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Dans le présent chapitre, nous résumons comment le gouvernement fédéral a fait part de ses intentions à l'égard de la politique sur la comparabilité au cours des années. Nous notons que des considérations d'ordre pratique ont souvent eu préséance sur la politique. Comme le rapport de la Commission Glassco (1962) le faisait remarquer : « Les prix qui ont cours sur le marché dictent les limites de la rémunération, mais la fixation de telle ou telle échelle de salaires se ressent d'influences changeantes d'ordre politique, administratif et social. »[6]
Au moyen de diverses formulations au fil des ans, les gouvernements fédéraux successifs ont cherché à situer la politique de rémunération en visant la comparabilité avec le marché du travail externe. Toutefois, les formulations étaient si générales que les résultats ont grandement varié. Malgré ces variations, la pratique systématique a été de verser des salaires supérieurs à ceux du marché aux niveaux subalternes de la fonction publique et des salaires inférieurs à ceux du marché aux niveaux plus élevés. Aux niveaux intermédiaires, les salaires pouvaient être plus élevés ou moins élevés selon les circonstances. Cette tendance s'observe pour les salaires et encore davantage pour la rémunération globale[7].
De 1913 à 1920, les augmentations salariales dans la fonction publique ne représentaient qu'environ la moitié de la croissance du niveau de vie au niveau national.
La Première Guerre mondiale a mené à une expansion rapide de la fonction publique fédérale et l'on a de plus en plus reconnu que, pour être efficace, la fonction publique devait être dotée en fonction du mérite et non du favoritisme. En 1918, la Loi sur le service civil prévoyait que les nominations devaient être réglementées par la Commission du Service civil conformément au principe du mérite. La Commission a aussi reçu le mandat de recommander des révisions aux taux de rémunération. Afin de s'acquitter de cette responsabilité, la Commission a demandé, en 1919, l'avis de la société Arthur Young & Company sur la manière de structurer un régime de classification et de rémunération. Les principes[8] généraux suivants ont guidé son travail :
Une rémunération uniforme
La rémunération, au même niveau, devrait être uniforme.
Une juste rémunération pour différentes « catégories » de travail
La rémunération des différentes catégories de postes doit être relativement « juste ». Le rapport entre les échelles de salaires des différents métiers, professions et genres d'emplois doit être identique à celui qui existe entre ces domaines dans le monde des affaires. Pour le même métier, la même profession ou le même genre d'emploi, cette relativité est établie en regard des différences de fonctions, de responsabilités, d'expérience, de connaissances et de compétence.
La parité
Le salaire prévu pour chaque catégorie doit être équitable, c'est-à-dire, juste envers l'employé et juste envers le public contribuable.
La parité pour les employés
Pour être juste envers le fonctionnaire, le salaire qu'on lui verse doit lui permettre de maintenir un niveau de vie conforme au bien-être de la société présente et future. Aux paliers inférieurs, le salaire doit être assez élevé pour attirer dans le service civil des jeunes gens et des jeunes filles qui, sans charge de famille, possèdent une formation et des aptitudes telles qu'ils puissent plus tard se perfectionner et fournir un précieux apport au service.
La parité pour le public contribuable
Le salaire ne doit pas être sensiblement supérieur au salaire que des employeurs avisés accordent pour des services comparables dans le monde des affaires et l'industrie. Tout excédant sur la moyenne courante prend l'allure d'une subvention spéciale et aucun groupe ne doit être favorisé de cette façon.
Pour comparer la rémunération prévue pour des services analogues dans la fonction publique et le secteur privé, il faut tenir compte des avantages et des désavantages relatifs de l'emploi public et privé, dont la permanence et la continuité de l'emploi, les heures de travail et les vacances et congés de maladie.
Ce premier énoncé de politique renferme plusieurs thèmes qui sont revenus pendant les décennies suivantes. Le concept le plus fondamental est celui de la parité pour l'employé et les contribuables. La notion selon laquelle la façon d'atteindre cet équilibre est d'égaler le monde des affaires quant à la norme de rémunération appropriée pour les divers métiers, professions et genres d'emploi est assez explicite. Le plafond de la rémunération devrait être le salaire versé pour des services comparables par des employeurs avisés. Enfin, la comparaison doit tenir compte de toutes les formes de rémunération et non seulement des salaires.Les augmentations offertes dans le sillage du rapport déposé par Arthur Young & Company étaient des paiements forfaitaires beaucoup plus importants en pourcentage aux niveaux de revenus inférieurs.
En appliquant les recommandations de politique formulées dans le rapport, le gouvernement a créé deux catégories d'employés. La première comprenait les employés nommés en vertu de la Loi sur le service civil, dont les taux de rémunération étaient recommandés par la Commission du Service civil. En 1922, il y avait environ 50 000 fonctionnaires répartis en quelque 2 200 catégories aux fins de la détermination de la rémunération. Treize mille autres employés, la plupart des hommes de métier qualifiés et des membres d'équipage de navires, étaient exemptés de l'application de la Loi. Ils furentéventuellement désignés « employés rémunérés au taux courant » parce qu'ils étaient payés au taux en vigueur dans la localité où ils étaient employés[9]. Le Conseil du Trésor établissait les taux pour les hommes de métier exclus en tenant compte des relevés régionaux des salaires courants effectués par le ministère du Travail.
À la fin des années 1920, on était manifestement conscients de la nécessité d'améliorer la rémunération relative des employés qui seraient aujourd'hui appelés « employés du savoir » dans la fonction publique. La Commission royale sur le personnel technique et scientifique, présidée par E.W. Beatty, a produit un rapport en 1930. Selon ce rapport, il est évident que le principal déterminant de l'évolution des salaires n'était pas la comparabilité. Parallèlement, la Commission Beatty soulignait la complexité accrue de la tâche de l'administration publique ainsi qu'une « intrusion » du gouvernement dans un grand nombre de nouveaux domaines. La Commission indiquait que :
... pour ce qui est de l'échelle salariale, nous constatons que les travailleurs dans les domaines technique, scientifique et professionnel au niveau subalterne du service ne sont pas désavantagés de façon marquée comparativement à d'autres employés de même niveau dans le marché du travail externe. En effet, il est évident que les salaires des débutants dans le service sont souvent un peu plus élevés que ceux des débutants dans d'autres secteurs[10]. (TRADUCTION)
Le problème a trait à l'avancement dans la fonction publique comparativement au secteur privé. La Commission a aussi fait part de son inquiétude devant le fait que les catégories de classification résultant du système Young étaient devenues « inutilement encombrantes ». Toutefois, lorsque la Commission a soumis son rapport, la crise économique sévissait et ses recommandations sont demeurées sans suivi pendant une décennie et demie.
