qu'ils avaient réalisés en vue de combler leurs écarts respectifs par rapport à la DMT. Le graphique qui suit compare, à titre d'exemple, les réponses fournies par des employés de Statistique Canada à celles des répondants de l'ensemble de la fonction publique. Les employés faisant partie des minorités visibles de ce ministère ont donné une cote supérieure à la moyenne à leur milieu de travail. Le Groupe de travail a constaté que la population de minorités visibles à Statistique Canada était relativement élevée (388) et représentait 7,6 p. 100 de son effectif. De plus, le ministère est sur le point d'atteindre la DMT qui lui a été fixée, soit 8,5 p. 100. Quoi qu'il en soit, le Groupe de travail signale que le ministère demeure tout aussi déterminé à améliorer sa culture organisationnelle et à accroître la représentation des minorités visibles.

Dans le jugement qu'elle a prononcé dans l'affaire Action Travail des Femmes c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1987), la Cour suprême a statué que :

Un programme d'équité en matière d'emploi comporte donc trois aspects. En premier lieu, en contrecarrant les effets cumulatifs de la discrimination systémique, un tel programme rend vaine toute discrimination supplémentaire [?] En second lieu, en plaçant des membres du groupe antérieurement exclu dans le milieu de travail et en leur permettant de prouver leurs capacités, le régime d'équité en matière d'emploi s'attaque au problème des attitudes stéréotypées [?] En troisième lieu, un programme d'équité en matière d'emploi facilite la création de ce qu'on a appelé une "masse critique" du groupe antérieurement exclu de ce milieu de travail. Cette "masse critique" a des effets importants. La présence d'un nombre important de membres du groupe visé élimine les problèmes de "symbolisme".

 

Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux
Questions du sondage Réponse Minorités visibles dans la fonction publique Minorités visibles à Statistique Canada
59. J'ai été victime de discrimination dans mon unité de travail. Oui 33% 25%
60. J'ai été victime de harcèlement dans mon unité de travail. Oui 25% 14%
78. J'estime avoir des chances équitables d'obtenir de l'avancement compte tenu de mes compétences et de mon expérience. Entièrement/plutôt d'accord 36% 43%

Source : Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux


Les efforts en vue de rendre la fonction publique représentative

Le moment est venu pour le gouvernement fédéral d'investir dans son capital humain et de changer la fonction publique fédérale afin qu'elle reflète davantage le public qu'elle sert. Au cours de la période de réduction draconienne des effectifs qui a commencé en 1995 (afin d'atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l'Examen des programmes), la taille de la fonction publique a été amputée de beaucoup, et l'embauche de l'extérieur a été réduite. Ces mesures ont nui aux progrès en vue d'une représentation équitable de tous les groupes. Pendant la réduction des effectifs, peu d'employés ont été engagés, la moyenne d'âge des fonctionnaires fédéraux a augmenté et bon nombre d'entre eux se sont préparés à prendre leur retraite. Comme l'exercice de réduction des effectifs tire à sa fin, le gouvernement fédéral doit maintenant renouveler et rajeunir son effectif.

Les membres de minorités visibles continuent de présenter en grand nombre leur candidature à la fonction publique fédérale. En 1998-1999, ils ont compté pour 30,2 p. 100 de l'ensemble des candidats au recrutement postsecondaire et pour 20,6 p. 100 de ceux au recrutement général. Les membres de minorités visibles ont obtenu respectivement 13,9 p. 100 et 4,1 p. 100 de toutes les nominations découlant de ces programmes de recrutement. La différence entre le nombre de demandes et le taux de nomination laisse entendre que le principe du mérite n'est pas appliqué de façon significative.

Recruter les jeunes et la prochaine génération de chefs

La fonction publique doit également s'attacher à engager la prochaine génération de Canadiens qui songent à des possibilités d'emploi dans l'administration fédérale. Le gouvernement fédéral doit trouver des moyens de se rendre plus attrayant à titre d'employeur éventuel. Il doit montrer qu'il veut et qu'il peut assouvir les ambitions de ceux qui fréquentent actuellement les écoles secondaires ou qui s'inscrivent dans les collèges et les universités. Le monde de ces jeunes évolue rapidement. Ils sont habitués à un rythme accéléré de changement et sont à l'aise dans un monde où les frontières n'ont plus la même importance. Il devient alors encore plus impératif pour eux, en leur qualité de citoyens canadiens, d'apprendre à connaître leur propre pays, de sentir qu'ils appartiennent à leur pays et que leur pays leur appartient.