La principale décision politique prise subséquemment a été l'adoption de la Loi de la déduction sur les traitements de 1932, qui réduisait les salaires de 10 % de façon généralisée. Comme les baisses de salaires dans le secteur privé ont été beaucoup plus importantes et que l'on a rétabli graduellement la baisse de 10 % des traitements des fonctionnaires, les salaires dans la fonction publique au début de la Deuxième Guerre mondiale étaient avantageux en comparaison de ceux du secteur privé. La comparabilité semble être intervenue seulement de façon générale pour produire ces résultats.
Pendant la guerre, le pragmatisme a eu préséance encore une fois. Les augmentations de salaires étaient généralement restreintes. Pour recruter le personnel nécessaire et prévenir l'injustice flagrante, le gouvernement a eu recours à des mesures telles que les indemnités de vie chère, l'avancement dans les unités miliaires, les suppléments liés aux responsabilités de temps de guerre et l'assouplissement du système de classification.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la taille de la fonction publique a augmenté pour atteindre 117 000 employés en 1946. La Commission royale d'enquête sur les classifications administratives dans la fonction publique (1946), présidée par W.L. Gordon, a poursuivi le travail entrepris par la Commission Beatty. La Commission Gordon a déploré qu'en raison de l'augmentation continue des responsabilités du gouvernement, il n'y avait pas suffisamment « d'hommes » de haut calibre aux niveaux supérieur et intermédiaire. Elle convenait avec la Commission Beatty que « le chevauchement des échelles salariales dans des postes successifs pour les promotions [n'est] pas conforme au maintien de l'efficacité maximale »[11]. (TRADUCTION) La Commission a critiqué les rôles contradictoires de la Commission du Service civil et du Conseil du Trésor en ce qui a trait à la détermination des salaires et elle était en faveur de confier ce rôle entièrement à ce dernier organisme.
Dans ses recommandations, la Commission Gordon a proposé les principes suivants pour déterminer la rémunération au niveau supérieur de la fonction publique :
Le niveau général de ces échelles salariales pour le groupe administratif [nous dirions aujourd'hui la direction] et pour le groupe scientifique, technique et professionnel devrait être établi de sorte qu'au niveau des postes subalternes, les salaires pourraient attirer dans la fonction publique le nombre nécessaire des meilleurs candidats des universités; au niveau intermédiaire, ils reconnaîtraient les fonctions de plus en plus importantes à assumer et tiendraient compte des responsabilités familiales croissantes que les hommes, au début ou au milieu de la trentaine, doivent habituellement assumer, tandis qu'au haut de l'échelle, les salaires devraient permettre aux hauts fonctionnaires d'assumer leurs fonctions sans avoir de problèmes financiers. (TRADUCTION).
Suite au rapport de la Commission Gordon, on accorda des hausses à certains sous-ministres et à d'autres hauts fonctionnaires. De façon plus générale, on intégra au régime salarial de la fonction publique l'indemnité de vie chère versée durant la guerre.
L'augmentation relativement rapide des taux de rémunération dans le secteur privé et la croissance continue de la fonction publique fédérale durant la période d'après-guerre ont exercé de fortes pressions sur le niveau et la structure des taux de rémunération de la fonction publique. La tendance à recourir à des augmentations générales soulignait les lacunes du mécanisme appliqué pour réviser les taux de rémunération. En 1948, le premier ministre de l'époque, Louis St-Laurent, réaffirma en ces termes les principes sur lesquels reposait la politique du gouvernement en matière de rémunération :
Depuis longtemps, la politique du gouvernement en ce qui concerne les salaires dans la fonction publique repose sur deux grands principes. Premièrement, ils devraient être suffisants pour attirer au service civil et y maintenir en poste des personnes satisfaisant aux critères et, compte tenu de tous les facteurs pertinents tels les conditions d'emploi, les salaires établis pour chaque catégorie de travail devraient généralement correspondre à ceux que versent les bons employeurs du secteur privé pour un travail comparable. (TRADUCTION)
L'importance accrue accordée à la comparabilité externe dans cette formulation relativement succincte soulignait la nécessité d'une meilleure information au sujet des niveaux et des pratiques de rémunération dans le secteur privé. En 1957, inspiré par la British Royal Commission on the Civil Service (1955), le gouvernement a créé le Bureau de recherche sur les traitements. La mission du Bureau était « de fournir de l'information objective sur la rémunération et les conditions de travail au gouvernement, dans le secteur des entreprises et dans le secteur industriel et de réunir et d'analyser des données factuelles sur les tendances en matière d'emploi en dehors de la fonction publique ». Ce mandat représentait une importante innovation à au moins deux égards : premièrement, il indiquait l'engagement de fournir des preuves empiriques pour déterminer les salaires; deuxièmement, sa gouvernance prévoyait la participation active des associations d'employés à l'établissement des priorités du Bureau.
En 1958, le premier ministre Diefenbaker a fait la déclaration suivante sur la politique de rémunération dans la fonction publique :
Tout d'abord, les salaires doivent être assez élevés pour répondre à l'objectif qui leur est propre : attirer et conserver dans le service du gouvernement ceux et celles qui possèdent les aptitudes requises. En second lieu, ils doivent être équitables, et pour les fonctionnaires et pour ceux qui ne sont pas au service du gouvernement, autrement dit, les contribuables; la rémunération que nous accordons pour tel ou tel genre d'emploi doit donc se comparer au salaire que versent les employeurs de l'entreprise privée pour un travail analogue, compte tenu des autres conditions d'emploi qui doivent entrer en ligne de compte si l'on veut établir une juste comparaison.
Il est intéressant de noter les changements de terminologie passant « d'employeurs avisés » (Arthur Young & Company, 1919) à « bons employeurs » (Louis St-Laurent, 1948) à simplement « employeurs de l'entreprise privée » (John Diefenbaker, 1957). Nous pouvons seulement émettre l'hypothèse que cet assouplissement apparent au fil des ans de la description des employeurs comparables adéquats du secteur privé représente un recul conscient de perspective.
En conformité avec cet énoncé de politique, la nouvelle Loi sur le service civil (1961) renfermait dans le paragraphe 10(2) la première description législative de la politique sur la rémunération :
En faisant des recommandations sur la rémunération, la Commission doit considérer les exigences du service civil et tenir compte également des salaires et autres modalités et conditions d'emploi qui règnent au Canada pour un travail similaire à l'extérieur du service civil, de même que du rapport qui existe entre les fonctions des diverses catégories dans le service civil et de toutes autres questions qu'elle estime être dans l'intérêt public.
Par conséquent, au début des années 1960, la comparabilité de la rémunération de la fonction publique avec celle du marché du travail externe était devenue plus présente dans les énoncés de politique, mais non particulièrement essentielle à la détermination réelle des salaires et des avantages sociaux.
Aujourd'hui, plus de 40 ans après sa publication, le chapitre portant sur la « Gestion du personnel » du Rapport de la Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement (Glassco)[12] traite d'un grand nombre de questions auxquelles la fonction publique est encore confrontée. Dans les domaines particuliers de la rémunération de la fonction publique et de sa comparabilité à l'économie générale, la Commission Glassco offre un bon aperçu de la politique et de la pratique.
À partir du travail accompli par le nouveau Bureau de recherche sur les traitements, la Commission Glassco a évalué comment les salaires et les avantages sociaux de la fonction publique étaient reliés à ceux des emplois comparables dans le secteur privé. Parmi les observations générales de la Commission au sujet de la comparabilité, mentionnons les points suivants :
Dans l'ensemble, les échelles de salaires pour les postes inférieurs de l'administration sont égales ou même supérieures à celles des emplois correspondants dans l'industrie privée. Les échelles de salaires pour les emplois supérieurs à ces niveaux accusent certaines différences, surtout dans les hauts postes administratifs ou professionnels où le gouvernement est nettement désavantagé, au point de vue financier, par rapport à l'industrie privée.
Dépourvu de la souplesse requise pour adapter les traitements aux niveaux des salaires qui ont cours dans les diverses régions, le service public applique souvent des échelles de salaires supérieures à ces niveaux dans certains centres, inférieures dans certains autres.
D'une façon générale, les régimes de prévoyance en vigueur dans la fonction publique sont plus favorables aux employés que ceux de la plupart des industries privées... certains employeurs importants offrent maintenant un régime de prévoyance qui vaut presque celui du service du gouvernement, et quelques-uns offrent même des avantages plus attrayants que la fonction publique... le régime des pensions constitue le principal attrait des programmes de la fonction publique... les programmes d'avantages offerts aux employés du gouvernement sont si compliqués que nombre de fonctionnaires et de candidats éventuels n'en reconnaissent pas la valeur[13].
Tenant compte de cette vision élargie de la situation relative de la rémunération de la fonction publique dans l'économie canadienne de l'époque, la Commission a porté un œil critique sur les différentes déclarations de politique faites à l'époque. À son avis :
On n'a pas encore établi, jusqu'ici, l'ensemble des principes régissant la rémunération des fonctionnaires. Les déclarations qu'on a formulées dans le passé, parce qu'elles étaient trop générales, n'ont eu qu'une utilité très restreinte dans la pratique... ce n'est que ces dernières années qu'on a accordé une grande attention aux forces du marché pour la fixation des traitements des fonctionnaires[14].
La directive de la Commission était la suivante :
Ce programme devrait tendre vers trois objectifs précis : aider à remplir les cadres du service par un personnel compétent, en y attirant les candidats qui font l'affaire et en retenant les employés compétents; rémunérer équitablement les serviteurs du gouvernement; réaliser les deux objectifs précédents à des frais le moins élevé possible pour le contribuable[15].
On pourrait croire que cette formulation n'est pas moins généralisée que les énoncés des principes de la rémunération que la Commission a elle-même critiqués. En fait, la Commission a analysé divers termes clés tels que « taux du marché » ou « taux régnants ». Elle a souligné, par exemple, la nécessité de préciser que les enquêtes sur les salaires ne devraient pas se limiter aux « meilleurs employeurs », mais devraient inclure « un groupe représentatif d'employeurs à qui le service public dispute des candidats »[16].
La Commission a aussi souligné l'importance d'assurer un traitement équitable aux travailleurs fédéraux (par exemple, les météorologues) pour lesquels il n'y a aucun équivalent direct sur le marché du travail externe. Elle a fait une critique sévère du système de classification actuel comme étant un obstacle à une rémunération équitable[17] et a conclu que « le régime actuel de rémunération est essentiellement négatif » puisqu'il ne prévoit pas « la reconnaissance formelle du rendement supérieur »[18].
En général, le rapport de la Commission Glassco a marqué un tournant entre une fonction publique traditionnelle enracinée dans les règles et la procédure et une nouvelle fonction publique accordant un rôle plus important à la délégation des pouvoirs à la direction et à la reddition de comptes pour les décisions prises en fonction des conditions locales. Dans le domaine de la rémunération et de la comparabilité, la Commission a offert l'évaluation la plus complète de la situation relative de la fonction publique à cette époque et peut-être depuis. Ses commentaires sur les principes régissant la rémunération et leur interprétation étaient percutants et suggéraient comment en améliorer la clarté et l'application.
Mais ce rapport est paru à une époque où le paternalisme de l'employeur perdait du terrain à la faveur d'une plus grande acceptation sociale d'une approche davantage axée sur la collaboration dans l'établissement des salaires. Presque immédiatement après la publication du rapport, le gouvernement minoritaire de Lester Pearson a décidé de transférer la détermination des salaires dans la fonction publique au domaine de la négociation collective.
En 1965, le Comité préparatoire des négociations collectives dans la fonction publique, présidé par A.D.P. Heeney, a publié un rapport[19]. Afin de préparer officiellement le terrain pour la négociation collective, il fallait régler deux questions fondamentales. Premièrement, comment serait structuré l'effectif de la fonction publique pour la négociation collective? Deuxièmement, quels rouages et règlements seraient mis en place pour encadrer le nouveau système?
Pour ce qui est de la première question, le Comité préparatoire a indiqué que « le système de classification et d'échelles de salaires, tant pour les fonctionnaires civils que pour les employés à taux courants, n'a pas subi de révision complète depuis 1919 ». Le Comité a reconnu (comme la Commission Glassco avant lui) qu'il y avait « absence d'une ligne de démarcation bien claire entre les deux systèmes » et que les employés faisant partie des deux catégories accomplissaient le même genre de travail. Il a donc recommandé que les deux catégories d'employés soient fusionnées sous un seul système. Pour cela, le Comité a proposé une simplification radicale de la classification des postes, tel qu'illustré à la figure 1001. Les 700 catégories et 1 700 niveaux applicables aux 138 000 travailleurs employés en vertu de la Loi sur le service civil ont été remplacés par une structure à deux paliers. Le palier de la « catégorie professionnelle » serait une vaste division horizontale de la fonction publique utile aux fins de la planification et de l'élaboration de la politique de personnel. Le deuxième palier, celui du « groupe professionnel » serait une sous-division servant d'assise au processus de détermination de la rémunération.