Profil démographique des jeunes au Canada

  Population des 15 à 64 ans Population des
15 à 19 ans
Population des
20 à 24 ans
    nombre % nombre %
Ensemble du Canada
19,349,155 1,956,115 10.1% 1,892,910 9.8%
Minorités visibles
2,228,065 261,295 11.7% 259,765 11.7%

Source: Statistique Canada, Recensement de la population de 1996

On estime à 10 p. 100 le nombre de diplômés d'universités au Canada en 1996 qui faisaient partie des minorités visibles; ce pourcentage ne cesse d'augmenter. En sa qualité d'employeur, le gouvernement fédéral doit faire plus que fournir et combler des postes. Il doit contribuer à la promotion du concept de citoyenneté et de participation. À ce titre, il doit offrir des possibilités d'emploi dans différentes régions du pays et partager avec les régions la richesse du bassin de talents diversifiés des grandes villes. De plus, il devrait donner aux jeunes Canadiens la chance d'acquérir une compétence professionnelle en français et en anglais, au besoin. Il devrait investir dans la prochaine génération en lui proposant des occasions de travail attrayantes tout en reconnaissant l'évolution des concepts de la carrière et du travail.

La population des minorités visibles est relativement jeune. Comparativement à l'ensemble de la population canadienne, elle est plus concentrée dans les groupes d'âge inférieurs. De la population canadienne en âge de travailler, près de 20 p. 100 se trouvent dans le groupe des 15 à 24 ans. Ce pourcentage est plus élevé chez les minorités visibles : plus de 23 p. 100 de la population en âge de travailler ont entre 15 et 24 ans.

Si les temps sont marqués par l'opportunisme, ils sont également empreints de défis. Il faut redorer le blason de la fonction publique à titre d'employeur. La réduction des effectifs a désabusé nombre de fonctionnaires et découragé nombre de personnes qui auraient pu vouloir occuper un emploi dans la fonction publique. Les gens ont plus d'une corde à leur arc lorsqu'il s'agit de trouver un emploi enrichissant, et ce qui peut sembler périlleux pour une génération plus âgée peut être perçu comme stimulant par une génération plus jeune. Le gouvernement fédéral doit exploiter les talents et les énergies du bassin dynamique que forment les jeunes de toutes les régions du pays.

"Les gens qui veulent une sécurité d'emploi ne devraient pas venir à la fonction publique. Toutefois, s'ils veulent travailler dans un milieu stimulant où leur contribution est appréciée, la fonction publique est l'endroit rêvé."

Commentaires de Mel Cappe, greffier du Conseil privé, sur les récents diplômés d'études supérieures, reproduits dans The Globe and Mail, le 17 janvier 2000.


Conclusion

Le Groupe de travail est d'avis que son plan d'action est pragmatique et réalisable, que ses objectifs sont mesurables et que des comptes peuvent être rendus sur ses résultats. Il estime que son plan d'action positionnera le Canada pour 2001, que les Nations Unies ont proclamé Année internationale de mobilisation contre le racisme et la discrimination raciale. Il est persuadé que la discrimination, sous toutes ses formes, doit être éliminée au Canada.

Le changement va de pair avec l'incertitude, lorsque les valeurs et les attitudes établies sont menacées et que de nouvelles voient le jour. Le Groupe de travail estime que la fonction publique fédérale peut apporter les changements qui s'imposent et que les fonctionnaires fédéraux sont ouverts aux principes de justice et d'équité. De plus, il est persuadé que les membres de minorités visibles profiteront de l'occasion pour faire montre de leurs talents particuliers et apporter leur très précieuse contribution. Le plan d'action est pour la fonction publique fédérale le présage d'une ère au cours de laquelle tous les Canadiens seront parties prenantes à des changements excitants.




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