Figure 1001
Une nouvelle structure pour la fonction publique avec l'adoption de la négociation collective
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On soulignait la capacité d'établir autant que possible une comparaison des tâches à celles du marché du travail externe.
Pour ce qui est de la deuxième question, deux observations méritent une attention particulière. Dans l'ensemble, le Comité préparatoire a conclu que « le régime de négociations collectives et d'arbitrage de la fonction publique du Canada doit autant que possible avoir pour point de départ les principes et coutumes qui régissent les rapports entre employeurs et employés dans l'ensemble de la collectivité canadienne ». Le Comité a indiqué clairement que le gouvernement devrait accepter la restriction « au droit historique de la Couronne de déterminer unilatéralement les conditions d'emploi de ses fonctionnaires » inhérent à l'acceptation d'un régime de négociation collective et d'arbitrage. Néanmoins, le Comité a proposé que le mécanisme de « règlement des différends par un tiers » soit un tribunal d'arbitrage permanent dirigé par un président permanent. On envisageait que les membres seraient « des hommes et des femmes qui jouissent d'une certaine réputation à travers le pays » et qu'il serait « rare que leur rôle quasi judiciaire soit entaché d'étroitesse ou d'esprit de parti ».
Le Comité préparatoire a également mentionné l'équilibre à maintenir entre la comparabilité externe et la parité interne, qui est essentiel pour assurer une juste détermination des salaires:
Les exigences du marché du travail et du maintien d'une relativité interne ne peuvent que difficilement se concilier dans un plan de classification. Pour répondre aux pressions du marché, il faut une structure flexible composée d'un grand nombre de parties dont chacune peut se mouvoir indépendamment. D'autre part, les exigences de la relativité interne imposent une structure rigide et unifiée dans laquelle chaque emploi peut être classé en un rapport invariable avec tous les autres. On ne saurait obtenir les meilleurs résultats possibles si l'on ne peut établir un équilibre raisonnable entre ces deux extrêmes.
Selon le Comité, le marché est le plus approprié en période de changement et de développement économiques, comme celle qui a prévalu au Canada depuis la Deuxième Guerre mondiale. Un système trop rigide conviendra mal pour recruter et maintenir en poste un personnel « compétent », notamment dans les emplois « hautement spécialisés ».
Le Comité s'est aussi fait un devoir d'exprimer le point de vue selon lequel « le nouveau système devrait offrir de forts stimulants au maximum de rendement », y compris l'application de ces pratiques au-delà de la « catégorie des hauts fonctionnaires ».
Le Comité s'est dit convaincu que, dans de nombreux secteurs de la fonction publique, une grève serait injustifiable et un lock-out impensable. Bien qu'il ait décidé de ne pas recommander l'interdiction des grèves, le Comité s'attendait clairement à ce que l'arbitrage soit le moyen habituel de résoudre les différends.
Influencé par la grève des travailleurs des postes en 1965 et sans doute par sa situation minoritaire au Parlement, le gouvernement Pearson a décidé « de tenir compte du point de vue de ceux et celles qui s'opposaient à l'arbitrage en principe » (TRADUCTION) en offrant l'option de la conciliation assortie du droit de grève dans la loi.
Un cadre législatif pour la négociation collective dans la fonction publique fédérale a été promulgué en vue d'être mise en œuvre à compter de 1967. La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) établissait les règles pour l'accréditation syndicale, le règlement des différends et la résolution des griefs. La Loi incorporait l'essentiel des recommandations du Comité. La Loi sur l'administration financière conférait au Conseil du Trésor la responsabilité d'employeur pour la majeure partie de la fonction publique, y compris les négociations portant sur les conditions d'emploi des travailleurs syndiqués ainsi que l'autorisation d'établir un régime de classification selon les paramètres proposés par le Comité préparatoire.
La LRTFP ne renfermait pas un énoncé direct de la philosophie du gouvernement fédéral en matière de rémunération. Toutefois, les points que le tribunal d'arbitrage doit prendre en considération au moment de rendre une décision arbitrale (article 68) révélaient indirectement les buts pertinents de la politique. Puisque l'on s'attendait à ce que l'arbitrage soit le moyen habituellement employé pour régler les différends, ces considérations prenaient encore plus d'importance :
Dans la conduite de ses audiences et dans ses décisions au sujet d'un différend, le conseil d'arbitrage prend en considération les facteurs suivants :
La négociation collective a d'abord été en vigueur de 1967 à 1975, les deux parties apprenant comment composer avec le nouveau système. L'arbitrage était l'option privilégiée pour la plupart des différends. Au cours de la première année d'application (1967-1968), 26 des 30 différends ont fait l'objet d'un arbitrage, bien que le nombre d'employés visés par des processus de conciliation ait été plus élevé que le nombre d'employés dont l'agent de négociation a opté pour l'arbitrage.
Pendant ces huit années, on ignore dans quelle mesure la comparabilité avec les niveaux de salaires externes a incité les arbitres à rendre des décisions arbitrales ou les négociateurs à conclure des règlements par voie de conciliation. Selon l'étude de Finkelman et Goldenberg, aucune décision du Tribunal ou de la Commission n'a mentionné la pondération relative à accorder à chacun des facteurs (que les conseils d'arbitrage devraient prendre en considération) énumérés à l'article 68 de la LRTFP.
En 1975, la Loi anti-inflation a imposé des restrictions aux augmentations salariales dans l'ensemble de l'économie canadienne, y compris la fonction publique fédérale, qui se sont appliquées jusqu'en 1978. Durant cette période, l'arbitrage dans la fonction publique a clairement été appliqué dans le cadre d'un régime plus vaste de détermination des salaires au Canada, imposant en fait une forme de comparabilité dans l'établissement des niveaux de salaires[20].
En mai 1977, à la fin de la période des mesures de contrôle de l'inflation, le gouvernement a publié un document intitulé Programme de coopération – Un document d'étude portant sur les questions du décontrôle et de l'après-contrôle. Le contexte était dominé par l'opinion bien arrêtée selon laquelle l'inflation représentait une grave menace pour le bien-être économique et qu'on ne pouvait permettre qu'elle augmente hors de contrôle. À cet égard, le document souligne que :
Les administrations publiques ont d'importantes responsabilités à titre d'employeur. Elles doivent fixer une politique de rémunération qui soit équitable tant pour les fonctionnaires que pour les travailleurs du pays. Sans contribuer aux tensions inflationnistes, elles doivent être justes envers leurs employés, en particulier ceux qui gagent le moins[21].
Dans le chapitre 8 du document d'étude, entièrement consacré à la rémunération dans le secteur public, le gouvernement caractérisait le contexte comme suit :
Même quand les deux secteurs représentent des postes identiques et que le principe de la comparabilité a été adopté, son application laisse souvent à désirer... Aussi la politique de rémunération dans le secteur public tend-elle à être influencée à la fois par le principe de comparabilité et par d'autres éléments, dont le maintien des écarts au sein de la fonction publique, les contraintes budgétaires et les objectifs sociaux à caractère général.
Cette exigence légitime, combinée à l'absence d'un « plancher » ou d'une rémunération appropriée fixée par les règles du marché, oblige parfois les pouvoirs publics à accorder des hausses peu justifiées.
Analysant la période postérieure aux mesures de contrôle, le document réitère le principe de la parité qui existe depuis longtemps pour les employés et les contribuables, et celui de la comparabilité raisonnable avec le secteur privé et de la protection des droits des fonctionnaires en vue d'une négociation collective responsable. Par la suite, le document ouvre de nouvelles pistes en insistant sur la « rémunération globale » (la valeur combinée de l'ensemble des salaires et des avantages offerts aux employés) comme élément de base de la comparabilité avec le marché du travail externe, de la façon suivante :
Le gouvernement se propose, pour rémunérer les fonctionnaires fédéraux, d'adopter le principe de comparabilité moyenne de la rémunération globale avec un échantillon représentatif des employeurs du secteur privé. Cette méthode sera appliquée de manière que la rémunération des fonctionnaires fédéraux continue de suivre celle du secteur privé.
Cela ne veut pas dire que l'administration fédérale se prive du droit de montrer l'exemple dans certains cas. En fait, le gouvernement gardera un rôle de chef de file quand des considérations sociales le justifient, par exemple dans des domaines comme les conditions de travail, les relations de travail et les avantages non monétaires. Cela signifie, toutefois, que les dispositions découlant des initiatives prises dans ces domaines seront explicitement considérées comme faisant partie de la rémunération globale des fonctionnaires fédéraux[22].
Le document de discussion reconnaissait qu'il faudrait élaborer une méthode d'analyse afin de déterminer la rémunération globale et la comparabilité. Il émettait également l'hypothèse qu'il serait difficile d'apporter graduellement les rajustements subséquents, à la hausse ou à la baisse, afin de mettre en œuvre la comparabilité. Enfin, le document reconnaissait qu'il y aurait des inquiétudes quant à la mesure dans laquelle les négociations collectives demeureraient significatives devant la rigueur requise par une politique de rémunération globale. En réponse, le document affirmait que « celles-ci continueront de jouer un rôle clef dans la fixation des conditions d'emploi, le dosage des différents éléments de la rémunération globale et la solution des problèmes évoqués précédemment ou des autres difficultés susceptibles de se présenter ».
En vue d'appliquer cette directive, le gouvernement a entrepris trois tâches :
Bien que les progrès en vue de la définition du concept de la rémunération globale aient été importants, les deux autres tâches, en partie du moins, n'ont pas abouti rendant la nouvelle approche essentiellement impraticable.
Cinq concepts fondamentaux sous-tendaient la notion de la comparabilité de la rémunération totale :
Du point de vue analytique, il était urgent de déterminer précisément les éléments à inclure dans les comparaisons globales. Après avoir analysé plus d'une centaine d'éléments possibles, dont des éléments intrigants tels que l'indemnité de canotage et l'indemnité de cheval, les représentants du Conseil du Trésor ont conclu que 12 éléments représentaient au moins 95 p.100 de la rémunération globale pour la fonction publique et les employeurs canadiens en général. Voici ces 12 éléments :
Conditions de travail, rémunération supplémentaire et congés
Avantages sociaux
On a exclu explicitement des éléments tels que le coût de la formation et du perfectionnement professionnel, qui étaient perçus comme un investissement de la direction en vue de l'amélioration du rendement et de la productivité; le remboursement des frais de voyages et des dépenses engagées pour remplir les fonctions de l'employé; les programmes sociaux prévus par la loi tels que l'assurance-emploi et l'indemnisation des accidents du travail; et le coût de l'administration des éléments de la rémunération.
On a porté une attention particulière au calcul de la valeur de la sécurité d'emploi, qui était perçue comme un avantage important de l'emploi dans la fonction publique. Sur la recommandation d'un consultant, une définition en deux volets a été retenue : la probabilité de la perte d'emploi et les pertes monétaires prévisibles en raison d'une mise en disponibilité. Il a alors été proposé que la valeur de la sécurité d'emploi se traduise par une prime hypothétique qui serait versée en guise de protection contre les pertes monétaires éventuelles s'il y avait cessation d'emploi. Cette prime pourrait ensuite être incluse dans le calcul de la rémunération globale.
Le gouvernement a déposé le projet de loi C-28[24] en mars 1978, lequel proposait notamment des modifications à la LRTFP afin de compléter ce travail théorique. Le projet de loi définissait largement la rémunération en ces termes :
Le projet de loi comprenait également de nouveaux paragraphes à l'article 68 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour obliger les arbitres à fonder leurs décisions « sur une comparaison de la rémunération globale pour des fonctions ou un travail semblable ». Diverses comparaisons étaient aussi exigées, d'abord avec des entités privées à but lucratif, puis avec d'autres entités hors de la fonction publique ou, en dernier recours, avec la fonction publique. Les arbitres auraient été tenus de justifier leurs décisions. Le Bureau de recherche sur les traitements aurait aussi eu le mandat législatif d'appuyer le processus. Toutefois, en raison de l'opposition des syndicats, le projet de loi C-28 n'a pas procédé au-delà de la première lecture.
Les syndicats se sont fortement opposés au plan visant à utiliser le Bureau de recherche sur les traitements à titre d'organisme chargé de produire les données qualitatives nécessaires pour calculer la comparabilité de la rémunération totale. Devant la position adoptée par les syndicats, il semble que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et le Bureau de recherche sur les traitements (qui faisait partie de la CRTFP) n'aient pas voulu envisager la rémunération globale ou partager de nouvelles données dont l'employeur aurait eu besoin pour faire ses propres calculs.
Globalement, le Conseil du Trésor s'est retrouvé dans une situation difficile en tentant de mettre en œuvre la politique destinée à utiliser la comparabilité de la rémunération totale comme démarche fondamentale pour négocier les salaires et les avantages sociaux au cours de la période subséquente aux mesures de contrôle à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Les représentants du Conseil du Trésor doutaient que cette démarche soit réaliste étant donné les « considérations pratiques et les réalités de la négociation collective et le processus de règlement des différends » pour modifier considérablement les règlements actuels en vue d'augmenter ou de réduire les salaires de certains groupes en raison des résultats de la comparabilité de la rémunération totale :
C'est ce qui ressort de dix années d'expérience dans le domaine de la négociation collective et du règlement des différents dans la fonction publique. Il n'y a jamais eu de règlement ou de décision arbitrale qui n'ait pas entraîné de hausse des taux de rémunération, peu importe la situation au niveau de la comparabilité. Sauf pour de très rares exceptions, la plupart des augmentations ont appliqué le « taux courant ». Les propositions de l'employeur en vue d'accorder des augmentations sous forme de paiements forfaitaires et d'éviter des augmentations de taux jugées excessives n'ont jamais été acceptées par les syndicats ou les commissions d'arbitrage.[25] (TRADUCTION)
Étant donné que le gouvernement n'a pas réussi à obtenir la collaboration des syndicats pour mettre en œuvre l'approche de la comparabilité de la rémunération totale ou à se doter des outils législatifs pour l'appliquer directement, cet état de choses a persisté dans la réalité pratique de la détermination des salaires.
Il faut noter cependant que même si la comparabilité de la rémunération totale n'a guère progressé dans les faits, les données recueillies par le Bureau de recherche sur les traitements au sujet des comparaisons de salaires de certaines professions basées sur l'appariement des postes ont joué un rôle clé pendant les négociations collectives.
Au cours des 10 à 15 années qui ont suivi la mise en place de la Commission de lutte contre l'inflation à la fin des années 1970, les efforts visant à limiter l'inflation se sont poursuivis et l'on a acquis la conviction qu'il fallait réduire les dépenses de l'État. En 1981, comme dans les premières années de la négociation collective, 75 unités de négociation ont choisi l'arbitrage et 47 unités la conciliation, mais les groupes qui ont opté pour la conciliation représentaient un plus grand nombre de fonctionnaires.
La Loi sur les restrictions salariales du secteur public adoptée en 1982 limitait les hausses dans la fonction publique fédérale à 6 et 5 %, respectivement, pour les deux années suivantes.
Entre 1991 à 1996, la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État et les lois d'exécution du budget adoptées successivement ont imposé un gel des salaires pendant cinq ans avec une augmentation de 3 % pour la dernière année. Ces interventions législatives ne visaient pas principalement à assurer la comparabilité avec la rémunération dans le secteur public, mais des objectifs macroéconomiques plus vastes.
Durant toute cette période, le Conseil du Trésor a continué d'approfondir sa compréhension de la comparabilité de la rémunération totale et à améliorer ses techniques d'analyse pour appliquer le concept. En septembre 1992, Wyatt Consultants a fait rapport au Secrétariat du Conseil du Trésor sur la façon de poursuivre l'élaboration de la méthodologie de comparaison de la rémunération globale. Parmi les recommandations, mentionnons l'évaluation actuarielle de tous les éléments de la rémunération, la comparaison de la rémunération d'un employé au cours de sa carrière professionnelle, l'amélioration du modèle permettant de calculer la valeur de la sécurité d'emploi (en faisant une distinction, par exemple, entre la mesure universelle et « différentielle » de l'aversion pour le risque), l'amélioration de la représentativité des groupes comparateurs du secteur privé et l'application de l'analyse aux taux de rémunération régionaux[26].
Pendant les années 1980 et au début des années 1990, le Secrétariat du Conseil du Trésor a insisté sur l'application des concepts de la comparabilité de la rémunération totale pour la détermination des salaires qu'il contrôlait. Ainsi, on a mis en place, sur plusieurs années, un système complexe de comparaison des professions militaires à des groupes analogues dans la fonction publique. Dans la pratique, les résultats de cette analyse n'ont pas été appliqués de manière cohérente au fil des ans pour établir le niveau des hausses de salaires, engendrant un climat de frustration et de malentendu entre le Secrétariat du Conseil du Trésor et les Forces canadiennes quant à l'utilité réelle de faire des comparaisons de la rémunération globale.
Les cadres de direction et les membres en uniforme de la Gendarmerie royale du Canada représentent deux cas d'application généralement efficace de la méthode de comparaison de la rémunération globale. Après un faux départ dans les années 1980, la comparaison de la rémunération globale avec huit autres services de police importants au Canada a débuté en 1993 et joué un rôle indispensable dans la détermination des hausses salariales des membres réguliers de la GRC. À l'heure actuelle, Hay Associates fournit des comparaisons de la rémunération globale pour les postes de cadres de direction, de sous-ministres et les autres personnes nommées par le gouverneur en conseil. Cette recherche a servi de fondement analytique aux recommandations sur la rémunération de ces groupes du Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction, présidé successivement par Lawrence Strong et Carol Stephenson.
Toutefois, l'incidence de la politique de comparabilité de la rémunération totale sur les résultats réels de la négociation collective ou des commissions d'arbitrage a été, dans le meilleur des cas, contextuelle. Un document de discussion sur la comparabilité de la rémunération paru en 1987 faisait observer ce qui suit :
Bien que la politique ait visé à ce que la disparité monétaire... entre la fonction publique et les éléments externes serve de fondement et de justification pour élargir les mandats de négociation collective, ce n'est pas ce qui s'est produit dans les faits. À l'exception de la comparabilité des salaires, les valeurs de la rémunération globale sont indiquées à l'interne, mais rarement sinon jamais utilisées pour élargir les mandats à la table de négociation ou dans les procédures impliquant des tiers.
Un grand nombre d'éléments de la rémunération globale ne font pas l'objet d'une négociation collective puisqu'ils sont déterminés par voie de législation, au Conseil national mixte ou par d'autres moyens ou forums.
Il y a certains problèmes inhérents à la « méthode d'évaluation » choisie pour appliquer la politique de rémunération énoncée. Les principaux désavantages mentionnés sont sa complexité au niveau conceptuel et méthodologique et la possibilité d'attribuer des valeurs artificielles à des éléments de la rémunération. Une méthodologie aussi complexe, le nombre d'hypothèses énoncées et les valeurs artificielles ne favorisent pas la dimension concrète de la négociation collective[27]. (TRADUCTION)
La dissonance cognitive apparente entre les améliorations toujours plus subtiles de la méthodologie et la reconnaissance de son utilité limitée pour déterminer la rémunération en pratique nous incitent à demander pourquoi les travaux sur la comparabilité de la rémunération totale se sont poursuivis. Essentiellement, il semble que la politique exprimait les intentions du gouvernement à l'égard de sa politique; par conséquent, les fonctionnaires ont poursuivi leurs efforts d'élaboration et d'application. Mais ces intentions n'ont pas été appuyées par des modifications aux mécanismes officiels servant à établir les niveaux de rémunération ou la volonté de concrétiser l'idée mise de l'avant. Par exemple, l'étude de 1992 de Wyatt Consultants était doublement ironique puisqu'elle présentait non seulement des idées que personne ne savait comment appliquer, mais la fonction publique en était alors à la deuxième année de ce qui allait devenir six années de contrôle des salaires dont cinq de gel salarial.
Un deuxième exemple de la discordance de la politique de la fin des années 1970 aux années 1990 est le concept de la parité salariale. La Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) adoptée en 1978exigeait que les employeurs relevant de la compétence fédérale en matière de travail (y compris la fonction publique) assurent « à travail de valeur égale, salaire égal ». Cela a engendré un clivage au niveau des politiques entre, d'un côté, l'engagement général du gouvernement à l'égard de la rémunération fondée sur la comparabilité avec un échantillon représentatif d'employeurs du secteur privé et, de l'autre, la priorité au principe « du salaire égal pour un travail de valeur égale » en faveur de la relativité interne entre les postes.
Dans une large mesure, la réflexion politique sur la comparabilité et la parité salariale semble avoir suivi une évolution différente. Les divers documents sur la comparabilité ont consacré relativement très peu d'attention aux exigences de la LCDP. Ainsi, les Notes sur la rémunération de la Direction des relations de travail du Conseil du Trésor, publiées en mars 1984, consacraient au plus deux pages sur 55 à cette question. La dichotomie entre les deux points de vue a été reconnue comme suit :
La détermination de la rémunération dans la Fonction publique en fonction du marché peut être influencée par... la Loi sur les droits de la personne, qui reconnaît la parité salariale pour des fonctions jugées équivalentes, quelles que soient les conditions du marché[28].
Un document plus fouillé publié par le Secrétariat du Conseil du Trésor en 1992 et intitulé Compensation Determination for Represented Employees: Future Directions, présentait des observations similaires :
En général,... les relativités internes constituent le principal élément à considérer pour établir la rémunération en vertu de la LCDP. Cette approche contraste nettement avec la LRTFP, selon laquelle le concept de relativité interne est l'un parmi plusieurs facteurs à considérer pour déterminer la rémunération. »[29] (TRADUCTION)
Alors que, dans les faits, le gouvernement a réglé les plaintes en matière de parité salariale hors de la négociation collective, dans certain cas les deux concepts se sont trouvés réunis. En 1998, un ajustement spécial de rémunération (ASR) a été inclus dans les conventions collectives de divers groupes composés majoritairement de femmes ayant participé à la plainte sur la parité salariale déposée par l'Alliance de la fonction publique du Canada. Bien que le Secrétariat du Conseil du Trésor ait évité de lier les versements d'ASR à la parité salariale, ceux-ci étaient en fait inclus dans le règlement qui a suivi. En général, les deux concepts de la comparabilité externe et « d'un salaire égal pour un travail de valeur égale » à l'interne ont coexisté plutôt que d'être harmonisés.
Au début et au milieu des années 1990, la politique appliquée dans le cadre de l'Examen des programmes visait à réduire la taille de la fonction publique et à limiter les salaires et les avantages sociaux dans le cadre de l'engagement du gouvernement d'éliminer le déficit fédéral et de reprendre le contrôle des finances du pays. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a réduit considérablement sa capacité dans le secteur de la détermination des salaires et de la négociation collective.
Le gouvernement a décidé d'abolir le Bureau de recherche sur les traitements (BRT) dans le cadre d'un programme plus vaste d'abolition d'organismes intégré au Budget de 1992. Pendant ses 35 années d'existence, le Bureau a acquis une expertise considérable et une grande crédibilité dans de nombreux milieux. Cependant, il semblerait que la direction estimait que les échantillons du BRT n'étaient pas assez représentatifs des employeurs canadiens parce qu'ils provenaient uniquement de grands établissements syndiqués.
Tout comme la création du BRT en 1957 a été un pas en avant pour renforcer la base empirique servant à déterminer la comparabilité, son abolition a mis un terme à la possibilité de recueillir des données détaillées à partir desquelles évaluer la comparabilité. Il se peut que le BRT ait perdu sa raison d'être, du moins à court terme, du fait que le gouvernement s'apprêtait à l'époque à imposer un gel des salaires.
Lorsque la négociation collective a repris en 1997[30], les syndicats et le Conseil du Trésor ont commencé ce qui s'est avéré être la négociation salariale en fonction des tendances. Cette démarche reflétait sans nul doute la capacité réduite de négociation des deux parties après des années sans négociation collective. Par la suite, les règlements ont été de plus en plus différents entre les groupes, mais la comparabilité externe n'était que l'un des facteurs servant à façonner les ententes.
Indemnités provisoires
Le principal exemple de l'influence de la comparabilité sur les salaires a été l'adoption, en 1997, des indemnités de recrutement et de maintien en poste (généralement appelées indemnités provisoires) pour le groupe des Systèmes d'ordinateurs (CS). Au cours des années suivantes, ces indemnités ont été appliquées à une douzaine d'autres groupes au moins. La décision d'établir ces indemnités était fondée sur des données concernant la rémunération versée par des employeurs concurrentiels dans des circonstances où il était évident que le gouvernement fédéral avait de la difficulté à recruter ou à maintenir en poste un personnel suffisant dans certaines professions en forte demande.
Deux considérations ont dicté le recours à l'indemnité provisoire à des fins de comparabilité. Premièrement, on a voulu réduire le risque de pressions accrues en faveur de la parité salariale en respectant les exceptions au « travail de valeur égale, salaire égal » prévues par l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale, notamment l'article 16 (h) : « la pénurie de main-d'œuvre dans une catégorie d'emploi particulière au sein de l'établissement de l'employeur ». Deuxièmement, on a voulu éviter que les hausses de salaires ne deviennent permanentes puisque les pressions du marché du travail à l'origine des problèmes de recrutement et de maintien en poste pouvaient être temporaires.
Études conjointes
Autres manifestations de la comparabilité externe, les diverses études conjointes menées à la demande du Conseil du Trésor, de l'agent négociateur intéressé et, souvent, du principal ministère employeur pour connaître la rémunération versée par les autres employeurs canadiens à certains groupes tels que les Services correctionnels (CX), le Service extérieur (FS), la Navigation aérienne (AO) et les Services de l'exploitation (SV). Du point de vue de l'employeur, ces études manquaient généralement d'objectivité et d'équilibre et, par conséquent, elles n'ont pas été habituellement acceptées comme élément de base des négociations.
Capacité de recherche
Dans une perspective plus vaste, l'employeur et les syndicats ont commencé conjointement, en 2002, à reconstituer la capacité fournie par le Bureau de recherche sur les traitements de 1957 à 1992. Statistique Canada a entrepris le travail d'élaboration et des études pilotes pour certains postes, sous la direction du Comité consultatif mixte sur la rémunération du Conseil national mixte. La Loi sur la modernisation de la fonction publique, adoptée par le Parlement en novembre 2003, prévoyait la mise en place d'une capacité permanente de recherche sur les traitements intégrée à la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique.
La parité salariale
En 1999, la plainte de longue date en matière de parité salariale déposée par l'Alliance de la fonction publique du Canada à l'égard des différents groupes de commis, de secrétaires et d'enseignants composés majoritairement de femmes a été réglée. Bien que l'entente ait servi à régler un différend important au sujet de l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, elle a sans aucun doute éloigné encore davantage le régime fédéral de rémunération de la comparabilité globale avec le marché du travail canadien.
Taux de rémunération régionaux
Une autre tendance s'éloignant de la comparabilité a été l'élimination progressive des taux de rémunération régionaux dans la fonction publique fédérale. Ce processus a débuté bien avant l'Examen des programmes. En 1985 et 1986, suite aux pressions exercées auprès des députés à l'initiative de l'Alliance de la fonction publique du Canada, on a réduit le nombre de zones de paye pour les groupes de classification des Services divers (GS) et des Manœuvres (GL). Dans les conventions collectives de 1997 et 2001, on a réduit le nombre de zones pour les employés des groupes GS et GL de dix à sept puis à trois. À l'heure actuelle, les zones sont tellement vastes qu'il n'y a aucun lien significatif avec les marchés du travail locaux.
Système de classification universel
Par ailleurs, en 2002, le Conseil du Trésor a décidé de ne pas aller plus loin avec le système de classification universel en vue de réformer les normes de classification pour le noyau de la fonction publique. Une des principales raisons de cette décision était qu'on voulait éviter de créer un cadre trop rigide pour l'évaluation des postes dans la fonction publique, qui aurait rendu presque impossible l'adaptation à l'évolution du niveau de la rémunération externe touchant seulement certaines professions.
Le Conseil du Trésor n'a pas adopté officiellement de politique de rémunération après la reprise des négociations collectives en 1997. À deux occasions, au milieu de 1999 et au milieu de 2003, des projets de politique ont été examinés activement à l'interne. Mais des changements au niveau du personnel clé et l'évolution du climat des relations de travail ont jusqu'à présent empêché la mise en place d'une politique. Dans les deux cas, les ébauches étaient manifestement semblables aux politiques énoncées antérieurement, soulignant ainsi la nécessité de concilier la comparabilité externe et la parité interne.
L'ébauche du cadre stratégique de 2003 fait ressortir quatre « grands principes ». La rémunération dans la fonction publique devrait :
L'ébauche souligne également que le gouvernement fédéral est responsable de la politique publique en général, en plus d'être le plus important employeur au Canada. Par conséquent, les objectifs de la rémunération seront fonction des considérations de politique publique, notamment les objectifs de la politique économique tels que le contrôle de l'inflation, les lois pertinentes comme la Loi canadienne sur les droits de la personne, les objectifs de la politique sociale tels que la prolongation du congé parental en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, ainsi que les attentes et les pressions du public.
L'appendice B[31] renferme l'ébauche de la politique de 2003 telle qu'elle a été diffusée aux fins de commentaires.
Le conseil de direction de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a adopté une telle politique au début de 2001. La politique renferme les points suivants :
En versant à nos employés un taux de rémunération juste et raisonnable, nous nous assurons que l'ADRC sera perçue comme un employeur attirant... Afin d'assurer un meilleur milieu de travail et de maintenir des normes élevées de service, l'ARDC doit s'adapter aux réalités du marché du travail.
Le Conseil de gestion et l'équipe de gestion de l'ADRC sont déterminés à adopter une politique sur la rémunération qui reconnaît les réalités de forces du marché du travail concurrentielles et y donne suite. Si des études montrent qu'il existe un écart appréciable entre la rémunération versée par l'ADRC et celle offerte par un marché du travail concurrentiel, et qu'il peut être démontré que cet écart nuit à notre capacité d'attirer et de retenir des employés, l'ADRC s'engage à combler cet écart.
En général, pendant la période qui a suivi l'Examen des programmes, la rémunération dans la fonction publique fédérale a continué d'être déterminée par différentes forces. Même si la comparabilité était certes un élément important, on ne pourrait pas dire qu'elle a été le facteur déterminant pour établir les salaires et les avantages sociaux.
La période postérieure à l'Examen des programmes concorde de façon générale avec ce qui s'est produit depuis l'adoption du principe du mérite à la fonction publique en 1918. La comparabilité avec le marché du travail externe a toujours été en évidence dans les déclarations du gouvernement au pouvoir sur sa philosophie en matière de rémunération des fonctionnaires. Mais, au fil des ans, d'autres facteurs ont eu tendance à prendre le pas sur la comparabilité en tant que facteur déterminant des salaires et des avantages sociaux. Leur importance a varié avec le temps, allant des pressions exercées pour faire respecter les relativités internes aux considérations pragmatiques comme le fait de trouver un « accord pouvant être accepté » à l'exigence statutaire d'assurer « un salaire égal pour un travail de valeur égale », à la volonté de donner l'exemple à titre d'employeur avisé et à la nécessité de contrôler l'inflation ou de réduire les dépenses gouvernementales.